Autosuffisance alimentaire  : Une chimère au point mort ?

L’autosuffisance alimentaire : un débat qui ne date pas d’hier. À chaque fois que le monde traverse une crise majeure, la question de sécurité alimentaire du pays revient sur le tapis. Mais alors que le gouvernement ne fait qu’annoncer plusieurs ‘schemes’ qui ne sont jamais implémentés, et alors que bon nombre de planteurs sont découragés vu qu’on n’écoute pas leurs doléances, il convient de se demander si jamais l’autosuffisance alimentaire pourra un jour prendre son essor dans le pays. Le point sur la situation avec Kreepalloo Sunghoon, le président de la ‘Small Planters Association’ (SPA).

Kreepalloo Sunghoon estime que l’autosuffisance alimentaire ne peut être atteint à 100 %, vu que nous ne pourrions pas produire tout ce que nous consommons. Toutefois, il maintient que le pays a la capacité de produire localement une grande quantité de produits que nous importons mais que nous ne mettons pas en place les moyens de le faire. Quelle est alors la stratégie à adopter pour avoir une certaine autonomie alimentaire ? « On doit réorienter nos ressources vers des productions utiles », nous explique-t-il. Dans un passé récent, dit-il, nous étions capables de produire environ 120 000 tonnes de légumes par an mais aujourd’hui, nous ne produisons que 80 000 tonnes. « Alors, de quelle autosuffisance alimentaire parlons-nous ? », lâche-t-il.

Selon Kreepalloo Sunghoon, tout ceci est dommage, car nous importons plus de 75 % de ce que nous consommons, en termes de produits agricoles, et réitère que beaucoup de nos légumes peuvent être produits localement. Par exemple, nous importons environ 190 tonnes d’ails alors que nous avons la possibilité de produire ce légume localement. Idem pour le maïs, un composant essentiel pour les aliments des animaux qui est largement importé. Selon les estimations de Kreepalloo Sunghoon, plus de 115 000 tonnes de maïs sont achetés du Brésil ou de l’Argentine par an, alors que nous sommes un pays tropical et que nous pouvons bel et bien le produire à Maurice.

Notre interlocuteur nous indique qu’une stratégie essentielle pour atteindre toute semblance d’autonomie alimentaire passe par un encadrement des planteurs, car ils sont nombreux à ne pas avoir de formation. « Il faudra d’avantage encadrer les planteurs en termes d’objectifs, notamment, que faudrait-il produire ? Et comment les produire ? », nous explique-t-il. Toutefois, il estime qu’il n’y a pas assez de soutien de la part du gouvernement en ce qui concerne l’encadrement des planteurs. « Il faudra venir avec des plans concrets pour mieux guider les planteurs dans leur démarche », résume-t-il.

Il plaide aussi pour une meilleure écoute des planteurs de la part du gouvernement. « Les mesures annoncées peuvent être bonnes, du moins sur le papier, et pourront éventuellement aider les planteurs si jamais elles sont implémentées. Cependant, le gouvernement doit toujours être à l’écoute des planteurs », dit-il. « Mais malheureusement, c’est ce qui lui fait le plus défaut. » Il ajoute que nous devons aussi trouver un moyen pour que nous puissions produire les fertilisants localement au lieu de les importer, car les prix des fertilisants ont pris l’ascenseur. Il plaide aussi pour l’implantation d’une industrie de transformation à Maurice. Par exemple, une industrie locale autour de l’empaquetage des fruits et légumes dans des barquettes ou leur mise en boîte de conserve aurait permis de réduire nos importations tout en créant des emplois.

L’absence d’un ministre à plein temps décriée

Kreepalloo Sunghoon affirme sans ambages que le secteur agricole est « gondolé ». L’absence d’un ministre de l’Agroalimentaire à plein temps, qui comprend bien le secteur, est décriée. Car un ministre à plein temps est une condition sine qua non pour que le gouvernement puisse venir en aide aux petits planteurs. Justement, qu’en est-il de la performance du gouvernement en ce qui concerne l’agroalimentaire ? Kreepalloo Sunghoon regrette qu’à chaque séance budgétaire, « le gouvernement se fixe des objectifs pour le secteur agricole, mais il convient de se demander quel pourcentage des mesures annoncées est implémenté à long terme ». Par exemple, la subvention annoncée de 50 % sur les prix de la pomme de terre et des graines de l’oignon, et l’extension de cette subvention aux semences d’ail et aux légumineuses, se fait toujours attendre.

« Certains points essentiels qui ont été annoncés ont été négligés et n’ont toujours pas été réalisés », constate-il sombrement. « En principe, on devait avoir plus de récoltes avec les mesures annoncées par le gouvernement lors des différents budgets mais hélas, il n’en est rien. Le gouvernement a mis en place beaucoup de ‘schemes’, mais qui ne sont jamais implémentés ». « Cela n’est guère encourageant. Car tout porte à croire que d’autres mesures seront évoquées dans le futur mais qui, au final, ne seront jamais implémentées. »

Quant à l’Agricultural Markeing Board (AMB), cet organisme avait proposé un mécanisme pour garantir les prix pour les producteurs d’oignons, d’ails et de pommes de terre. Le gouvernement était aussi venu avec un projet pour la culture de légumineuses à Maurice, dont les gros pois, les petits pois, le soya et les haricots. Ce projet devait être piloté par l’Agricultural Research and Extension Unit (AREU). Mais selon Kreepalloo Sunghoon, ces projets sont restés dans un tiroir.

Les planteurs découragés

Selon Kreepalloo Sunghoon, « Il n’y a plus de planteurs ambitieux. Beaucoup de planteurs de nos jours ont tendance à délaisser leurs champs par le manque de soutien du gouvernement. Alors que le but du gouvernement est d’encourager la production locale, les planteurs de nos jours n’arrivent plus à le faire ».