Alors que le pays n’est plus ‘covid-safe’… Retour sur la situation dans nos hôpitaux

Il n’est un secret pour personne que les conditions dans les hôpitaux sont déplorables. Ce n’est pas la première fois que ce sujet a été évoqué, mais il convient de soulever à nouveau cette problématique dans le sillage du décès de la petite Keira Esther et vu le contexte actuel de situation de crise sanitaire. Arvin Boolell, lui-même médecin, et Lormus Bundhoo, ancien ministre de la Santé, nous offrent leurs points de vue et indiquent les réformes qu’il faut apporter à un système de santé malade.

Un constat accablant

Un tour dans les hôpitaux permet de constater que le manque de propreté et d’entretien est un problème général. Les toilettes sales puent l’urine et elles sont jugées trop dangereuses à utiliser en raison des risques d’infections. L’aspect sanitaire ne semble nullement s’être amélioré depuis des lustres. Souvent des fois, les hôpitaux sont débordés et il n’y pas assez de place pour admettre les patients malades.

Pour le Dr. Arvin Boolell, les problèmes sont légions dans les hôpitaux mais il se focalise sur deux problèmes qu’il faudrait gérer à long terme : le manque d’effectifs dans les hôpitaux, et les équipements qui sont ‘outdated’.

Un décès qui est symptomatique de ce qui ne va pas dans nos hôpitaux

Il convient de revenir sur la mort de la petite Keira Esther, qui est survenu dans des circonstances troublantes. Pour beaucoup, ce décès tragique illustre bien tout ce qui ne va pas dans nos hôpitaux.

Pour rappel, ce bébé de 15 mois avait été admis à l’hôpital Dr. Jeetoo au début du mois, mais devait décéder le 8 septembre, tandis la cause de décès n’a pas encore été clairement établie. Testée négative à la covid-19, elle avait été admise avec sa mère qui elle avait été testée positive.

Du jamais vu dans les annales de la santé, deux certificats de décès avait été remis à la famille, qui crie à la négligence médicale. Notons qu’une enquête départementale du ministère de la Santé a été ouverte, en parallèle avec une enquête policière.

Pour Arvin Boolell, il est inadmissible que deux certificats de décès aient été remis à la famille Il préconise une formation approfondie pour éviter de tels impairs.

L’ancien ministre Lormus Bundhoo s’interroge sur le protocole établi, ainsi que les circonstances dans lesquelles l’enfant a été admis avec sa mère à l’hôpital, alors qu’il avait été testé négatif à la covid-19 et alors que la mère avait été testée positive. Lormus Bundhoo espère que les enquêtes initiées permettront de faire la lumière sur les circonstances du décès.

Négligences médicales : la tare de nos hôpitaux

Dans le sillage du décès de la petite Keira Esther, il convient d’aborder les négligences médicales.

Pour Lormus Bundhoo, les cas de négligences médicales au sein des hôpitaux, surtout quand des personnes ont perdu la vie, sont tout bonnement inacceptables.

Selon lui, afin de réduire les cas de négligence médicale, il faudra avoir une stratégie au niveau du service de santé publique pour minimiser et éviter les erreurs et autres négligences médicales.

Il faudrait conscientiser les membres des personnels soignant et non-soignant pour qu’ils considèrent les patients comme des membres de leur famille afin que ces derniers puissent bénéficier des soins appropriés. Il demande aussi à ce que les membres de ces personnels soient plus vigilants dans l’exercice de leurs fonctions

En ce qu’il concerne la formation des médecins, il faudra revoir le développement continuel des médecins. Ces derniers doivent pouvoir s’adapter à de nouveaux virus et à de nouvelles maladies pour un meilleur diagnostic des patients et pour appliquer un protocole médical approfondi.

