Nous le disions dans ces mêmes colonnes la semaine dernière. Les élections générales du 7 novembre ne nous semblent pas avoir été « free and fair ». La principale raison que nous avions avancée alors était le nombre inquiétant, presque 7 000 (n’en déplaise à certains mathématiciens au sein de l’‘Electoral Supervisory Commission’ qui ont tenté de le minimiser pour se dédouaner) de citoyens qui ont été lésés de leur droit de vote. Ce qui aurait pu certainement changer la donne.
Mais il y a aussi eu le « money politics » qui a pesé lourdement dans la balance, notamment à travers des ONGs écrans qui ont poussé comme des champignons le temps de la campagne électorale. Mettons de côté la MBC, dont l’utilisation outrancière par le gouvernement a même été dénoncée par les observateurs de la SADC. La question que cette boîte de propagande fasse mieux ne se posait même pas, surtout quand on sait que son ancien directeur général, recruté comme consultant peu après qu’il eut démissionné de son poste, avait clamé haut et fort que « je suis Pravind Jugnauth ».
En dépit de quelques dénonciations d’irrégularités de part et d’autre, nous étions quand même loin d’imaginer qu’il y aurait pu y avoir magouilles durant cet exercice démocratique. D’autant que la commission électorale est l’une des rares institutions qui ÉTAIT jusqu’ici restée au-dessus de tout soupçon de partialité. Cependant, la découverte d’un bulletin de vote, avec sceau officiel de la commission, suivi par un second dans une autre circonscription, vient remettre en doute toute la notion de « free and fair elections ». Du coup, même les clameurs de ces grands donneurs de leçons se sont subitement tues.
Bien entendu, certains, des têtes de mule qui portent des visières et qui ne jurent que par le petit prince Soleil, refusent de voir la réalité en face, préférant balayer les graves allégations en qualifiant l’opposition de « mauvais perdants ». Peuvent-ils alors nous expliquer par quel tour de magie, noire ou blanche, des bulletins de vote utilisés se sont retrouvés en pleine nature alors qu’ils étaient censés être dans des boîtes sécurisées sous surveillance policière ? Même s’il ne manquait qu’un seul bulletin de vote, comment le ‘Returning Officer’ de ces centres de dépouillement ont-ils pu concorder le décompte final sans qu’ils n’informent les autorités concernées ? À moins qu’ils n’aient, encore une fois, eu recours à la magie ! Abacadabra et hop… Petit bémol cependant, la tricherie a vite été découverte.
Ces graves manquements dépassent non seulement notre compréhension, mais ils entachent aussi et surtout l’indépendance et l’intégrité de la commission électorale. Idem pour notre démocratie qui est sérieusement ébranlée. Raison d’ailleurs pour laquelle le Commissaire électoral Irfan Raman, conscient de la gravité du problème, a, dans sa sagesse, cru bon de référer l’affaire en toute urgence à la police. Sauf que quelqu’un doit bien assumer la responsabilité de ce nouveau scandale. Le gouvernement, par la voix de certains de ses aboyeurs patentés, semble déjà s’en laver les mains, préférant renvoyer la balle dans le camp de la commission électorale. Comment celle-ci, visiblement abandonnée par le nouveau régime de Pravind Jugnauth, se débattra-t-elle pour survivre à cette tempête qui s’acharne contre elle ? Plus important encore, prouver au monde extérieur que notre pays n’est pas une République bananière ?