Il ne mâche pas ses mots envers Xavier Duval et surtout son fils, Adrien. Le député Kushal Lobine revient ainsi sur sa démission du PMSD, parti « redevenu PMXD », et sur les négociations d’alliance entre son ancien parti et le MSM. Il énumère aussi quelques propositions de l’alliance PTr-MMM-ND, tout en souhaitant obtenir une majorité de trois-quarts pour pouvoir apporter des changements en profondeur et transformer le pays. Ci-dessous, de grands extraits d’un entretien diffusé sur nos plateformes numériques jeudi soir…
Par Zahirah RADHA
Q : Vous avez claqué la porte du PMSD il y a trois mois de cela. Êtes-vous satisfait de votre décision aujourd’hui ou avez-vous des regrets ?
Absolument aucun regret ! Je voulais personnellement apporter ma contribution pour l’avancement du pays. Une des raisons pour laquelle j’avais quitté le PMSD c’est parce que tout n’est pas possible en politique.
Q : Qu’entendez-vous par tout n’est pas possible ?
Ce n’est pas possible que vous ayez critiqué le gouvernement pendant sept ans et qu’à la veille des élections, alors que vous êtes déjà dans une alliance et que vous ayez déjà animé des congrès et des meetings ensemble, votre attitude change subitement. Il y a eu un virage et maintenant le PMSD doit trouver des stratégies pour contracter une alliance avec le gouvernement.
Q : Les amours et les désamours, les alliances et les désalliances ont toujours existé en politique. Qu’est-ce qui explique donc votre désillusion ?
Si j’étais resté au PMSD, cela aurait sous-entendu que tout est possible en politique. Or, je crois que tel n’est pas le cas. Tout n’est pas possible en politique et il faut que la jeunesse mauricienne le comprenne. Il nous faut plus de décorum, de self-respect…
Q : Certains diront que la moralité pas rempli ventre…
J’estime que la moralité est extrêmement importante en politique. Les jeunes partent ailleurs parce qu’il n’y a justement plus de repères. Les jeunes ne veulent que le respect, la dignité et la méritocratie. Vous ne pouvez pas avoir milité au sein de l’opposition, avec toutes les conséquences que cela entraîne, et vous tournez ensuite de casaque.
Q : Qu’en est-il des négociations entre le PMSD et le MSM. Avez-vous des informations à ce sujet ?
Je n’ai pas démissionné du PMSD sur un coup de tête. Je ne divulguerai pas les conversations que j’ai eues, mais il est clair et net que le PMSD négocie une alliance avec le MSM et que celle-ci se concrétisera. Je sais de quoi je parle. J’ai été porte-parole du PMSD. J’ai travaillé en étroite collaboration avec Xavier Duval pendant ces sept dernières années. Je suis au courant de toutes les informations qui m’ont permis de prendre ma décision en mon âme et conscience. Malgré que le PMSD était en alliance avec le PTr et le MMM, il négociait une alliance avec le MSM et il n’y a aucun doute qu’ils seront bientôt en alliance.
Q : Qu’est-ce qui explique cette virevolte soudaine du PMSD ? Était-ce uniquement une question du nombre d’investitures et de postes ?
Un tel virage nous pousse à la réflexion. Pour certaines personnes, la politique se résume à une question d’opportunités dans tous les sens du terme. Je ne peux pas me prononcer sur ce virage qui m’a étonné, surtout de la part de Xavier Duval. Mais la posture et la position d’Adrien Duval ne me surprend pas. C’est un jeune qui avait un grand avenir en politique mais malheureusement, pour lui, la politique se résume au pouvoir à n’importe quel prix. Il n’y a pas de volonté politique ou de sacrifices. Certains de ces politiciens ont tout eu sur un plateau. Ce sont des enfants. Son père (ndlr : référence faite à Xavier Duval) n’a-t-il pas dit « mo piti » au Parlement ? C’est ene piti kine gagne tou lor plato.
Q : Papa-piti fait partie de notre politique locale !
