« La SBM est assassinée par l’incompétence de ses dirigeants »

Questions à…

Sudhir Sesungkur, ancien ministre de la Bonne gouvernance

Q : C’est la deuxième fois que la SBM (India) Ltd, une filiale de SBM Holdings Ltd, est sanctionnée par la ‘Reserve Bank of India’ (RBI). Quels sont les enjeux de cette nouvelle sanction ?

La SBM se retrouve très souvent sous les feux des projecteurs pour les mauvaises raisons. Cette sommation, que je perçois comme une sanction, démontre que la SBM (India) Ltd continue de se livrer à des activités douteuses et irrégulières. Sinon, la RBI n’aurait pas agi ainsi. Il nous faut d’ailleurs faire un parallèle entre la banque centrale indienne et la nôtre, qui n’agit jamais. Malgré toutes les pressions politiques qui pèsent sur la RBI, celle-ci fait son travail avec diligence. Et ce, bien que plusieurs ‘central bankers’ aient démissionné parce qu’il y avait des ingérences et que des pressions étaient exercées sur eux.

La RBI a régulièrement attiré l’attention de la SBM (India) Ltd sur sa façon d’opérer, qui met en danger le système financier indien. Il semble que la SBM n’a rien fait, car une telle sanction relève toujours du dernier recours de la part d’une banque centrale. Celle-ci aurait pu aller jusqu’à suspendre la licence de la SBM (India) Ltd, quoiqu’elle ne le ferait pas afin de ne pas mettre en péril le système financier indien, d’autant plus que cette filiale indienne de la SBM compte plus de 300 employés et 4 millions de clients.

Q : Y a-t-il un laisser-aller à la SBM, selon vous ?

Il y a bien plus qu’un laisser-aller à la SBM ! Cette banque est assassinée par l’incompétence de ses dirigeants. Ce qui est dommage, c’est que son image est systématiquement entachée. Cette nouvelle sanction aurait pu être évitée si son département d‘internal audit’ avait relevé et agi contre le problème avant même que la RBI n’y attire son attention ou ne la sanctionne.

Or, la SBM ne fait qu’opérer au petit bonheur. Raison pour laquelle la valeur de ses actions piétine depuis plusieurs années. Les petits actionnaires sont perdants. C’est ainsi que ces derniers avaient soulevé un tollé lors de la dernière assemblée générale de la SBM. C’est très grave ce qui s’y passe. Ene la banque pa roule kouma ene la boutique sa. Elle a des structures de contrôle et de gouvernance. Il lui faut prendre des mesures correctives là il le faut. Ce qu’elle ne fait visiblement pas.

Dans le présent cas, elle tente apparemment de se dédouaner en plaidant une mesure administrative. Zot banalise tou zafer. On sait parfaitement bien que la banque centrale ne prend pas des mesures administratives, mais supervise et prend des actions pour régulariser le système financier. Si la RBI a agi ainsi, c’est qu’elle a senti que la SBM (India) Ltd représente un danger potentiel pour son secteur financier.

Q : Cette sanction peut-elle avoir des répercussions sur notre secteur financier et offshore ?

Elle peut certainement avoir des ramifications et affecter l’image de notre secteur financier, puisque les banques font des opérations transfrontalières. À ce stade, on a très peu d’informations sur le transfert des fonds en dollars de la SBM à l’extérieur de l’Inde. Je présume que le volume doit être assez conséquent pour que la RBI s’y intéresse. Elle doit avoir des raisons très solides pour avoir agi ainsi. Contrairement à Maurice, une banque centrale, comme la RBI, n’opère pas au petit bonheur. Elle fait son travail méthodiquement.

Q : Faut-il qu’il y ait un grand nettoyage à la direction du SBM Tower ?

Il est clair pour moi que, si on veut préserver l’image de la SBM, il faut impérativement demander aux directeurs et au ‘top management’ de prendre un congé. Il faut que la SBM envoie un signal fort non seulement pour sécuriser sa crédibilité vis-à-vis de la banque centrale, mais aussi en face de ses déposants, ses clients et ses employés.

Une banque ne peut pas se permettre d’avoir ne serait-ce qu’une seule mauvaise pub. Son image et sa crédibilité doivent être préservées à tout prix. Il lui faut toujours respecter les lois existantes. D’ailleurs, au niveau international, les banques vont même au-delà des lois et des règlements existants.

Ici malheureusement, les banques s’éloignent de plus en plus de leur ‘fiduciary duties’. Je pense que les banques doivent revoir leurs ‘ethical guidelines’.

Propos recueillis par Zahirah RADHA