Pré-primaire : Grant in Aid Scheme
La gratuité de l’éducation pré-primaire est-elle un leurre ? C’est la question que se posent de nombreux directeurs d’écoles pré-primaire. Car la formule proposée à travers le ‘Grant in Aid Scheme’ (GIA Scheme) par le gouvernement, plus particulièrement par la ministre de l’Éducation, est loin de faire le consensus dans le milieu concerné. Cette mesure doit être effective à partir de janvier 2024. Et les directeurs d’écoles pré-primaire, qui ont été mis au courant des modalités la semaine dernière, ont jusqu’au 7 septembre pour se joindre au programme. Le hic, c’est que valeur du jour, plusieurs interrogations perdurent, la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun ayant été incapable de répondre aux questions de certains directeurs d’écoles lors de la présentation du programme récemment.
« Je pense que c’est plus une décision politique qu’autre chose, puisque, qu’on le veuille ou pas, la formule proposée aura certainement un impact sur la qualité d’éducation et de prise en charge des enfants », nous lance d’emblée une directrice d’école pré-primaire se trouvant dans la capitale. Il y a des flous, insiste-t-elle. D’abord, en ce qu’il s’agit des enseignants, trois catégories sont mentionnées, soit Grade 1, 2 et 3. Or, les critères concernant ces catégories n’ont pas été définis. « Comment fait-on pour départager les enseignants selon les grades ? Ce n’est pas clair », nous dit-elle. D’ailleurs, selon la formule du ministère de l’Éducation, cette directrice d’école nous avoue qu’elle ne pourra employer que neuf personnes pour son établissement alors qu’elle en compte actuellement 12. « Est-ce que je vais devoir procéder à une compression de mon personnel dont certains comptent entre sept à dix ans de service ? Si oui, comment vais-je leur compenser ? Le ministère en prendra-t-il les frais ou dois-je les payer de ma poche ? » se demande-t-elle.
Autre problème évoqué : la réduction du nombre d’« assistant teachers ». Désormais pour une école qui compte une centaine d’élèves divisée en quatre classes de 25 enfants, il n’y aura que deux « assistant teachers ». « Il y a aura deux assistants pour quatre classes de 24 élèves. Ce qui fait qu’une assistante devra s’occuper de deux classes de 25 élèves à la fois. Comment est-ce possible ? Kuma li pou divise li pou travay dans 2 classes, surtout si les 2 enseignants pe bizin li en même temps ? », s’interroge cette directrice. D’ailleurs, elle déplore le fait qu’une classe de 25 élèves devra être gérée par un seul prof. « Nou pe deal avec bane enfants en bas âge. 25 enfants veut dire 25 caractère différents et 25 comportement différents. Forcément, cela aura une répercussion sur la qualité de la prise en charge et la qualité de l’éducation », déplore-t-elle.
Ce n’est pas tout. Elle relève ainsi d’autres problèmes. Par exemple, en tant que directrice, elle obtient actuellement le double de ce que propose le gouvernement, soit Rs 35 000. « Cela me permet de couvrir les frais du bâtiment de l’école dont je suis la propriétaire. Mais sous la nouvelle formule, je ne percevrai rien pour le bâtiment, même si les frais d’entretien seront inclus dans le programme. Qui plus est, si demain je me retire comme directrice pour une raison quelconque et que je mets quelqu’un d’autre à ma place pour gérer l’établissement, je n’aurai plus de rente alors que c’est mon école et mon bâtiment. Ce qui est quand même injuste », confie-t-elle.
Cette directrice d’école pré-primaire rappelle, dans la même foulée, que les écoles pré-primaires ne seront pas gratuites pour les élèves fréquentant des établissements qui ne souscrivent pas au programme du ministère de l’Éducation. Au contraire, ils devront payer des frais encore plus élevés. Elle explique : « Actuellement, le gouvernement nous donne une allocation de Rs 400/ élève. Ce qui fait que les frais d’écolage coûtent, chez moi, seulement Rs 1700 au lieu de Rs 2100. Mais si je décide de ne pas rejoindre le programme du ministère, dès janvier donc, les parents devront débourser la totalité de Rs 2100 pour payer les frais de scolarité ». Ce qui donnera lieu à un autre problème. « Les parents peuvent alors choisir d’envoyer leurs enfants dans d’autres écoles subventionnées par le gouvernement. Je vais donc perdre des élèves, avec toutes les répercussions que cela aura », ajoute-t-elle.
Autant de problèmes auxquels le ministère de l’Éducation reste de marbre en ce moment. Notre interlocutrice lance un appel à la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun pour qu’elle ouvre le dialogue avec les directeurs d’école avant que ces derniers ne soient appelés à souscrire au GIA Scheme, d’autant que la date limite est le 7 septembre prochain.
Mahend Gungapersad : « Ce n’est pas un ‘scheme’ pédagogique, mais un ‘scheme’ économique »
Le député du PTr, Mahend Gungapersad s’est exprimé sur l’éducation pré-primaire, à savoir le ‘Grant in Aid Scheme’, qui compliquerait davantage les choses selon lui. Il a soulevé plusieurs points à ce sujet lors d’une conférence de presse le vendredi 01 août 2023. D’après lui, il était essentiel de mettre en avant la santé physique et mentale des enfants qui bénéficieront de la gratuité. En second lieu, il estime qu’il aurait fallu prendre en compte les aspects pédagogiques et cognitifs. De plus, il exige que des mesures soient prises pour équiper les écoles afin de suivre les enfants issus de milieux vulnérables. Selon lui, cela n’a pas été pris en considération.
Mahend Gungaparsad affirme que ce n’est pas un ‘scheme’ pédagogique, mais un ‘scheme’ économique. Il ajoute qu’aucune disposition n’a été prise pour l’enseignement et l’apprentissage, ainsi que pour le suivi des enfants en difficulté scolaire. Il souligne que la ministre de l’éducation aurait dû proposer un ‘scheme’ pédagogique, car la petite enfance est une phase très importante dans la vie d’un enfant, notamment en ce qui concerne son parcours scolaire. Il déplore le manque de gestion de la part de la ministre de l’Éducation, qui n’a pas consulté les intervenants avant de prendre une décision aussi importante.