Les mesures annoncées par le gouvernement en 2018

En 2018, juste avant les élections générales de 2019, le gouvernement avait annoncé plusieurs mesures dans son manifeste électoral pour revoir le système de santé publique et fournir à la population un service de qualité impeccable. Il avait été question d’un ‘Master Plan’ à cet effet. Quelques points de ce ‘Master Plan’ :

  • Le gouvernement voulait mettre en place un système de visite à domicile par des infirmiers spécialisés pour les patients qui ne pouvaient se déplacer.
  • Des glucomètres aux diabétiques seraient offerts gratuitement aux patients bénéficiant de ces visites à domicile.
  • Un ‘desk’ spécial aurait été aménagé dans les hôpitaux et les centres de santé à l’intention des personnes âgées et autrement capables. Ce ‘desk’ se serait aussi occupé des plaintes des malades et aurait fourni des informations aux proches des malades.
  • Le gouvernement voulait optimiser l’utilisation des salles d’opération en pratiquant des interventions chirurgicales durant la nuit.

Quand est-ce que ces mesures seront implémentées par le gouvernement ?

Ces réformes avaient été évoquées peu avant les élections générales de 2019, et le gouvernement avait ainsi promis qu’il apportera beaucoup de changements dans le secteur de la santé.

L’ancien ministre Lormus Bundhoo fait ressortir que toutes les propositions avancées par le gouvernement actuel avaient déjà été évoquées dans le passé. Il nous indique que lorsqu’il occupait le portefeuille de la Santé, il avait instauré certaines mesures pour pallier aux problèmes d’alors.

Toutefois, selon lui, aucun des projets annoncés par le présent gouvernement n’a été mis sur pied jusqu’á présent. « Rien n’est en train d’être fait pour améliorer les services de santé à Maurice », dénonce-t-il.

Quelles sont les réformes envisageables ?

Pour Arvin Boolell, on peut apporter des changements, mais le gouvernement doit venir avec des propositions concrètes. « Le gouvernement doit investir plus pour améliorer l’état de nos hôpitaux à Maurice », explique-t-il.

Ce n’est qu’à ce moment que les médecins pourront améliorer la qualité des soins prodigués aux patients dans les hôpitaux. Il plaide aussi pour une meilleure formation des médecins, qui est une condition essentielle pour de meilleurs soins dans les hôpitaux. Il préconise également un meilleur suivi des patients.

Il faudrait prêter une attention particulière aux maladies telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires et les autres maladies qui sont très prévalentes à Maurice.

Un problème urgent qu’il faudrait voir dès à présent : il n’y a pas assez de respirateurs pour venir en aide aux patients qui souffrent de problèmes respiratoires chroniques, tels que la bronchite.

Arvin Boolell propose à ce que le gouvernement vienne de l’avant avec des cartes biométriques et l’informatisation de tout le système relatif aux patients afin de faciliter la tâche des patients et des médecins. « Mais il faudra faire cela sans porter atteinte aux informations personnelles des patients », met-il en garde.

Lormus Bundhoo demande pour sa part de trouver une solution pour réduire le temps d’attente des patients dans les hôpitaux. Il préconise lui aussi l’informatisation des données des patients.

La gestion calamiteuse de la covid-19

Revenant sur la gestion de la pandémie de covid-19, Arvin Boolell se dit déçu par la prestation du gouvernement. Il nous indique qu’il a récemment visité l’hôpital ENT, qui a été converti en centre de traitement pour les patients positifs à la covid-19. Il dénonce le manque d’équipements nécessaires pour soigner les patients, y compris des respirateurs.

Il préconise un comité pour la gestion de la covid-19 à Maurice. « Le gouvernement a failli dans la gestion de la covid-19 », résume Arvin Boolell.                              

Selon Lormus Bundhoo, dans le sillage du décès de la petite Keira Esther, il faudrait établir  un protocole dans ce genre de situation. Il suggère que le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, met aussi sur pied un protocole afin d’autopsier les patients positifs à la covid-19 pour connaitre la cause exacte de leur décès.

En ce qui concerne le manque d’équipements, l’ancien ministre de la Santé devait dire que le gouvernement n’a toujours pas pu tirer d’enseignements depuis que la pandémie s’est déclarée voilà plus d’un an de cela. Il déplore en général de graves manquements au sein de ce gouvernement dans sa gestion de la covid-19. « Le ministère de la Santé et le gouvernement ont clairement failli », dénonce Lormus Bundhoo.