- Le Dr. Ramgoolam maintient qu’il est toujours convaincu que les dernières élections étaient « entachées d’irrégularités » et qu’il continue son combat pour s’assurer que les prochaines élections soient ‘free and fair’.
La nouvelle est tombée au courant de la semaine : le Dr. Navin Ramgoolam a annoncé le retrait de sa pétition électorale au niveau de la Cour suprême. Dans son communiqué en date du 6 octobre, le leader du Parti travailliste (PTr) explique le retrait de cette pétition pour des raisons tactiques, basé sur les conseils de son panel légal, mené par Me Gavin Glover, Senior Counsel. En effet, si un jugement de la Cour suprême intervient, dans n’importe quel sens, il y aura forcément appel devant le Privy Council, qui ne pourra rendre son jugement qu’en 2024, soit l’année des prochaines élections générales.
Qui plus est, le Dr. Navin Ramgoolam explique que la pétition de Suren Dayal, qui est déjà devant le Privy Council, reprend les mêmes points qu’il avait soulevés dans sa pétition. En outre, un jugement dans cette affaire interviendra l’année prochaine, vers juin. Le panel légal du PTr préfère donc se focaliser sur cette pétition qu’il considère d’une « importance capitale ». Le Dr. Ramgoolam maintient qu’il est toujours convaincu que les dernières élections étaient « entachées d’irrégularités » et qu’il continue son combat pour s’assurer que les prochaines élections soient ‘free and fair’.
Pour rappel, le Dr. Navin Ramgoolam avait présenté une pétition électorale en Cour contestant l’élection de Vikram Hurdoyal, de Zahid Nazurally et de Soomilduth Bholah dans la circonscription no 10 (Montagne-Blache / GRSE) dans le sillage des élections générales de 2019. Il avait demandé l’invalidation de ces élections ou à défaut, que la cour ordonne un ‘recount’. Selon le Dr. Ramgoolam, il avait décelé plusieurs irrégularités dans ces élections qui selon lui, étaient loin d’être ‘free and fair’.
Un jugement du Privy Council vers juin 2023
En ce qui concerne la pétition électorale de Suren Dayal, le panel légal du PTr met les bouchées doubles. Le dossier sera soumis au Privy Council fin décembre ou début janvier. L’affaire sera vraisemblablement entendue par les ‘Law Lords’ durant le premier trimestre de 2023, et le jugement rendu vers mi-2023.
Pour rappel, Suren Dayal, candidat battu du PTr, avait logé une pétition électorale contre Pravind Jugnauth, Leela Devi Dookun Luchoomun et Yogida Sawmynaden après l’élection de ces derniers dans la circonscription no 8 (Quartier-Militaire/Moka) durant les élections générales de 2019.
Le pétitionnaire avait allégué plusieurs actes de ‘bribery’, dont, entre autres, la promesse du Premier ministre de doubler la pension de vieillesse environ un mois avant le scrutin de novembre 2019 ; l’annonce d’une implémentation accélérée du rapport du PRB en janvier 2020, une mesure qui aurait concerné 80 000 fonctionnaires ; l’annonce du versement d’un ‘performance bonus’ à d’autres fonctionnaires ; et la couverture partisane de la MBC de ces élections, qui avait même fait l’objet d’un avertissement de l’Electoral Supervisory Commission (ESC).
Toutefois, la Cour suprême avait retenu dans un jugement en date du 12 août 2022 qu’il n’y a pas eu d’acte de ‘bribery’, mais plutôt de « electoral promise contained in an electoral manifesto and made in the course of normal electoral campaigning.” En outre, selon les juges, les ‘bribes’ d’Ashok Jugnauth durant les élections de 2005 concernait une seule circonscription (soit toujours le no 8) alors que les agissements de l’Alliance Morisien durant la campagne électorale de 2019 étaient dirigés vers toute la population.
Pour toutes ces raisons, la pétition a été rejetée, et Suren Dayal avait alors interjeté appel auprès du ‘Privy Council’. Me Robin Ramburn, Senior Counsel, l’avocat de Suren Dayal, avait exprimé son désaccord avec le raisonnement des juges de la Cour suprême. Il est d’avis que ces derniers ont mal interprété les principes énoncés dans l’affaire Jugnauth v. Ringadoo, un jugement du ‘Privy Council’ qui avait vu l’invalidation de l’élection d’Ashok Jugnauth en 2007 et où Me Ramburn avait représenté les intérêts du pétitionnaire. Par exemple, les juges n’ont pas pris en compte le ‘timing’ de ces promesses électorales.
Quel sera l’approche des ‘Law Lords’ ? Tout dépendra de l’interprétation qu’ils donneront aux agissements du Premier ministre juste avant les élections de 2019. S’agit-il de simples promesses électorales ou de ‘bribery’ ? Où se trouve la ligne de démarcation entre les deux ? Une autre question cruciale à laquelle les ‘Law Lords’ devront répondre, si jamais ils décident qu’il y a bien eu ‘bribery’ : le pétitionnaire doit-il démontrer que ces actes avaient un rapport particulier avec la circonscription en question ? Ou bien des actes de ‘bribery’ d’une portée nationale suffisent, vu qu’ils ont influencé les électeurs de cette circonscription, ensemble avec les électeurs d’autres circonscriptions ?
Cader Sayed-Hossen maintient sa pétition électorale
De son côté, Cader Sayed Hossen, autre candidat battu du PTr, maintient en Cour sa pétition électorale. Il conteste quant à lui l’élection de Gilbert Bablee (MSM) dans la circonscription no 15 (La Caverne/Phoenix), alors que seulement 49 voix les séparent, et demande à ce que la Cour suprême ordonne un ‘recount’ des votes.
On se rappellera qu’un exercice de ‘vérification’ des ‘Counting Sheets’ de la circonscription no 15 avait eu lieu le 9 août dernier dans l’enceinte de la caserne de la SMF pour permettre au pétitionnaire, au défendeur et aux codéfendeurs (dont la Commission électorale et l’Electoral Supervisory Commission (ESC)d’avoir accès à ces documents. Les juges Benjamin Marie Joseph et Ratna Seetohul-Toolsee avaient ordonné cet exercice après que des « anomalies » avaient été notées, notamment que le total des voix recueillies dans sept salles de décompte ne sont pas divisibles par trois, et que 27 votes invalides auraient été pris en compte.
Ce jeudi 6 octobre 2022, Me Sooraya Gareeboo, Assistant Solicitor-General, qui représente le Commissaire électoral et le ‘Returning Officer’, a présenté en Cour une motion demandant aux juges de rayer la pétition électorale, vu que selon elle, aucune irrégularité n’a été décelé à la suite de l’exercice de vérification. Pour soutenir cette motion, elle voulait présenter en Cour un affidavit juré par Prema Ramwodin, Acting Deputy Chief Electoral Officer, où cette dernière faisait état de ses observations à la suite de l’exercice de vérification, et où elle confirmait les résultats proclamés initialement.
Mais Me Gavin Glover, l’avocat de Cader Sayed-Hossen, est sorti de ses gonds face à cette approche. Il a meme parlé de “trial within a trial” et de “mockery of justice”. Les juges rendront leur décision sur le bien-fondé de cette procédure le 3 novembre 2022.
« Il n’est pas vrai de dire qu’il n’y a pas eu d’irrégularités », devait nous expliquer Cader Sayed-Hossen pour sa part. « Il est clair que la partie adverse essaie de se servir de toutes sortes de ‘delaying tactics’ pour retarder les choses. »
Ravin HURLOLL