Le devoir de faire face à l’injustice, car le silence est une trahison

À une époque où la ‘Cancel Culture’ inquiète beaucoup d’entre nous, nous ne pouvons pas nous soustraire au devoir de dénoncer la tyrannie. ‘Cancel Culture’ est une expression utilisée pour désigner une culture dans laquelle ceux qui sont au pouvoir, s’ils jugent qu’un autre aurait agi ou parlé d’une manière inacceptable, ils les ostracisent, les boycottent ou les rejettent.

En temps de crise morale, le silence devient un langage à part entière, celui de la complicité ou, parfois, de la lâcheté. Le monde d’aujourd’hui n’est pas étranger aux injustices, mais les échos du silence en réponse à ces épisodes d’oppression sont véritablement retentissants.

La crise à Gaza, où des millions de personnes sont confrontées aux atrocités de ce que beaucoup appellent un génocide perpétré par les forces israéliennes, est un témoignage flagrant de cette amère réalité.

Au milieu de ces tribulations, des voix inattendues s’élèvent. Eric Cantona, ancien footballeur international et non-musulman, a publiquement condamné la violence contre les Palestiniens, illustrant que l’empathie et la dénonciation de la tyrannie sont des devoirs universels, qui ne sont pas limités par des frontières religieuses ou culturelles.

Pourtant, la question se pose : où sont les voix des autres ? Mo Salah s’est exprimé, mais est-il allé assez loin ?  Et pourquoi ce silence assourdissant parmi la grande majorité, surtout quand leur influence pourrait remuer le monde ?

Le désaveu rapide d’Arsenal de la position courageuse de Mesut Özil contre la persécution des Ouïghours par la Chine a mis en évidence les défis moraux auxquels les individus sont confrontés, qui peuvent souvent les amener à choisir la neutralité politique plutôt que la défense des droits humains. À l’époque, Özil, malgré l’isolement professionnel et les réactions négatives du public, est apparu comme une figure intègre, soulignant le rôle essentiel que jouent des personnalités bien connues dans la défense de la justice. Et cet incident est un rappel important du lourd tribut du silence face à l’oppression et au courage louable dont font preuve ceux qui risquent leur position pour des principes humanitaires.

À l’ère numérique d’aujourd’hui, la ‘Cancel Culture’ est une menace qui inquiète beaucoup d’entre nous.  Les personnalités publiques craignent un retour de bâton sévère, la ruine totale de leur carrière et l’ostracisme social.

Cependant, l’essence du courage imprégnée dans les enseignements islamiques n’est pas l’absence de peur, mais la reconnaissance qu’un plus grand bien existe au-delà de la sphère personnelle de confort et de sécurité. Le discours selon lequel « le mal l’emporte lorsque les gens de bien se taisent » n’a jamais été aussi pertinent. Lorsque ceux qui possèdent le pouvoir d’influer sur le changement restent silencieux, ils permettent par inadvertance la perpétuation de l’injustice. Leur silence n’est souvent pas perçu comme de la neutralité, mais comme de la complicité, une trahison des principes mêmes qu’ils sont censés défendre.

Défendre les droits de l’homme des Palestiniens ne signifie pas que vous êtes pro-Hamas. Dire “Free Palestine” ne signifie pas que vous êtes antisémite ou que vous “voulez que tous les Juifs partent”. “Free Palestine” signifie libérer les Palestiniens de l’occupation israélienne qui leur vole leurs droits fondamentaux depuis 75 ans. “Free Palestine” signifie cesser de mettre en cage les 2,3 millions Palestiniens qui se trouvent dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde, dont la moitié sont des enfants. “Free Palestine” signifie mettre fin à l’apartheid imposé par le gouvernement israélien. “Free Palestine” signifie donner aux Palestiniens le contrôle de l’infrastructure de base de leur terre.

La crainte d’être détenu ou d’être soumis à des restrictions de voyage est une préoccupation légitime. Cependant, la boussole morale de l’islam exige la poursuite de la justice, même face à l’adversité. Il ne s’agit pas d’un appel à l’insouciance, mais d’un rappel de la nécessité d’un activisme stratégique, courageux et consciencieux.

S’élever contre l’injustice n’est pas une responsabilité confinée au domaine de l’action individuelle. C’est un devoir collectif que les musulmans, en solidarité avec l’ensemble de l’espèce humaine, doivent assumer. Le sort de la population de Gaza n’est pas seulement une crise régionale ou religieuse ; il s’agit d’une question humanitaire, qui exige de l’empathie et de l’action à l’échelle mondiale.

Pour faire face à ces injustices brutales, il faut briser les barrières de la peur et de l’auto-préservation. Il est impératif de trouver des moyens d’exprimer son opposition, que ce soit par le biais des réseaux sociaux, de manifestations pacifiques ou d’un soutien humanitaire, même dans un contexte de craintes de réactions négatives ou de ‘Cancel Culture’.

L’élévation morale réside dans l’alignement de ses actions sur ses convictions ; les horreurs qui se déroulent actuellement à Gaza sont un test de l’engagement du monde, en particulier des influenceurs musulmans et non-musulmans, en faveur de la dignité humaine et de la justice.

Et la sagesse prophétique souligne vraiment ce chemin : face à la tyrannie, ne pas parler n’est pas une option. Garder le silence est une trahison de sa foi, de sa conscience et de l’essence même de notre humanité commune. Le moins que nous puissions faire, c’est de réaliser que les voix musulmanes et non musulmanes qui plaident pour la justice à Gaza sont plus efficaces que l’une ou l’autre ; d’encourager les éminentes personnalités à dénoncer la crise à Gaza et à user de leur influence pour sensibiliser et rappeler à leurs compatriotes leur devoir de faire face à l’injustice, même face à la ‘Cancel Culture’.

Bashir Nuckchady