Tragédie sociale

La mort de la jeune Ruwaidah, 13 ans, mariée religieusement et qui porte en elle une vie, a bouleversé la nation entière. Une fois n’est pas coutume, des esprits tordus ont, encore une fois, tenté de communaliser le débat. Ne voilons pas la face. Combien de Ruwaidah existe-t-il à Maurice ? Certes, la plupart ne sont pas mariées. Fut-il religieusement ou pas. D’ailleurs, ce n’est pas là que se situe le véritable problème. Aucune loi à Maurice, tout comme dans la plupart des pays islamiques, n’autorise le Nikah à 13 ans. Les règlements du Muslim Family Council (MFC) sont clairs. L’âge permis pour contracter le Nikah est à 16 ans, conformément à la Civil Status Act. N’en déplaise aux semeurs de zizanie ! Il va donc sans dire que ceux qui violent la loi doivent être traduits devant la justice. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il aura fallu le décès de la petite Ruwaidah pour que les autorités, et les Mauriciens, réagissent enfin quant à ce phénomène grandissant.  

Ouvrons grands nos yeux et regardons les statistiques officielles ô combien éloquentes. Du côté de la Child Development Unit (CDU), le nombre d’adolescentes qui sont enceintes est estimé à 33 rien que pour la période de janvier à mai 2018. Le Mauritius Family Planning (MFP) relève, lui, 79 cas de grossesses précoces durant les quatre premiers mois de l’année. Et ces chiffres ne font que grossir d’année en année. De 200 en 2014, le nombre de grossesses précoces chez les jeunes filles est passé à 300 en 2017, selon les statistiques du MFP. Ce problème sociétal ne date pas d’hier et mérite qu’on s’y attarde. Cessons d’être hypocrites. Ce problème transcende toutes les communautés et toutes les couches sociales et mérite ainsi une approche plus globale.  La ministre de l’Égalité des Genres, qui a fait du Children’s Bill l’une de ses priorités, devrait s’y pencher le plus vite possible. Mais c’est une bataille qui n’est pas gagnée d’avance, et ce pour diverses raisons. Surtout quand on sait que la majorité de ces adolescentes sont confrontées à des problèmes sociaux ou psychologiques et qu’elles nécessitent une prise en charge très spécifique.

La tâche de Roubina Jadoo-Jaunboccus s’annonce ardue. Déjà qu’elle arrive difficilement à mettre bon ordre dans les shelters qui tombent sous la tutelle de son ministère et où les fugues sont devenues monnaie courante. Pas plus tard que cette semaine d’ailleurs, neuf mineurs se sont enfuis du shelter La Colombe à La Tour Koenig. Après la fugue de trois mineurs âgés de 10, 12 et 13 ans lundi, la ministre avait pourtant donné la garantie (voir notre dossier en pages 14-15) que ces incidents ne se répèteront plus. Ce qui n’a nullement empêché six autres mineurs de s’enfuir de ce même shelter vendredi ! Ironie ou incompétence ? Maintenant que le dossier brûlant de la grossesse précoce est venu s’ajouter aux défis auxquels son ministère est confronté, la ministre de l’Égalité des Genres devra marcher sur des charbons ardents. Elle doit agir vite. Et de façon efficace. Cela afin d’éviter qu’une autre Ruwaidah se retrouve dans la même situation. Et qu’elle ne connaisse une même fin tragique.