Je n’ai aucun problème avec cela aussi longtemps que vous êtes compétent, sérieux et que vous travaillez avec la volonté de servir le peuple. Il faut respecter les paramètres du parti. Celui-ci n’appartient pas à une famille. Pour moi, le PMSD était un parti dans lequel la jeunesse mauricienne aurait pu se retrouver. C’est un parti qui était appelé à grandir. Mais malheureusement, j’ai été déçu et surpris par la façon dont Xavier Duval a changé d’attitude de façon extraordinaire durant ces trois derniers mois. A-t-il été influencé par quelqu’un, quelqu’une, une équipe ? Je ne peux vous le dire. Mais il y a définitivement un changement dans la façon dont le PMSD opère.
Ou tane PMSD pe koz sauve la démocratie la ? Ou trouve PMSD pe koz kuma Prosecution Bill ti pou ene entorse à la démocratie ? Ou trouve PMSD pe dire ou tu bane scandales ki ti ena ou so 137 PNQ ki li fine posé ? Non ! Zot pe dire ki ena bane sanzman ki bizin amené, nou pou bizin rentre dans ene gouvernement, PMSD pou fer tel travay kan rentre dan gouvernement. Li pou fer artificial intelligence, Robotics, Chat GPT. Pou sanz pays are sa. Pou sanz Speaker…
Or, le problème avec le Speaker n’est pas nouveau et date de 2019. Il y a un gros problème dans la façon dont il fait son marketing politique. Aujourd’hui, le PMSD est critiqué avec véhémence sur les réseaux sociaux. Le PMSD n’attend que le timing parfait pour annoncer son alliance avec le MSM. Je sais qu’il est extrêmement gêné parce qu’il ne sait pas comment vendre ce produit. D’ailleurs, sur le terrain au no. 15, bane dimoune PMSD pe dire fini fer l’alliance are MSM, bizin mars are gouvernement. Dans mo circonscription pe dire dimoune si ou gagne problème are MRA, nou kapave fer réglé. Idem dans d’autres circonscriptions, y compris à Port-Louis ou au no. 13 où il veut obtenir une investiture.
Cette alliance avec le MSM viendra. Le PMSD tel qu’il est ne pourra aller seul aux élections. Il a joué avec les partis extra-parlementaires. Line fer traître avec le PTr, surtout avec Navin Ramgoolam kine fer li confiance. N’oubliez pas que lui et son parti PMXD avaient été retirés de l’oubliette politique par le Dr Ramgoolam lors d’une élection partielle en 1999. En 2010, c’est toujours grâce à Navin Ramgoolam, après qu’il ait pesé de tout son poids pour convaincre Maurice Allet, que Xavier Duval a obtenu le leadership du PMSD. Aujourd’hui, le PMSD n’existe plus. Le PMSD est redevenu le Parti Mauricien Xavier Duval (PMXD).
Q : Le PMSD s’est néanmoins abstenu de voter le projet de loi sur le financement des partis politiques. Comment expliquez-vous cela ?
Ou assizé, ou observé, ou négocié toujours, et ou fer ou zoli mamzel. C’est ene posture de zoli mamzel. Ou atan the right timing. Il est en train de jouer avec l’opinion publique. Le tapis rouge a déjà été déroulé pour le PMSD avec la démission de Sooroojdev Phokeer comme Speaker.
Q : On assiste donc à une mascarade en ce qu’il s’agit du PMSD ?
Ce n’est pas qu’une mascarade pour moi. C’est un film de mauvais goût. Le PMSD n’ira pas seul aux élections. Caution li pas pou tiré. On a vu ce qu’il vaut à la partielle au no. 18 en 2017. Le parti n’a ni structure ni démocratie ou méritocratie en son sein. Raison pour laquelle beaucoup de membres ont soumis leur démission. D’autres attendent que l’alliance avec le MSM soit officialisée avant de la soumettre.
Q : Dans un autre ordre d’idée, c’est quand même un pari très risqué de rechercher une majorité de trois-quarts comme le réclame l’alliance PTr-MMM-ND afin de pouvoir amener un changement de système. Êtes-vous confiant de pouvoir relever ce défi ?
