Koomaren Chetty : «Le PMO n’est pas le propriétaire du pays !» 

À peine a-t-il rejoint le PMSD qu’il répond déjà présent aux côtés de son nouveau leader lors de certains événements. D’humeur combative, Koomaren Chetty, candidat battu de la défunte Alliance Lepep au no 18 en décembre 2014 et ancien CEO de Landscope Mauritius, nous révèle ses états d’âme, fussent-ils sa déception envers Pravind Jugnauth et le gouvernement, ses craintes par rapport à l’accaparement du bureau du Premier ministre par une petite clique mais aussi de son désir d’être candidat au no 6… 

  •  « Si vous regardez tout ce qui s’est passé avec Dayal, Lutchmeenaraidoo et Bhadain, vous verrez que c’est un bis repetita de 1983. Qui en a profité de l’évincement de ces derniers si ce n’est Pravind Jugnauth lui-même? » 

Zahirah RADHA

 

Q : Koomaren Chetty, votre décision de quitter le MSM pour le PMSD a été prise après mure réflexion ou sur un coup de tête depuis votre départ de Landscope Mauritius ?

R : Ma décision n’a certainement pas été prise sur un simple coup de tête. Quand j’ai quitté Landscope Mauritius, suite à des conflits avec le tandem Sanspeur-Hanoomanjee, Pravind Jugnauth a fait preuve d’une froideur extrême. Je trouve son attitude d’autant plus aberrante puisque j’étais non seulement un membre du bureau politique du MSM, mais aussi un candidat battu lors des dernières élections générales. Mais ce qui est encore plus grave, c’est qu’à la suite de ma démission, le MSM a coupé tout contact avec moi. C’était leur choix et leur méthode et je n’en ai pas fait grand cas. À un moment donné, j’avais même songé à mettre une fin à ma carrière politique afin de me consacrer à mes activités commerciales. Certaines personnes m’ont alors demandé si le MSM était l’unique plateforme pour faire de la politique. Après consultation avec plusieurs amis et connaissances, j’ai finalement décidé de poursuivre mon combat politique…

Q : … le PMSD vous aura plus inspiré qu’un autre  parti ?

R : J’ai connu le PTr dans le passé. Je ne connais pas trop le MMM quoique j’y ai beaucoup d’amis. Quant à Xavier Luc Duval, je le connais depuis 1987. J’ai aussi travaillé avec lui en 1991. Cependant, j’ai appris à le connaître davantage quand j’ai été son colistier en 2014 et, par la suite, quand il était au gouvernement. Je l’ai également croisé dans la circonscription à  plusieurs reprises. On discutait depuis quelque temps déjà mais j’ai finalement décidé de faire le saut. Je suis persuadé que c’est seulement le PMSD qui représente l’espoir. D’ailleurs, Xavier Duval a toutes les qualités d’un leader. Il est ouvert, disponible et réceptif aux échanges d’idées. C’est ce genre de ‘centered leadership’ qui m’inspire.

Q : Avez-vous, personnellement, le sentiment d’avoir été trahi par Pravind Jugnauth en dépit de votre fidélité au MSM durant toutes ces années ?

R : Définitivement! C’est la dure vérité à laquelle j’ai dû faire face. Même les lettres que je lui ai envoyées sont restées sans réponse…

Q : Vous lui avez envoyé des lettres ?

R : Oui, mais je ne l’ai jamais dit publiquement. Il ne m’a même pas appelé quand j’ai envoyé ma lettre de démission. Mais ce n’est pas grave. À chacun son style et je connais le sien. C’est comme si on avait affaire à Dr Jekyll et Mr Hyde. Il a un langage à l’intérieur et un autre à l’extérieur.

Q : Que reprochez-vous au juste à Pravind Jugnauth ? Même en tant que candidat battu, il vous avait quand même ‘casé’ quelque part …

R : Mais ce n’était certainement pas une faveur ! Vous savez, quand vous vous engagez dans un combat politique, ce n’est pas parce que vous désirez tel ou tel poste. C’est surtout parce que vous avez une vision et une conviction que vous voulez voir concrétiser. J’étais inspiré par le leadership de Sir Anerood Jugnauth et je croyais fermement dans le programme du MSM, soit le développement économique, la transparence et la bonne gouvernance, la non-discrimination, la méritocratie et le raffermissement de l’unité nationale. Mais quand je regardais ce qui se passait dans le pays, j’étais désillusionné. Le chômage, par exemple, est très inquiétant. Tout comme la détérioration du law and order. On avait fait tellement de promesses durant la campagne électorale et il ne me semblait pas qu’elles allaient être concrétisées. Et tout cela à cause d’un clan qui gravite autour de Pravind Jugnauth.

Q : Vous pensez qu’il se laisse dicter par ce clan ?

