La puissante propagande israélienne tourne à plein régime

Fake news et désinformation à propos du conflit entre Israël et le Hamas (Palestine) en octobre 2023 Photo d'un bombardement israélien contre Gaza. Si cette capture d'écran circule sur les réseaux en octobre 2023 (par exemple partagée sur X twitter par Jim Ferguson) elle date en réalité de mai 2021. Elle est trouvable sur la page youtube de la BBC : https://www.youtube.com/watch?v=5kJFIKER1k8

Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. La machine de guerre de la propagande israélienne est à l’œuvre. Elle peine toutefois à justifier sa stratégie de colonisation, d’apartheid et de punition collective menée à Gaza. Même l’opinion publique en Israël n’est pas dupe.

Dans la guerre de l’information qui fait rage, c’est David contre Goliath. Sans toutefois qu’aucune garantie du même dénouement que dans la fable biblique ne soit permise. Loin s’en faut. Les combattants palestiniens de Hamas ne disposent des mêmes outils et des mêmes financements que la puissante armée israélienne et ses services des renseignements. Qui plus est, ces derniers bénéficient d’une écoute plutôt complice de la part des médias et des agences de presse européennes et américaines, principales sources d’informations pour toute la planète, et qui mélangent allègrement faits, parti pris et propagande d’une façon digne de Goebbels. Les Palestiniens qui tombent sous le tapis de bombes sont totalement déshumanisés et qualifiés de morts alors que les Israéliens sont des victimes civiles – femmes enfants et personnes âgées – de l’agression du Hamas.

Pour leur part, les quelques chaînes de télévision arabes, Al-Jazeera par exemple, se démènent pour assurer une couverture la plus proche possible de la sombre réalité sur le terrain, craignant d’être cataloguées comme étant proches du Hamas. Une quinzaine de leurs journalistes tués par des bombes israéliennes à Gaza sont considérés comme des victimes collatérales. Reporters sans frontières et d’autres organisations professionnelles de journalistes censées défendre le droit de faire leur travail se sont contentées de publier des communiqués de presse peu énergiques déplorant les victimes.

Disculper Netanyahou

A présent, les services des renseignements israéliens mènent une subtile propagande et tentent de faire avaler l’idée d’un ratage de leur part. Car même la population israélienne exige des explications sur comment l’une des plus puissantes, des plus formées, des plus équipées et des plus sophistiqués armées au monde n’a pas vu venir les événements de ce 7 octobre. La question est pertinente dans la mesure où elle sait qu’Israël ne laisse même pas passer une mouche de Gaza à son territoire. Des voix d’élèvent et demandent si le gouvernement de Benjamin Netanyahou n’a pas sacrifié sa propre population pour justifier sa féroce campagne militaire et poursuivre le projet de raser Gaza en vue de construire le Grand Israël. Les plus hauts responsables militaires ont même déclaré qu’ils iront jusqu’au bout de leur mission, et que les vies des otages israéliens détenus par le Hamas et celles de la population civile à Gaza n’avaient pas d’importance. A présent, le gouvernement israélien ne montre pas de plan de sortie de la crise actuelle. En effet, que se passera-t-il lorsque l’armée israélienne finira sa campagne terrestre à Gaza ? L’annexion totale ?  

Alliés de toujours d’Israël, les États-Unis se sont chargés de blanchir et soutenir le gouvernement de Benyamin Netanyahou.  Dans un document secret mais qui a été subrepticement filé à plusieurs médias européens et américains, Washington a fait part à ses alliés britanniques, français et allemands les raisons du ratage du 7 octobre. Dans son édition du 25 octobre, Le Monde affirme que le document met en lumière les limites des services israéliens de renseignements et de la surveillance technologique, ajoutant que le Hamas était lui-même surpris de l’ampleur de son agression qui a fait 1400 morts, sans parler des blessés et des otages. Pour la petite histoire, le rapport américain dément l’existence d’une complicité entre Hamas, le Hezbollah libanais et l’Iran. Mais il disculpe aussi le Mossad et le Shin Beth, les services d’espionnage à l’intérieur et à l’extérieur, en disant qu’ils n’ont infiltré que la branche politique de Hamas, et non la branche militaire. De toute évidence, cette opération américaine ne sert qu’à dissiper les doutes sur la possible responsabilité du gouvernement israélien concernant les agressions du Hamas le 7 octobre.

