– « Ce n’est pas une faveur que nous recherchons, mais un droit légitime dont il ne peut pas nous priver pour des raisons bassement politiques ou parce qu’il veut garder sa haute trahison envers le pays sous le tapis »
Eshan Juman, député du no. 3, a adressé une lettre au Premier ministre durant la semaine pour réclamer que des arrangements soient faits pour qu’il puisse visiter Agaléga, qui fait partie de sa circonscription. Shakeel Mohamed, autre député travailliste de cette circonscription port-louisienne en a fait de même. Eshan Juman nous explique les raisons ayant motivé leur démarche…
Propos recueillis par Z. RADHA
Q : Pourquoi réclamez-vous le droit de visiter Agaléga ?
D’abord parce que, comme vous le dites, c’est mon droit en tant que député du no. 3, et aussi celui des autres élus de cette circonscription dont fait partie Agaléga. Il est inadmissible qu’un député ne puisse avoir accès à ses mandants, tout comme il est inimaginable que des mandants soient privés du droit de rencontrer leurs représentants au Parlement. Agaléga et ses habitants ne peuvent ni être exclus du territoire mauricien ni être privés de leurs droits fondamentaux. Or, c’est exactement ce que fait le gouvernement MSM en nous privant l’accès à l’île où nous comptons quelques centaines d’électeurs.
Et ensuite, nous avons reçu, ces derniers temps, une avalanche de doléances de la part des Agaléens. Ces doléances vont des problèmes de logement et de santé publique à un manque d’approvisionnement en divers produits, en passant par un manque d’enseignants dans les écoles et des infrastructures déplorables. Nous voulons rencontrer les habitants et faire un constat de visu afin de pouvoir venir de l’avant avec des propositions dans le but de soulager leurs problèmes. D’où la lettre que Shakeel Mohamed et moi-même avons chacun adressé au chef du gouvernement pour qu’il facilite cette visite. Ce n’est pas une faveur que nous recherchons, mais un droit légitime dont il ne peut pas nous priver pour des raisons bassement politiques ou parce qu’il veut garder sa haute trahison envers le pays sous le tapis. En tant que Premier ministre et ministre des îles périphériques, dont Agaléga, il a le devoir et la responsabilité de faire les arrangements nécessaires pour notre déplacement.
Q : Vous avez évoqué divers problèmes des Agaléens, mais pas les développements qui s’y font et qui laissent perplexes beaucoup de Mauriciens. Pourquoi ?
Nous ne sommes pas contre les développements, mais nous sommes bien évidemment interpellés par ceux qui s’apparentent à l’installation d’une base militaire à Agaléga. La presse étrangère, incluant celle de l’Inde, y fait souvent allusion. La presse locale interpelle sans cesse les autorités sur la question, mais se heurte à une fin de non-recevoir. Les réponses à nos questions parlementaires sur le sujet restent également vagues. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, fait vainement croire qu’il ne s’agit pas d’une base militaire, mais des infrastructures qui serviront à nous protéger contre la pêche illégale, la piraterie et le trafic de drogue. Le ministre Bobby Hurreeram a, lui, fait mieux que Pravind Jugnauth et a parlé de l’île comme une station balnéaire en devenir. Mais la superficie de la piste d’atterrissage trahit les intentions des autorités. Au final, c’est le flou qui persiste. Tout ce que nous réclamons, c’est que le gouvernement joue la carte de la transparence. S’il y a un accord entre Maurice et l’Inde, nous devons savoir de quoi il s’agit. Agaléga fait partie intégrante de notre souveraineté territoriale et nous avons le droit de savoir ce qui s’y trame. D’autant qu’il concerne aussi notre protection et notre sécurité.
Q : Pensez-vous que c’est justement à cause de ces développements que le gouvernement vous met des bâtons dans les roues pour rendre possible une visite à Agaléga ?
S’il fait le difficile, c’est parce qu’il a fort probablement des choses à nous cacher. Pourquoi la MBC peut-elle se rendre sur l’île et pas nous, les députés qui sont dûment élus pour représenter les Agaléens ? C’est inacceptable. Pravind Jugnauth avait déjà laissé entendre que nous pourrions nous y rendre à nos propres frais. Pourquoi ? Où est la logique ? Le Premier ministre se rend-il à Rodrigues à ses propres frais ou sa visite est-elle financée par l’État ? Les ministres se rendent-ils dans les ‘Citizens Advice Bureau’ (CAB) de leurs circonscriptions pour rencontrer leurs mandants à leurs propres frais ou obtiennent-ils une allocation de transport pour leurs déplacements ? Pourquoi devrions-nous donc payer de nos poches pour nous rendre dans une partie de notre circonscription ? Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures ? C’est clair qu’il s’agit d’une part, d’une politique de vengeance contre les députés de l’opposition du no. 3 et d’autre part, d’une politique d’opacité et de cachotterie. J’espère seulement que le bon sens prévaudra et que la visite que nous réclamons se concrétise dans l’intérêt de nos mandants, de la population et du pays.