Le peuple n’attend que les élections. Dans les régions urbaines, les électeurs ont attendu avec beaucoup d’impatience les élections municipales que le gouvernement n’a pas données. Il y a une grande attente au sein de la population, que ce soit en région urbaine ou rurale. Le peuple mauricien est une race patiente et courtoise. Li pou alle dans box et li pou met so ti la croix. La plupart des Mauriciens a déjà pris leur décision. C’est une question de temps. Nous avons un gouvernement de fin de règne.
Maurice sera invivable dans quelques semaines, avec la hausse du coût de la vie. Le fret a augmenté par plus de 146%. La roupie continue de déprécier vis-à-vis du dollar américain et australien. Les ménages mauriciens sont endettés de l’ordre de plus de Rs 169 milliards, soit une progression de 11, 4% des dettes ménagères. L’exportation a baissé par 20,17%. On perd Rs 2, 3 milliards par an comparé à 2023. Ce qui démontre que le gouvernement est à bout de souffle. Il faut un changement. Lepep pou fer zot allé. Ou donne élections dans 2 semaines, dans 2 mois, 3 mois, ou fer ene caretaker government ou donne élection dans 2025, résultat la pou pareil ou pire. Pli Pravind Jugnauth tardé pou donne les élections générales, pli li pou gagne batté.
Q : Il y a une élection partielle qui a été annoncée au no. 10. Pensez-vous que c’est un autre cinéma que joue le gouvernement ?
C’est une moquerie de la démocratie. Je rejoins ce que Steve Obeegadoo a récemment dit dans un entretien de presse. Le Deputy Prime Minister a soutenu que ce serait du jamais vu si une élection partielle est tenue un mois avant la dissolution de l’Assemblée nationale. D’ailleurs, on peut compter sur les doigts d’une main les quelques personnes qui ont accompagné le candidat au Nomination Day. Le Premier ministre et leader du MSM ne s’y est même pas présenté. Il n’a même pas mentionné la tenue d’une partielle ou le nom de son candidat lors du comité central élargi du MSM au Sun Trust.
Le peuple en a eu assez de la farce de ce gouvernement. Au tout début de son mandat, un DPM a été révoqué. Un autre ministre a dû ‘step down’ dans le sillage de l’affaire Kistnen. Un autre a démissionné en raison du pouvoir cadenassé. Ensuite, il y en a un autre encore qui a versé des larmes après sa révocation mais qui a néanmoins remercié Pravind et Kobita Jugnauth. Ensuite, il y a un Speaker qui dit être en congé de maladie mais après on nous annonce sa démission. On ne sait pas which is which. Le gouvernement joue avec la démocratie, y compris la démocratie parlementaire. Raison pour laquelle l’alliance PTr-MMM-ND reverra les ‘Standing Orders’ de fond en comble. Le ‘Parliament TV’ doit diffuser en direct les travaux des commissions qui siègent lorsque l’Assemblée nationale est en congé. Les comités, qu’on voit en Angleterre par exemple, peuvent appeler le Premier ministre ou tout autre ministre pour leur poser des questions. Nou bizin ena pareil dans Maurice. Il faut aussi un ‘Constitutional Appointments Committee’ pour les nominations importantes à des postes clés.
Q : Encore faut-il que ceux qui y siègent n’obéissent pas à des ordres venus d’en haut, n’est-ce pas ?
Le système sera calqué sur le modèle seychellois. Ce sera un panel balancé où il y aura des membres du gouvernement et de l’opposition ainsi que des personnes de la société civile. Il nous faut aussi voir la culture politique du PTr et du MMM. Au niveau des Nouveaux Démocrates, nous prônons également la méritocratie, la jeunesse et l’avenir du pays. Les hommes et les femmes qui feront partie de ce comité reflèteront nos valeurs politiques. C’est pour cela que je suis dur envers Xavier et surtout Adrien Duval. Il nous faut avoir une éthique politique.
