L’obligation de la FIU et l’ICAC de respecter la notion de procès équitable

Par Me. Penny HACK

Le comportement abusif et injuste de nos institutions financières et de leurs chiens de garde ne date pas d’hier. En fait, cette attitude a débuté en 2015 avec l’attaque agressive contre la ‘Bramer Bank’ et la ‘British American Insurance’.

Les assauts étaient dirigés par le ministre de la Bonne gouvernance de l’époque, sous prétexte d’une lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Les abus se sont développés au fil des années, avec la FIU et l’ICAC demandant régulièrement des ordonnances judiciaires restrictives et des gels, par le biais de la procédure « ex parte », effectuée à l’insu de l’adversaire, et souvent sur la base de demi-vérités en retenant des preuves matérielles, sans autorisation juridique appropriée, parfois basée sur un principe juridique erroné, ou demandant des ordonnances non prévues en droit.

Leurs pratiques pouvaient passer outre la souveraineté nationale, agissant de manière informelle pour des instances internationales sans passer par les voies diplomatiques et officielles prévues par les lois, sous prétexte d’assistance mutuelle. Il est même rare que les ordres obtenus soient communiqués aux personnes concernées. Aujourd’hui, cette lâcheté persiste.

Si les premières raisons avancées ont été l’urgence et le risque de dissipation des fonds, la plupart des demandes de gel ont été faites bien des mois ou des années après que certains faits aient été soupçonnés ou connus. Le véritable objectif recherché étant la perturbation, la paralysie et la punition de la personne soupçonnée.

Cet état de fait a été aveuglément toléré par le système pendant de nombreuses années, tandis que le droit constitutionnel à un procès équitable a été sacrifié sur l’autel de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent, le trafic de drogue et le terrorisme. Un laxisme impardonnable qui revient nous hanter aujourd’hui. À cela s’ajoute que le public a compris et perçoit désormais que ces institutions et leurs chiens de garde, au-delà des abus, sont les principaux complices de la corruption, du blanchiment d’argent et du trafic de drogue. Ils protègent souvent les véritables coupables proches du pouvoir, que ce soit par acte ou omission nécessaire.

Cependant, qu’il s’agisse de la FIU ou de l’ICAC, il existe en principe et en droit une obligation de divulguer de manière complète et équitable tous les faits importants qui sont connus, ainsi que les faits que ces chiens de garde auraient dû connaître après avoir mené une enquête. Récemment, un jugement a été rendu contre la FIU dans l’affaire “ELLAYAH D & ORS V FINANCIAL INTELLIGENCE UNIT 2023 SCJ 359” en date du 12 septembre 2023. Pour ne pas déroger à la pratique, la FIU avait demandé, de manière unilatérale (ex parte), en mars 2023, et obtenu le gel des avoirs de Danesh Ellayah, de son épouse et de leur société, ‘DNS International Limited’. Dans le cadre d’une procédure civile, M. Ellayah a, en avril 2023, demandé le dégel de ses avoirs et de ses comptes bancaires, ainsi que ceux de son épouse et de sa société.

La demande de dégel est ironique puisque l’ancien ministre de la Bonne gouvernance de 2015, et ancien employé de l’ICAC, représente M. Ellayah contre la FIU.

Un des arguments avancés était que la société de M. Ellayah avait reçu des fonds du PMO pour l’achat d’appareils destinés à la surveillance et à la défense nationale, et que le gouvernement était la source de ces fonds, et ces faits n’ont pas été remis en question.

Cependant, à mon avis, de sérieuses questions se posent quant à savoir pourquoi le gouvernement choisirait de passer par une société privée pour acheter des équipements sensibles, plutôt que d’acheter directement ces appareils à la source ?

Les critiques du juge, qui ne sont pas surprenantes, portent sur le fait que la FIU, en réponse à la demande, a émis des déclarations vagues concernant l’argent en question, sans expliquer de manière satisfaisante pourquoi les fonds reçus devraient être considérés comme des produits, des avantages, des instruments ou des biens liés au terrorisme. Elle explique que les documents bancaires fournis par les requérants n’ont fait l’objet d’aucune contestation, et la conclusion en est que l’argent provient de sources légitimes. Elle précise qu’au moment de cette demande, il n’y avait plus de risque de dissipation des fonds car ils étaient déjà soumis à une ordonnance de gel, et que M. Ellayah avait parfaitement le droit de demander l’annulation de cette ordonnance de restriction, même en présence d’une enquête en cours.

Mais essentiellement, elle nous rappelle qu’il s’agit d’une procédure civile, que la FIU a l’obligation de respecter. La notion de procès équitable implique également le droit à une procédure contradictoire. Le droit à une procédure contradictoire comprend le droit d’être présent, le droit de savoir quels éléments de preuve on doit réfuter, le droit de commenter les éléments de preuve et les observations déposées, en vue d’influencer la décision de la Cour.

La FIU n’a pas informé M. Ellayah, son épouse et sa société des infractions qui les concerneraient, telles qu’elles ont été identifiées, ni de la manière dont les fonds constitueraient un produit, un avantage ou un bien lié au terrorisme. M. Ellayah, son épouse et sa société n’ont donc pas eu la possibilité raisonnable de présenter des preuves devant le tribunal et ont été désavantagés. De plus, la FIU n’a pas divulgué de manière complète et franche les faits importants. Les avoirs et comptes ont donc été conséquemment dégelés, et la politesse du juge cache un outrage et la gravité des faux-pas de la FIU, qui enfreint la Constitution et induit la Cour en erreur. Il ne s’agit pas simplement d’une annulation basée sur un point technique, comme la FIU voudrait le faire croire.

Dans un revirement de situation qui n’est certainement pas le fruit du hasard, M. Ellayah a été arrêté le 15 septembre 2023 par l’ICAC pour des faits datant de 2019 et 2022 concernant le projet my.t Money, des faits dont l’ICAC avait déjà connaissance depuis un certain temps. Vont-ils encore utiliser la procédure « ex parte » sans raison valable ?