Roubina Jadoo-Jaunboccus : « On ne peut pas s’attendre à ce que le gouvernement fasse tout ! »

  • « Ce n’est pas à moi de gérer le problème du logement ! »

Elle dit ne pas être affectée d’avoir été traitée de « folle » par Asha Guness. Mais elle se sent néanmoins diffamée par de tels propos. Dans l’entretien qui suit, la ministre Roubina Jadoo-Jaunboccus règle son compte avec la gérante de la Vedic Social Organisation (VSO) qui, insiste-t-elle, elle ne connait pas. Quant à l’octroi des logements sociaux aux grévistes du centre St. Malo, la ministre renvoie la balle au ministère du Logement, en soulignant quand même que les procédures doivent être respectées et que le gouvernement ne peut pas tout faire…

 Zahirah RADHA

Q : La fermeture des ‘shelters’ gérés par la ‘Vedic Social Organisation’ (VSO) alimente toujours l’actualité. Êtes-vous satisfaite dont les choses se sont déroulées ?

Le rapport Vellien, datant de 2015, était très damning à l’encontre des shelters gérés par la ‘Vedic Social Organisation’. Il y a ensuite eu les rapports de l’Audit et de l’Ombudsperson qui ont été tout aussi critiques envers cette association. De plus, nous avons reçu au moins une trentaine de complaintes à l’encontre de ces shelters. Dès lors, nous avons renouvelé le contrat de la gérante uniquement sur une base mensuelle, le temps que nous puissions trouver une solution alternative pour les enfants qui s’y trouvent. Une ‘expression of interest’ pour la gestion de ces shelters avait aussi été lancée, mais malheureusement personne ne s’est montré intéressé puisqu’il s’agit d’une tâche ardue. Je dois aussi souligner que la gérante a eu un mois de préavis avant la résiliation de son contrat afin qu’elle puisse prendre toutes les dispositions nécessaires. Comme je l’ai dit, nous étions aussi en présence d’allégations de maltraitance quant aux deux autres shelters qu’elle gérait. C’est donc tout à fait normal qu’il y ait une enquête.

Q : Vous avez dit que personne ne s’est manifesté pour gérer ces shelters. Mais pourquoi les enfants n’ont-ils pas été transférés dès le départ ?

L’« expression of interest »  n’étant pas ‘responsive’, nous avons fait un plan de relocation pour ces enfants. Nous avons dû attendre qu’il y ait de la place dans d’autres shelters avant de les transférer. Ce n’est qu’à ce moment qu’on a pu libérer ceux gérés par Asha Guness. Nous verrons maintenant comment procéder. Pour l’instant, les enfants sont en sécurité et ils bénéficient aussi de suivis psychologiques.

 

Q : La façon brutale dont le transfert a été fait ne risque-t-elle pas d’affecter davantage ces enfants ?

Non, loin de là. Les enfants n’étaient confrontés à aucun problème. Un enfant est placé dans un shelter sujet à un ordre de la cour qui spécifie où il sera placé. Vu que ces enfants n’étaient plus en sécurité dans les shelters gérés par la Vedic Social Organisation, les officiers du ministère ont fait des demandes de variation order, en diverses cours de district, et qui ont été approuvées. Mais la gérante, ses employés, ainsi que des hommes dont on ignore ce qu’ils y faisaient à cette heure et dont la présence a choqué mes officiers, ont tenté de résister. Ce qui a retardé l’exercice. Les membres de la presse ont aussi été convoqués. Je n’ai rien contre celle-ci, mais selon le ‘contract service agreement’, les enfants ne peuvent pas être exposés aux médias et au public sans l’autorisation du ministère. La gestion des shelters relève d’une vocation, et non pas d’un business !

Q : Asha Guness soutient que vous avez une vengeance personnelle contre elle. Est-ce vrai ? La connaissez-vous ?

Je ne la connais même pas ! Ni sa couleur politique non plus ! Comment puis-je avoir une vendetta politique contre elle ? Je ne l’ai jamais rencontrée. Je ne l’ai vue que dans les journaux.

Q : Quid de sa déclaration à l’effet que les enfants ont été transférés dans un shelter appartenant à un de vos proches ?

