Licence accordée à Silver Bank Ltd
La Silver Bank Ltd se retrouve sous les feux des projecteurs depuis que l’homme d’affaires Prateek Gupta a été accusé de fraude d’une valeur de 577 M dollars par la société Trafigura. Et pour cause ! L’épouse de Prateek Gupta, soit Ginny Gupta, détiendrait 75 % des actions de la Silver Bank Ltd. Cette banque, rappelons-le, a vu le jour le 11 novembre 2021 après l’acquisition de la Banyan Tree Bank qui était sous « conservatorship ». Une situation qui soulève de vives inquiétudes pour plusieurs raisons. D’autant que la Silver Bank Ltd est détenue entièrement par Silvernova Ltd, une entité mauricienne qui appartient, elle, à Silver Star SPC – Silver Star SP2 qui est lié à Prateek Gupta à travers TMT Metals Holdings Ltd Co. et Silvernova Ltd.
Primo, le fait même que Ginny Gupta est l’épouse de quelqu’un qui fait face à un procès pour fraude fait grincer des dents. D’autant que Prateek Gupta n’est pas à son premier délit, son nom ayant déjà été cité dans plusieurs affaires de fraude sur le plan international. D’ailleurs, dans un communiqué émis le 13 février 2023, la Banque centrale reconnait que « that counterparty (nldr : Prateek Gupta dont le nom n’est pas cité par la BoM) is linked to one of the ultimate beneficial owners of Silver Bank Limited », en prenant le soin d’ajouter que « but is not a direct or indirect shareholder of Silver Bank Limited nor is he a member of the board of directors of the bank ». Or, cela s’apparente, selon un expert en finances, à une violation de la ‘Banking Act’ ayant trait au « related party ». Ce qui constitue un manquement grave de la BoM.
La deuxième question qui se pose par rapport à Ginny Gupta concerne le montant des actions qu’elle détiendrait au sein de la Silver Bank Ltd, soit 75 %. Pourtant, selon la ‘Banking Act’, personne n’a le droit d’avoir plus de 20 % d’actions dans une institution financière. « “Control”, in relation to a financial institution, means control of any body corporate – (a) in which the financial institution, directly or indirectly or acting through one or more persons, owns, controls or has the right to vote 20 per cent or more of the voting securities of the body corporate to elect a majority of its directors; or … », peut-on lire à la section 2 de la ‘Banking Act’. Cette loi a-t-elle été appliquée dans toute sa rigueur par la Banque centrale ? Les faits semblent plutôt indiquer le contraire, le nombre d’actions détenues par Ginny Gupta s’élevant à 55 % de plus de ce que prévoit la loi.
Dans le milieu des finances et du secteur financier, l’on n’hésite pas à souligner le rôle central joué par la Banque de Maurice (BoM) dans cette affaire car elle est la seule autorité à pouvoir octroyer une licence bancaire. La Banque centrale a-t-elle effectué une ‘enhanced due diligence’ avant d’octroyer une licence bancaire à un groupe d’actionnaires dont celui détenant le plus grand nombre d’actions est lié à un criminel allégué ? Et d’ailleurs, la Banque centrale n’a-t-elle pas outrepassé les règlements en accordant une licence bancaire à des actionnaires, particulièrement à Ginny Gupta, qui ne semblent avoir aucune expertise dans le domaine bancaire, comme requis par la loi ? Ce sont autant de questions que se posent des acteurs du secteur qui estiment que la BoM a pris un trop grand risque…
Intervention en haut lieu ?
Mais justement, se pourrait-il que la BoM ait pris un si grand risque de son propre chef ? Ou devrions-nous plutôt nous demander s’il y a eu d’intervention en haut lieu pour qu’une licence soit accordée à la Silver Bank Ltd ? S’il y a des doutes qui entourent toute cette affaire, c’est parce que certaines démarches du gouvernement, et particulièrement des compagnies paraétatiques et des municipalités, qui frisent l’incompréhension. Ce qui laisse perplexe, c’est pourquoi des corps paraétatiques tels que la NIC ou des municipalités, comme celle de Curepipe, n’ont-ils pas jugé important de retirer leurs dépôts de la Silver Bank, une fois que celle-ci a repris les activités de la Banyan Tree Bank après un an de « conservatorship » pendant lequel leurs comptes étaient gelés ?
Ce qui donne aussi lieu à diverses interrogations. Les corps paraétatiques et les municipalités n’ont-ils pas l’obligation, selon des « guidelines » émis par le ministère des Finances, de placer leurs dépôts dans des « treasury bonds » ? Pourquoi ces organismes ont-ils maintenu leurs fonds à la Silver Bank après le rachat de la Banyan Tree Bank ? Et la plus importante question : y a-t-il eu une quelconque intervention au plus haut niveau pour leur demander de renouveler leurs dépôts à la Silver Bank pour que celle-ci ne fasse pas faillite comme cela aurait été le cas si tous les déposants avaient choisi d’y retirer leur argent ?
Cette affaire n’est pas près de se terminer. Avec la reprise des travaux parlementaires prévue pour le 28 mars, l’on pourra s’attendre à des questions à ce sujet. D’autant qu’il met de nouveau le secteur financier mauricien dans une position délicate sur le plan international après l’affaire Adani. « Maurice risque de nouvelles sanctions si jamais notre secteur bancaire est mêlé à un autre scandale à cause du manque de supervision de la BoM », soutient un expert financier qui craint que le pays ne soit une nouvelle fois placé sur la liste grise de la ‘Financial Action Task Force’ (FATF).