Musarrat Seekdaur, psychologue et thérapeute EMDR :  « Il faut une prise de conscience sur l’importance de la santé mentale »

 

Musarrat Seekdaur est psychologue et thérapeute. Elle applique principalement une technique thérapeutique basée sur le mouvement des yeux et sur des stimuli pour traiter plusieurs troubles psychologiques. Elle veut informer les gens sur l’importance de la santé mentale, vulgariser la psychologie pour le commun des mortels et rendre la psychothérapie plus accessible. Portrait de cette mère de famille pour qui la psychologie implique avant tout le dévouement du psychologue et l’accompagnement sans faille de la personne.

 Originaire de la ville de Beau-Bassin, Musarrat Seekdaur a grandi dans un environnement calme aux côtés de ses parents, dans la demeure familiale. Mariée à Lukmaan, un promoteur immobilier et étudiant en droit, Musarrat Seekdaur est aussi une mère de famille comblée. Elle et sa petite famille habitent  Vallée-des-Prêtres.

Depuis le début de cette année, elle exerce comme psychologue au Labourdonnais Court Medical Centre à Port-Louis, où elle applique principalement une technique thérapeutique méconnue à Maurice, notamment le ‘Eye Movement Desensitisation and Reprocessing’ (EMDR), pour traiter des traumatismes, des phobies et des troubles comme l’anxiété et la dépression.

Elle retrace son parcours. Après avoir achevé le ‘Higher School Certificate’ en 2006 au Dr. Maurice Curé SSS, elle voulait devenir  enseignante, et de 2007 à 2010, elle va entamer des études menant à un BA (Honours) English. S’étant mariée, elle a dû assumer ses responsabilités familiales. Elle a ainsi été mère au foyer pendant 9 ans.

En faisant du volontariat, elle avait commencé à être à l’écoute des femmes qui avaient besoin de soutien psychologique. De là, elle s’est intéressée à reprendre ses études, notamment dans le domaine de la psychologie, afin d’aider les gens à mettre le doigt sur le mal-être qui les ronge, là où ça a vraiment commencé.

En 2019, elle va ensuite entamer des études en psychologie dans une université anglaise, la BPP University, où elle décrochera un  ‘(MSc) Psychology’. Elle va aussi suivre une formation en ‘Eye Movement Desensitisation and Reprocessing’ (EMDR) en Afrique du Sud.

Durant son séjour en Afrique du Sud, elle a eu l’occasion de comprendre les séquelles de l’Apartheid sur les Sud-Africains, notamment le traumatisme dit intergénérationnel. Selon elle, malgré la fin de l’Apartheid, certains malaises sont bien visibles parmi la population sud-africaine, quoique les nouvelles générations n’aient pas vécu le traumatisme de l’Apartheid. Cette expérience l’a apprise comme psychologue l’importance de mettre l’accent sur la situation familiale. C’est ainsi que l’on peut potentiellement briser le cycle du trauma intergénérationnel. « Prenez un exemple : une grand-mère est violentée. Sa fille sera dépressive. Comme maman, elle va transmettre une angoisse à ses propres enfants, qui pourront eux choisir de stopper la retransmission du mal être », nous explique-t-elle.

De retour à Maurice, Musarrat Seekdaur devait constater qu’il est important qu’il y ait une prise de conscience chez les Mauriciens au sujet de la santé mentale et les diverses pathologies y relatives. Elle veut aussi simplifier le langage des professionnels et démentir certaines idées reçues sur les troubles psychologiques, et rendre la psychothérapie plus accessible. Son appui : sa page Facebook ou Instagram.

Au fil de ses recherches, elle devait apprendre que les hommes peuvent aussi être proies de certains traumatismes qui peuvent souvent commencer dès l’enfance. « Le mal-être va souvent se manifester différemment chez les hommes et chez les femmes. Chez les hommes, par exemple, l’agressivité peut servir de paravent pour une angoisse », nous explique-t-elle.

Cette psychologue et psychothérapeute soutient qu’il y a plusieurs défis dans son métier. Pour débuter, il faut briser la glace avec un patient qui n’était pas du tout partant pour la thérapie, de s’immiscer un peu dans son monde pour créer une alliance thérapeutique avec lui et l’encourager à s’ouvrir. Mais le plus gros défi récurrent, selon elle, est de prendre le temps d’expliquer aux gens comment la thérapie peut changer leur vie. « Les gens ont souvent une image basée sur les films, notamment des séances de ‘talk therapy’, où l’on est allongé sur un canapé, et où l’on parle sans cesse », dit-elle.

Toutefois, avec le confinement, il y a eu une prise de conscience chez les Mauriciens qui ont réalisé les effets néfastes de l’isolation et l’importance de la santé mentale.

Conseille-telle aux jeunes de se tourner vers cette profession ? Elle recommande vivement aux jeunes de se joindre à sa profession. Cependant, elle conseille à ceux qui veulent entamer cette carrière de trouver une voie qui les passionne vraiment, en se spécialisant : addictologie, psychologie du travail ou psychologie de l’éducation, par exemple. « Ce métier n’est pas un ‘nine-to-five’ job mais demande un véritable dévouement et un accompagnement de la personne », affirme-t-elle.

Hors-Texte

Le ‘Eye Movement Desensitisation and Reprocessing’ (EMDR)

Qu’est-ce que l’EMDR ? Selon Musarrat Seekdaur, l’EMDR est une thérapie assez peu connue à Maurice, mais qui est très recommandée pour les traumatismes complexes, tels que les abus sexuels à répétition, la maltraitance durant l’enfance, la violence domestique etc.

La thérapie EMDR – à ne pas confondre avec l’hypnose – a l’avantage d’être non médicamenteuse. Elle n’efface pas les souvenirs mais permet d’enlever peu à peu la charge émotionnelle liée à un traumatisme.

L’EMDR, grâce à des mouvements oculaires, des bips sonores ou des stimulations tactiles, permet d’inverser efficacement les cognitions que nous développons après un traumatisme, telles que « Je suis un incapable » après avoir par exemple causé un accident de voiture, pour les remplacer par des cognitions plus positives, comme par exemple « J’ai fait du mieux que j’ai pu pour éviter un accident ».

Tout au long du processus thérapeutique, l’accent est mis sur la sécurité de la personne. « Mon approche en thérapie est d’aller à la racine de la problématique de la personne, une approche qui est aussi axée sur son bien-être général, peu importe ses croyances et ses choix de vie », nous explique-t-elle.

 

 

Fiche Perso

Noms de mes parents : Amenah, femme au foyer et Ibrahim Namooya, banquier à la retraite

Destination préférée : Dubaï

Loisirs : Lecture, Sudoku et passer du temps avec mes enfants

Citation préférée : « On peut toujours faire quelque chose de ce qu’on a fait de nous », de Jean-Paul Sartres.

Un mot pour me décrire : Déterminée

Un message pour la nouvelle génération : « Foncer vers vos objectifs mais ne dépassez jamais vos limites, aux dépens de votre santé mentale. »

Sarah Khodadin