Victoria Urban Terminal : Les marchands : « Pena travay ! »

Victoria Urban Terminal

C’est le ras-le-bol des marchands auparavant dits « ambulants » au Victoria Urban Terminal. Cela fait à peine deux mois qu’ils ont été installés, de gré ou de force, à cet emplacement, mais ne peuvent s’acquitter du loyer mensuel, qu’ils jugent exorbitant, de Rs 4 000, alors que les clients se font rares. Ils veulent ainsi que le gouvernement réduise ce loyer à un montant raisonnable.

Si pour le gouvernement, le Victoria Urban Terminal est un vrai bijou qui aurait résolu le problème des marchands ambulants de la capitale, pour ces derniers, cela est loin d’être le cas. Pour eux, c’est un véritable cauchemar de trouver la somme de Rs 4 000 pour payer leur loyer à la fin du mois. Qui plus est, ils n’ont affaire qu’à de rares clients. On se rappellera que le relogement des marchands ambulants au Victoria Urban Terminal ne s’est pas fait sans heurts. La mairie de Port-Louis avait ainsi voulu ‘concentrer’ tous les marchands ambulants de la capitale, que ce soit ceux opérant à la Gare du Nord, à la rue Decaen et au Ruisseau du Pouce au Victoria Urban Terminal, et avait essayé d’utiliser la manière forte pour faire déguerpir les plus récalcitrants. Les marchands ambulants avaient pour leur part demandé une injonction en Cour suprême, mais apparemment, cette affaire n’est pas allée plus loin.

Notre équipe est allée à la rencontre de ces marchands qui travaillent au Victoria Urban Terminal. Babita, marchande de ‘dholl-puris’, nous explique que « travay nepli marser ». Elle prépare environ une cinquantaine de ‘dholl-puris’ par jour mais n’en vend uniquement qu’une vingtaine. « Il y a très peu de clients qui viennent pour acheter de la nourriture. Les fonctionnaires ne viennent plus chez nous pour acheter à manger », constate-t-elle d’un air désolé. Selon elle, « avant d’être relogés au Victoria Urban Terminal, nous avions une clientèle. Nous étions capables de travailler et nous recueillions suffisamment d’argent durant une journée. Mais maintenant, ce n’est plus le cas. Nous ne pouvons plus joindre les deux bouts avec cette situation ».

Elle devait ensuite aborder ses dépenses. En ce qui concerne le loyer de Rs 4 000, elle nous lance « pa koner kuma pou gagn sa largent la. » Une autre grosse dépense est le gaz qu’elle utilise pour préparer ses ‘dholl-puris’. En outre, son fils est toujours à l’école. « Ce n’est pas facile pour moi », soupire cette mère de famille. Babita nous explique que si le travail ne reprend pas dans les jours à venir, elle va probablement rendre son étal car « je ne peux m’endetter pour rien ».

« Que le gouvernement considère un moratoire »

« Nou ti penser nou pou travay bien ici mais li pa le cas. Pena travay ! », regrette Shirley, une autre marchande. Cette mère de deux enfants vend essentiellement des chaussures faites localement, des savates, des sandales et autres sandalettes. Mais selon elle, rares sont les clients qui viennent à l’étage où les marchands sont situés. La plupart des clients ne font qu’un tour en bas, où se situent les magasins d’articles de luxe. Ceux qui se donnent la peine de monter en haut se contentent de faire le tour des étals des marchands, sans acheter quoi que ce soit. « Comment allons-nous travailler comme cela ? », se demande Shirley, qui se demande également comment elle va faire pour joindre les deux bouts.

Elle soutient que le gouvernement aurait pu donner un moratoire d’un an aux marchands pour s’acquitter du loyer. « Nous voulons être stables dans notre travail, ce qui garantira des revenus nous permettant de nous acquitter du paiement du loyer », explique-t-elle. Elle dénonce aussi quelques conditions difficiles : « C’est soi-disant un ‘mall’ mais il n’y a qu’un seul WC, que ce soit pour les visiteurs ou pour les marchands. Nous devons aussi travailler en pleine poussière car le sol n’est pas nettoyé comme il le faut ». « Que le gouvernement reconsidère ce loyer de Rs 4 000. Qu’il vienne en aide aux marchands ambulants, comme il l’a fait pour les pêcheurs et les petits planteurs », dit-elle.

Hors-texte

Le président du syndicat fait-il la sourde oreille ?

Des marchands à qui nous avons parlé dénoncent le fait que les autorités ne réagissent pas. Comme cela a toujours été le cas. Même le président de la ‘Street Vendors Association’, Hyder Raman, disent-ils, ne fait rien, malgré leurs nombreuses doléances. « A sak fois li nek pe dire nou li en négociations avec les autorités, mais nou pa pe trouve auken la lumière », martèlent-ils, en insistant qu’ils se sentent rejetés et par les autorités et par leur syndicat.  

Hyder Raman, soulignons-le, avait défendu bec et ongles le projet Victoria Urban Terminal. « La grande ouverture pou ene jour historique pou nou patience, persévérance et longue combat. C’est ene reconnaissance bien mérité », avait-il dit. Il s’était aussi fait l’avocat des autorités en niant qu’il y a eu de favoritisme lors de l’octroi des étals.