Q : Il est beaucoup question de lutte contre la drogue et le blanchiment d’argent. Que propose l’alliance PTr-MMM-ND à ce niveau ?
Voyez-vous l’hypocrisie de ce gouvernement. Il prétend avoir mis en application 80% des recommandations du rapport Lam Shang Leen. Mais la recommandation principale concernant le démantèlement de l’ADSU n’a pas été respectée. Le modèle de l’ADSU, préconisé par la commission Rault, est maintenant dépassé, que ce soit en termes d’équipements, de personnel et d’‘infighting’. Ena différents groupes de police ki tire so côté. Striking Team so côté, l’ADSU so côté, la douane so côté. Il faut une ‘National Drugs Commission’, comme recommandée par le rapport Lam Shang Leen, dirigée par quelqu’un d’indépendant.
95% des membres de la force policière, y compris de l’ADSU, sont des personnes compétentes. Il faut leur donner les outils ainsi qu’un environnement propice pour qu’ils puissent travailler. Certains postes de police se trouvent dans une situation pitoyable, avec une infestation de rats et de punaises, ainsi que des meubles cassés. Il faut revaloriser les policiers. C’est une de nos priorités. Il faut leur donner un salaire décent. Idem pour les infirmiers et les enseignants. Ce sont trois professions nobles qu’il nous faut revaloriser. Quand je parle de salaire, je pense aux packages qu’ils perçoivent.
Q : Qu’en est-il de la notion de la transparence et bonne gouvernance ? Comment l’appliquerez-vous ?
La transparence se reflète dans vos actions. Nous avons déjà proposé l’institution d’une ‘Constitutional Appointments Commission’. Il ne faut plus qu’il y ait des clauses de confidentialité en ce qu’il s’agit des contrats octroyés. La transparence rime aussi avec la méritocratie. Le pays sera gouverné dans la transparence et en synergie avec la société civile pour transformer le pays.
Q : Quel genre de réforme électorale préconisez-vous ?
Il faut une réforme électorale dans laquelle la population mauricienne se sent partie prenante. Ou pa kapave ena ene système kot 60% dimoune kine voté retrouve zot dans l’opposition et 37% dans gouvernement. C’est une anomalie. Le système doit être revu après 56 ans d’indépendance. Il nous faut une réforme électorale où toutes les écoles de pensée puissent être on board. J’aurais bien aimé voir des partis qui prônent la protection de l’écologie, les droits de la femme et de la société civile au Parlement pour un débat plus élargi, comme cela a été le cas en Angleterre. Mais nous ne le verrons pas sous le système actuel. Nos camarades extra-parlementaires ont de bonnes idées, mais elles sont seulement sur papier. Pour les appliquer, il faut être élu. Et pour être élu, il faut travailler dans le système actuel, obtenir une majorité de trois-quarts et venir de l’avant avec une réforme électorale qui sera bénéfique pour tous les partis, qu’ils soient grands ou grands.
Q : Il faut aussi de la volonté politique pour le concrétiser. Que se passera-t-il si cette réforme ne se concrétise pas une fois que vous serez au pouvoir ?
Le Dr Navin Ramgoolam et Paul Bérenger veulent transformer le pays. Nous avons déjà une équipe bien homogène au Parlement où nous travaillons en symbiose. Nous soutenons ces deux leaders dans leur démarche pour un changement de système. D’ailleurs, les deux leaders ont déjà été Premiers ministres. Zot ti kapave reste dans zot comfort zone. Mais en tant que grands patriotes, zot envi amene ene transformation. Les prochaines élections seront aussi importantes, ou sinon plus importantes, que les élections pour l’indépendance. Celles-ci avaient apporté une transformation du paysage politique, social et économique du pays. Avec ces deux leaders et les jeunes qui les entourent, il n’y a aucun doute qu’on verra une grande transformation de la société mauricienne. Nous avons rendez-vous avec l’histoire. Nous serons jugés que ce soit par l’histoire ou le peuple mauricien.
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