Une unité anti-drogue ou une police politique ?

Special Striking Team

Initialement créée pour lutter contre le trafic de drogue et le grand banditisme, la ‘Special Striking Team’ semble désormais agir comme une police politique. Cette unité, fondée le 3 août dernier, est composée d’anciens membres de l’ADSU (Anti Drug and Smuggling Unit) et est commandée par l’assistant surintendant de police Ashik Jagai. Elle est placée directement sous les ordres du Commissaire de Police, Anil Kumar Dip. Cependant, des doutes subsistent quant aux spécifications du cahier des charges de cette unité. Selon Dev Jokhoo, ancien patron du ‘National Security Service’ (NSS), la SST ne semble pas respecter les “Standing Orders” de la police, ce qui soulève des interrogations sur ses réelles missions.

La perception, c’est que cette unité spécialisée ait été mise en place dans le but d’instiller la peur chez la population et les opposants politiques de Pravind Jugnauth. Toute personne osant exprimer des désaccords envers le gouvernement prend le risque d’être arrêtée de manière spectaculaire, comme ce fut le cas pour Rama Valayden, interpellé chez lui le vendredi 12 mai à 7h du matin. La liste des personnes arrêtées est longue. « Si ou koz bane kozé kip a verifié, la police pou prend actions », a d’ailleurs prévenu l’ASP Ashik Jagaï.

Selon Dev Jokhoo, chaque unité de la police doit être guidée par son cahier des charges, en conformité avec les “Standing Orders” de la police. Il estime incompréhensible l’attitude de la ‘Special Striking Team’, et souligne que si la politique a toujours été présente dans la police, c’était limitée. Or, avec ce gouvernement, il y a une politisation à outrance, estime-t-il.

Il précise également que le Commissaire de Police est le seul responsable en cas de bavure de la part de la ‘Special Striking Team’. Il rappelle que, dans plusieurs cas où la SST est intervenue, des allégations de “Drug Planting” ont été signalées par certains protagonistes. Pour Dev Jokhoo, la SST agit sans aucun cadre légal, ayant carte blanche pour faire ce qu’elle veut. « C’est ridicule ! We are here to obey legal orders, bann officier pa la nek pu dir oui missier », déplore-t-il. L’ancien policier regrette que les agents de police actuels ne soient pas assez “knowledgeable”. « Enn officier bizin kone ki ordre ki legal ek ki lordre ki pa legal», ajoute-t-il.

Il observe également que le public éprouve de la peur envers la police de nos jours, et que les officiers charismatiques sombrent dans la corruption en se mêlant avec des trafiquants de drogue notoires. « La police a perdu en qualité. Elle devrait être l’alliée du public, pas son ennemie », conclut Dev Jokhoo.

Akil Bissessur : « Zot objectif c’est pou crée ene psychose »

L’avocat Akil Bissessur, qui avait été arrêté pour ‘trafic de drogue’ avant que la charge ne soit rayée en cour, soutient que « la SST inn créée pou attack bann opposants politik de sa régime dictatoriale ki pe installé dans Maurice. Zot objectif se pu crée enn psychose… Dimounn ki pena recours legal, kuma zot faire ? Normalement zot zis vinn fer peur, zot planté ek zot arreté, après zot zet zafer la ek CCID, aster zot em pu fer lanket, zot em pu poursuivre, zot em pu strike ek zot em pu enketer. Certain membres SST dir ki zot pa pren l’ordre ek DPP nanier zot… ».

L’avocat Sanjeev Teeluckdarry pense, lui, que cette unité de police est à la disposition du chef du gouvernement. « Ena zournalis ek avoka lor la liste SST… sa lekip la azir de zot propre initiative ».

« La Special Striking Team a un “scheme of service” et doit travailler conformément aux dispositions de la loi. J’attends la décision de la cour pour savoir quelle sera la marche à suivre, en sachant que la section 46 de l’ICTA est vivement contestée car elle porte atteinte à la liberté d’expression, et que des jugements à ce sujet ont été rendus au niveau international. Je me pose donc la question de savoir où commence et où se termine la liberté d’expression. Il revient désormais au tribunal de décider car les charges provisoires feront l’objet d’un débat », se demande, pour sa part, Kushal Lobine, l’avocat de Harish Chundunsing. L’ancien journaliste a également été arrêté par la SST cette semaine. Il a comparu devant le tribunal de Curepipe et a dû fournir une caution de Rs 10 000, ainsi qu’une reconnaissance de dette de Rs 20 000 pour sa remise en liberté conditionnelle, à laquelle la police n’a pas objecté.