La question de cette responsabilité, notamment celle de Benjamin Netanyahou, n’est toutefois pas close. La pression monte sur le chef du gouvernement à Tel Aviv, et dont le silence devient de plus en plus assourdissant dans le pays. C’est dans ce contexte qu’il a concédé dans la soirée du 25 octobre qu’il devrait aussi « rendre des comptes » sur les défaillances sécuritaires ayant permis l’attaque du Hamas le 7 octobre. « Nous examinerons en détail jusqu’au bout sur ce qui s’est passé, les défaillances seront examinées et tout le monde devra rendre des comptes, moi aussi. Mais tout ça se déroulera après la guerre », a-t-il dit. Une guerre qui fera inévitablement des milliers d’innocentes victimes en Israël et à Gaza, et construite sur un mensonge ?  Comme la guerre en Irak faite sur la base d’accusations farfelues selon lesquelles Saddam Hussein avait accumulé des montagnes d’armes de destruction massive ?

Joe Biden blanchit Netanyahou

Le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza le mardi 17 octobre qui a fait entre 200 et 500 morts, selon les sources, continue à l’objet d’une propagande à large échelle.  Dans ce jeu-là, les Israéliens ont pris les devants sachant que les images d’une telle tragédie ne pouvaient pas laisser l’opinion publique, y compris en Israël, insensible. Il leur fallait donc renverser la vapeur et faire apparaître Hamas comme le responsable du crime.  C’est ainsi que les premiers tweets d’autocongratulation par rapport à la destruction de l’hôpital ont été hâtivement effacés et depuis lors, mille manœuvres sont menées pour jeter la responsabilité sur un missile raté de Hamas.

La sale besogne a été menée en premier par nul autre que le président américain Joe Biden, venu à Tel Aviv en signe de solidarité avec Israël. Il lui a suffi de dire que selon les renseignements américains, il y avait de quoi imputer le massacre non pas à l’armée israélienne, mais au Hamas. Nonobstant le fait que son armée de l’air pilonne Gaza depuis bientôt trois semaines de façon indistincte et les infrastructures civiles, y compris hôpitaux, et écoles.

Les paroles d’un président américain compte. Mais l’intox ne s’est pas arrêtée là. Plusieurs agences d’analyses militaires et de géolocalisation ont été recrutées dans les capitales occidentales pour confirmer la culpabilité de Hamas. Sans doute en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes, ces derniers ont bien joué le jeu. C’est ainsi que « preuves » à l’appui, la propagande pro-israélienne a été a déversée aux quatre coins du monde par des médias acquiesçants.

Cent jours pour le voleur, un jour pour le maître. Des couacs sont parfois inévitables dans les opérations mensongères, et viennent révéler les complicités. Le grand et influent quotidien américain Wall Street Journal apparaît ici comme le parangon de la tricherie. Dans son édition du 20 octobre, il étale, cliché à l’appui, la MK-84, bombe de fabrication américaine, qui a frappé l’hôpital Al-Ahli. « Téléguidée par une technologie de haute précision, elle est la plus grande dans la famille des MK et pèse environ 950 kilos », précise le quotidien.

Mais voilà. Entre-temps, la propagande a adopté une autre stratégie. Et ainsi, comble de la mauvaise foi, le même journal a affirmé deux jours plus tard que des analyses menées par ses propres experts montrent que le missile meurtrier a été tiré par Hamas. Pas un mot sur le fameux ML-84 !