Quel proche ?! Je n’ai aucun proche qui gère des homes. La plupart de ces pensionnaires ont été répartis dans huit shelters du National Children’s Council (NCC) qui sont gérés par le gouvernement. À moins que ces shelters du gouvernement soient proches de moi ! Mais non, pas du tout !

Q : Selon toute évidence, il y a un gros problème au niveau des ‘shelters’. Maltraitance alléguée, délits de fuite, etc. N’est-il pas temps de revoir leur fonctionnement ?

Oui, effectivement. Nous avons fait une mini-restructuration au niveau du ministère et nous avons mis sur pied une unité spécialisée, soit l’Alternative Care Unit (ACU), qui ne s’occupera que des shelters, que ce soit ceux du gouvernement ou des ONGs. Elle devra réévaluer et revoir leur fonctionnement.

Q : Quand peut-on s’attendre à ce que cette nouvelle unité porte ses fruits ?

Plus ou moins tout de suite. Nous avons déjà commencé à travailler sur le décongestionnement des shelters. Nous travaillons aussi, et en toute urgence, sur la réintégration des pensionnaires au sein de leurs familles. Les conditions des shelters seront également revues. Avec la mise sur pied de cette unité spécialisée, le travail devra s’accélérer.

Q : Après Asha Guness qui vous a traité de “folle”, ce sont les grévistes du centre St. Malo qui s’en sont pris à vous. Cela ne vous dérange-t-il pas ?

Non, pas du tout ! Ou trouve moi folle ou ? Asha Guness a commis une diffamation très très grave à mon égard. On verra…

Par contre, j’ai beaucoup de sympathie pour les réfugiés. Quelqu’une s’est demandée comment peut-on vivre avec Rs 10 000. Mais nous connaissons c’est quoi le montant du salaire minimal. Moi, j’avais dit que certains ne sont pas éligibles pour le ‘Social Register of Mauritius’ (SRM) parce qu’ils ont des revenus de Rs 10 000 par mois. Moi, je pense que tout le monde doit travailler et faire des efforts. Le gouvernement est là pour aider ceux qui sont dans le besoin, mais on ne peut pas s’attendre à ce qu’il fasse tout. Ces personnes avaient déjà leurs maisons auparavant. Qu’elles y retournent ! Le gouvernement, des ONGs ou des volontaires peuvent les aider à les réparer. Ils peuvent, par la suite, attendre que les procédures suivent leur cours. D’ailleurs, le logement ne tombe pas sous mon ministère. Ce n’est pas à moi de gérer ce problème. Le ministère du Logement s’occupe de leur cas. Je vois d’ailleurs que Gilles L’Entêté a fait son travail et que certains ont déjà bénéficié des maisons puisqu’ils répondent aux critères requis.

Q : Il a fallu justement qu’ils fassent la grève pour obtenir un logement. Ne s’agit-il pas plutôt d’une contrainte au lieu d’une « mode », comme vous avez ironisé ?

C’est tout à fait faux. Ils n’ont pas bénéficié de ces maisons en raison de leur grève, mais plutôt parce que des procédures accélérées avaient été enclenchées à leur intention. La NHDC et la NEF poursuivront leur travail.

Q : Votre cœur de femme ne saigne-t-il pas quand des victimes de circonstances sont contraintes à dormir, le ventre vide, à la belle étoile par ce temps glacial ?

Bien sûr. Tout le monde a un cœur et vous savez très bien comment mon cœur est sensible ! Il faut cependant faire la part des choses. À aucun moment, n’a-t-on demandé à ces gens d’aller sur la rue, ni de faire de grève. C’est triste qu’ils l’aient fait. Si quelqu’un n’avait vraiment pas de place où aller, le gouvernement serait intervenu en sa faveur. Mais la plupart d’entre eux ont déjà une maison habitable. Qu’est-ce qui se passera si tous ceux qui sont sur la liste d’attente de la NHDC font la grève et insistent pour qu’on leur donne une maison ? Où est-ce que le gouvernement en trouvera ? Ce n’est pas possible. Il faut être raisonnable.