Kevin Teeroovengadum :« Une décennie dominée par des turbulences économiques »

La situation ne s’annonce guère reluisante au niveau de l’économie. Alors que la population souffre de plus en plus en raison du coût élevé de la vie, ce n’est pas de sitôt qu’elle pourra s’attendre à une amélioration de sa condition. Au contraire, tout semble indiquer qu’elle ira de mal en pis. Kevin Teeroovengadum, économiste, donne d’ailleurs l’alerte. « Cette décennie sera très éprouvante au niveau économique. D’ici la fin de l’année et surtout l’année prochaine, nous serons très affectés par la récession qui frappera l’Europe de plein fouet », prévient-il. Nos secteurs, que ce soit le sucre, le tourisme, le textile, l’immobilier ou encore les services financiers, seront durement éprouvés, étant donné que notre marché principal demeure l’Europe. « Nous dépendons beaucoup sur l’Europe. Or, nos clients européens subissent déjà les premières secousses. Au fur et à mesure que la récession, qui durera un certain temps, sortira ses griffes, nous serons de plus en plus impactés », met en garde l’économiste. Les répercussions, vous l’aurez compris, seront donc néfastes pour notre économie, et pour la population en général. D’autant que la fragilité et la vulnérabilité de notre économie joueront contre nous.

Selon Kevin Teeroovengadum, la prévoyance et le pragmatisme exigent que nous soyons plus prudents. « Nous devrons commencer à nous y préparer dès maintenant afin d’éviter le pire », dit-il. Surtout que la Banque mondiale a déjà prévenu durant la semaine écoulée que les marchés émergents souffriront le plus. « Il faut arrêter de croire que nous sommes résilients alors que nous ne le sommes point », ajoute-t-il. L’économiste rappelle la Banque centrale a eu un recours massif à l’impression monétaire pour pouvoir injecter des fonds dans l’économie durant ces deux dernières années. Sans compter que le gouvernement a également mis la main sur le réserves de la Banque centrale pour soutenir l’économie. « Le ministre des Finances avait lui-même affirmé que le gouvernement a soutenu l’économie à hauteur de 30% du PIB, soit environ Rs 150 milliards », fait-il ressortir. Et d’ajouter que depuis mars 2020, la Banque centrale n’a cessé, presque toutes les deux semaines, d’injecter des devises pour défendre la roupie, sachant que ces devises proviennent des emprunts qu’il faudra par la suite rembourser à un taux d’intérêt plus fort.

Dure réalité

« Nos importations continuent d’augmenter, nos exportations piétinent, mais nous persistons à maintenir le même train de vie. La vérité, c’est que nous vivons largement au-dessus de nos moyens. Le problème, c’est qu’il nous sera encore plus difficile de survivre dans une décennie qui sera ponctuée par de multiples turbulences économiques », regrette l’économiste. Une dure réalité que la jeune génération doit se préparer à affronter, selon Kevin Teeroovengadum. « Les jeunes ne savent pas encore c’est quoi la récession parce qu’ils ne l’ont encore jamais vécue. Mais ils devront s’y adapter. D’ailleurs, en l’espace de deux ans, il y a eu la Covid-19, la guerre entre l’Ukraine et la Russie et la crise de Taïwan. Cela fait plus de 40 ans depuis qu’il n’y a pas eu autant de tensions. Et tout cela nous affecte parce que nous ne sommes pas coupés du reste du monde », affirme notre interlocuteur.

Ces multiples turbulences économiques, explique Kevin Teeroovengadum, seront là pendant au moins une décennie. « Les responsables politiques mondiaux n’ont que deux options : soit de permettre une récession catastrophique comme dans les années 1930 ou sinon de permettre l’impression monétaire qui apportera de multiples mini-récessions connues comme des turbulences économiques », élabore-t-il. Selon lui, puisque les consommateurs ont déjà été frappés d’un ‘double whammy’, ou d’une double épreuve, affectant ainsi leurs revenus nets disponibles, les responsables mondiaux opteront plutôt pour la deuxième option, soit l’impression monétaire, pour éviter des crises sociales majeures. « Ce qui fait qu’on connaîtra une crise suivie d’une légère reprise avant de faire face à une autre crise et ainsi de suite. Ce qui est un peu similaire à la situation qu’on a connue avec la Covid-19 », poursuit-il. « Nous arrivons à la fin d’un cycle qui avait commencé avec la globalisation depuis les 40 dernières années. Les premiers signes étaient là avant même l’apparition de la Covid-19, mais la situation s’est empirée avec la pandémie, la guerre en Ukraine et la crise à Taïwan », affirme Kevin Teeroovengadum, en précisant qu’il ne cède pas au pessimisme, mais qu’il est important d’être prévoyant afin de pouvoir prendre les mesures qui s’imposent.