Le faux scoop macabre

Un autre cas d’intox est hélas trop bien connu. Il concerne la quarantaine de nourrissons qui auraient été décapités et mutilés à Kfar Aza par les fous du Hamas, ce fameux 7 octobre. Le tweet « 40 babies murdered » posté par l’armée israélienne a été vu sept millions de fois. Or, le service CheckNews du quotidien français Libération est revenu sur cette information qui a été relayée en première instance par la correspondante anglophone d’i24news Nicole Zedeck, en direct depuis le kibboutz. Elle décrit l’horreur. La chaîne d’informations poste elle-même sur X (Ex-Twitter) « About 40 babies were taken on gurneys..Cribs overturned, strollers left behind, doors left open wide » Ce jour-là, Nicole Zedeck flambe sur le petit écran. Elle a un scoop macabre, crée l’émoi et fait pleurer le monde.  « Certains d’entre eux ont eu la tête coupée, il dit qu’il n’a jamais vue de tels actes de brutalité », affirme la journaliste en citant David Ben Zion, un militaire israélien.

C’est plus tard que la journaliste Nicole Zedeck avouera qu’elle n’avait elle-même pas vu le lieu du crime. « Des soldats m’ont dit qu’ils pensaient que 40 bébés/enfants avaient été tués… ». L’armée israélienne n’a pas elle-même confirmé officiellement l’information macabre, mais le message par rapport à la brutalité du Hamas est bien passé. A partir de là, l’armée israélienne pouvait détruire Gaza. Fact Check de Libération ajoute : « Sur CNN, un porte-parole de Tsahal a évoqué des atrocités, mais a affirmé ne pas encore pouvoir confirmer ces décapitations dont il est beaucoup fait état. » Il n’est pas du tout question ici de nier le sort de 1400 Israéliens, pour la plupart des civils, qui ont été tués le 7 octobre.

Les Palestiniens et leurs sympathisants inondent les réseaux sociaux

Maître de la propagande, Israël agit aussi au grand jour. Dans son édition du 19 octobre, Le Temps de Genève raconte comment Israël a eu ouvertement recours à YouTube sous forme de publicités payantes pour justifier sa puissance de feu qui tombe sur Gaza. « Le Hamas, une vicieuse organisation terroriste, a assassiné plus de 1300 innocents israéliens. » Le clip où l’on voit défilé les victimes du 7 octobre dure 30 secondes. Il s’adresse aux Etats-Unis ainsi qu’aux cinq pays européens où un grand nombre de personnes et d’associations s’oppose à la terreur déclenchée sur Gaza, et termine par « Stand with Israël ».

« C’est ce qu’on appelle de la propagande blanche », explique David Colon, spécialiste en la matière et professeur d’histoire à Sciences-Po Paris, au Temps. Elle ne cache ni son origine israëlienne, ni sa nature. Encourager une vision favorable du pays et de son action. Il y a une longue tradition en Israël de collaboration entre les différents services et notamment entre l’armée et le ministère des Affaires étrangères au sein d’un stratégie de communication que l’on appelle la « Hasbara ». Il s’agit d’expliquer au monde la situation telle qu’elle est perçue par Israël et sa population.

Les propagandistes israéliens occupent les réseaux sociaux toujours dans le but de justifier la punition collection menée à Gaza depuis le 7 octobre, et de montrer que le Hamas n’est qu’une « vicieuse organisation terroriste ». Selon Politico.eu, média en ligne qui couvre l’actualité politique et économique en Europe, le ministère israélien des Affaires étrangères a financé pas moins de 75 messages publicitaires allant tous dans le même sens. Le journal note que Google a refusé une trentaine de clips exploitant des images de scènes sanglantes.

Sur ce registre, les Palestiniens, mais aussi toute une communauté d’internautes de toutes les nations, y compris Israël, qui ne supportent pas la propagande du gouvernement israélien, inondent les réseaux sociaux avec leur propre version des faits. La plupart d’entre eux tient à rappeler que le conflit n’a pas commencé le 7 octobre, comme le veut faire croire la propagande israélienne, mais dure depuis 75 ans. Il relate aussi les faits de la colonisation, du système d’apartheid et de la plus grande prison à ciel ouvert que constitue Gaza.

Historiens, analystes politiques, organisations de défense des droits de l’homme dénoncent les crimes de guerre qui consistent à priver Gaza de vivres et de médicaments. Il y a quelques jours, un appel de l’ONU qui a été largement diffusé sur les réseaux sociaux, demandant de ne pas inclure le riz et des lentilles dans l’aide humanitaire a choqué le monde. Pour cause, l’eau manque pour les faire bouillir.

Ram Etwareea