Me Sanjeev Teeluckdharry : « Le réenregistrement des SIM Cards vise à espionner les citoyens »

Me Sanjeev Teeluckdharry dénonce le réenregistrement des SIM Cards et l’éventuelle introduction de la carte d’identité électronique ainsi que du passeport biométrique pour les Mauriciens. L’homme de loi soutient d’abord que le gouvernement a préféré passer par des règlements et non par des lois pour arriver à ses fins. « Il n’y a pas eu de débats au Parlement sur le réenregistrement des cartes SIM. Les députés n’ont pas eu l’occasion d’exprimer leur opinion et leurs craintes sur ce sujet. Le gouvernement est passé en catimini par le biais de règlements. C’est antidémocratique car ces règlements vont à l’encontre des droits fondamentaux du citoyen, tels que garantis par le Chapitre 2 de notre Constitution », estime-t-il.

Les autorités concernées demandent déjà le nom et l’adresse lors de l’enregistrement des cartes SIM. Maintenant pour le réenregistrement, il faut un ‘liveness test’ à travers un ‘selfie« Tous banne données zotte pou stocker et mettre ça dans database ». Dans la foulée, Me Sanjeev Teeluckdharry rapelle que dans l’affaire Dr Rajah Madhewoo contre l’État Mauricien, le Conseil Privé et la Cour Suprême ont statué que c’est anticonstitutionnel de créer une database pour stocker les données des citoyens. Or, dira-t-il,  le gouvernement est en train de faire exactement le contraire de ce qui a été statué dans les jugements sur la carte d’identité biométrique. Pour lui, le gouvernement est en train de passer « through the back door » pour contourner les décisions des Cours de Justice des plus hautes instances par voie des règlements – SIM card Registration – pour recréer cette même database. Donc cela est illégal, anticonstitutionnel et constitue un outrage à la Cour.

« Dès que la SIM Card est enregistrée, toutes les données de la personne deviennent vulnérables. Ce sera très facile pour le gouvernement et les autorités concernées, et même les hackers, d’espionner toutes les conversations, les messages, le contenu des e-mails, les détails des transferts bancaires, par exemple les ‘juice transfers’. De ce fait, vous serez également à la merci des hackers, qui pourront hacker la data base, créer des fausses identités et pourront débiter de l’argent de votre compte bancaire, ainsi que faire des transactions en votre nom », poursuit-il.

Système de protection

L’homme de loi ajoute que la loi n’a prévu aucun système de protection. Par exemple, dira-t-il, les personnes qui ont pris votre data, voire même les opérateurs de téléphonie mobile, n’ont aucun devoir de confidentialité. « Même leur staff peut divulguer des renseignements personnels du citoyen à d’autres personnes ou autorités. Il n’y aucune loi qui les en empêche. Donc, en cas de ‘leakages’ de data, il n’y a aucune sanction possible, il n’y a pas d’offense ou de responsabilité pénale des opérateurs en cas de ‘unauthorised disclosure’. C’est un système de surveillance ‘à la Big Brother’ », estime-t-il.

« Après ces règlements, il y aura des autres procédés. Par exemple : La carte identité électronique ou le passeport biométrique qui vont entrer en action avec le système de safe city et caméra biométrique. C’est -à- dire qu’on pourra vous surveiller, écouter vos conversations, espionner vos mouvements et intercepter vos correspondances ainsi que vos communications avec d’autres personnes », ajoute-t-il.

De plus, Me Sanjeev Teeluckdharry est d’avis qu’à travers le réenregistrement de la SIM Card, il aura un contrôle et l’État surveillera toutes les actions d’un citoyen Mauricien. « De ce fait, on ne vivra pas dans un État démocratique. Notre État se transformera en un ‘surveillance state’ et ce au détriment de tous les Mauriciens », dit-il.

Vote par voie électronique

Par ailleurs, l’homme de loi explique que les buts ultimes du gouvernement sont : D’abord de permettre à des étrangers, y compris des travailleurs venant des pays du Commonwealth par exemple, l’Inde, le Bangladesh, le Sri Lanka et certains pays d’Afrique, de voter par voie électronique, en présentant leur téléphone portable contenant leur carte d’identité électronique.

« La SIM Card Registration et la carte identité électronique permettront aux étrangers et aux citoyens du Commonwealth qui sont à Maurice depuis deux ans de voter. Ces personnes sont vulnérables eu égard aux promesses gouvernementales : « Par exemple, si zotte vote pou parti au pouvoir zotte pou gagne permis de résidence. Tout cela permettra au gouvernement de faire un ‘massive rigging in real time’ sans que personne ne puisse le détecter ou le contester. Il sera trop tard quand le Mauricien décidera de contester et d’engager une bataille légale, qui sera alors interminable », a-t-il souligné.

En second lieu, il vise à faire taire les critiques, notamment en contrôlant les personnes qui blâment le gouvernement ainsi que celles qui mènent des campagnes et d’autres activités politiques sur les réseaux sociaux en utilisant leur téléphone portable. « Par exemple : dans le cas d’un candidat potentiel, il ne sera pas nécessaire pour lui d’organiser des meetings, des rallyes, des congrès ou de faire du porte-à-porte canvassing. Il peut tout simplement utiliser son téléphone pour exprimer ses opinions ou ses idées sur des sujets d’intérêt national sur les réseaux sociaux. Il n’aura pas à rassembler ses partisans physiquement – il peut communiquer avec d’autres citoyens à travers Facebook, Twitter, TikTok ou WhatsApp. Il ne sera pas nécessaire pour lui de faire du porte-à-porte et il pourra faire sa campagne électorale. Il pourra se positionner comme un candidat potentiel ou comme leader politique éventuel s’il peut se servir de ces moyens de communication, et s’il peut convaincre son électorat. Donc à travers la SIM Card Registration, le gouvernement pourra empêcher et même décourager ces individus de poser leur candidature contre les candidats du gouvernement, et de critiquer le gouvernement. »