R : Ecoutez, je ne cacherai pas le fait que j’étais parmi ceux qui se réjouissaient de voir Pravind Jugnauth accéder au primeministership puisqu’il représentait la jeunesse et l’espoir. C’est la synergie qui apporte le dynamisme, la transparence et la bonne gouvernance. Mais si vous vous renfermez dans une tour d’ivoire, vous serez prisonnier d’une petite clique. C’est ce qui se passe actuellement, tout comme cela a été, à un certain moment, sous le gouvernement travailliste. C’est une petite clique qui contrôle le Prime Minister’s Office et c’est précisément cela qui est dangereux. Le PMO n’est pas le propriétaire du pays. Ce gouvernement n’a pas été élu pour qu’il répète les mêmes erreurs de Ramgoolam.

Q : Ce désillusionnement est-il uniquement dû aux promesses non-tenues du gouvernement ou est-il aussi lié aux conflits que vous avez eus avec le tandem Sanspeur-Hanoomanjee ?

R : Bien sûr, ces conflits y sont aussi pour quelque chose. Quand j’avais été nommé au BPML, j’étais guidé par les principes de bonne gouvernance. J’avais pris certaines mesures en concertation avec les employés. Le profit était même passé de Rs 144 millions à Rs 189 millions. Mais avec l’arrivée de Gérard Sanspeur, qui est l’homme de Pravind Jugnauth, tout a basculé. Ce dernier avait préconisé des réformes dans le budget et Sanspeur devait les mettre en pratique. Cependant, Sanspeur croyait qu’il avait le monopole de l’intelligence et il n’acceptait pas les idées des autres. Où était Sanspeur durant les dernières élections ? C’est nous qui avions pris des engagements auprès de la population, pas lui. Ce n’est pas parce qu’il est proche de Pravind Jugnauth qu’il allait décider à ma place. Ce qui m’a le plus emmerdé, c’est le projet d’Oxford Innovation. Il ne voulait pas signer parce qu’il n’y croyait pas. Il a pourtant dépensé plusieurs millions de roupies pour des rapports bidon.

Q : Pensez-vous que Pravind Jugnauth y est pour quelque chose puisqu’il s’est vraisemblablement rangé du côté de son conseiller ?

R : Pravind Jugnauth n’est pas innocent dans cette affaire. Il n’a toutefois pas le courage de venir le dire frontalement.

Q : Vous avez donc subi le même affront que Roshi Bhadain dans lequel cas le Premier ministre avait également soutenu Sanspeur ?  

R : Non, je ne dirais pas que mon cas est similaire à celui de Roshi Bhadain. Durant la campagne de 2014, il était extrêmement proche des Jugnauths, père et fils. Il était même un instrument dans leurs mains, quoiqu’il ne l’ait pas réalisé. Il ne faut surtout pas croire que Bhadain est innocent parce qu’il a bien sa part de responsabilité en ce qu’il s’agit de certaines décisions gouvernementales. Mais à un certain moment, il était devenu trop populaire. Il dominait tout le monde à l’intérieur du conseil des ministres. Il était surtout en train de ‘dwarfen’ Pravind Jugnauth. D’où son évincement du gouvernement. Ceci dit, si vous regardez tout ce qui s’est passé avec Dayal, Lutchmeenaraidoo et Bhadain, vous verrez que c’est un bis repetita de 1983. Qui en a profité de l’évincement de ces derniers si ce n’est Pravind Jugnauth lui-même?

Q : Vous dites que Bhadain n’est pas innocent parce qu’il était au gouvernement. Mais le PMSD, dont vous venez de rejoindre, y était également. N’est-ce pas contradictoire ?

R : Je suis totalement d’accord avec vous, mais il y a une prédominance du MSM au gouvernement. Prenons l’exemple de Megh Pillay. Tout le monde reconnait que c’est un professionnel compétent. Mais il a été éjecté à cause d’un clan qui n’avait pourtant rien à faire avec le MSM. On ne s’est pas libéré du joug de l’esclavagisme et du colonialisme pour être contrôlé par un clan !

Q : Croyez-vous que votre présence aux côtés du candidat bleu Dhanesh Maraye aura un impact au no 18 ?

R : J’ai travaillé avec des agents du PMSD aux dernières élections et je les connais déjà. Il y en a quelques-uns du ML et du MSM qui ont manifesté leur intérêt pour me soutenir et il y en a d’autres qui vont bientôt me rejoindre. Je suis donc assez confiant que ma présence jouera un rôle important au no 18.

Q : Vous vous voyez déjà en position de force pour être candidat bleu dans la circonscription no 6, vu votre profil ethnique ?

R : La décision reviendra au leader. Mais c’est effectivement un souhait que j’ai émis à Xavier Duval puisque je suis ène zenfan l’endroit et mon plus grand vœu c’est de servir mon endroit.