La pauvreté demeure un des plus grands défis de notre pays. Il est aujourd’hui malheureux de constater que des milliers de familles souffrent de la précarité et de la pauvreté, une situation qui a été aggravée avec la pandémie de covid-19. C’est une réalité blessante qui touche non seulement les adultes et les personnes âgées mais aussi les enfants. Cela alors que le gouvernement se concentre sur le développement infrastructurel, au détriment du développement à visage humain.
Nous sommes en 2022. Quel est le constat sur le plan socioéconomique ? Il semblerait que Maurice connait un développement à deux vitesses, avec le nombre de personnes laissées à leur compte qui augmente de plus en plus.
Maurice est entré de plein pied dans une ère où la technologie domine tout, que ce soit sur le plan informatique ou celui de la communication. Nous voyons de plus en plus l’émergence de ‘smart cities’. Mais d’un autre côté, il existe encore de milliers de personnes dans notre petite île paradisiaque qui doivent se contenter d’un seul repas par jour, et qui ne mangent ainsi pas à leur faim.
Selon le rapport Poverty Analysis de 2017, rendu public en 2020 par le gouvernement, 36 500 familles mauriciennes (soit 9,6 % du nombre total de familles), seraient dans une situation de pauvreté. Ce qui fait environ 131 300 personnes, (soit 10,4 % du nombre total de Mauriciens).
Le rapport se sert du ‘Relative Poverty’ comme ligne directrice. La ‘pauvreté relative’ est un niveau de pauvreté qui change, dépendant du contexte, notamment le climat économique. Les gens de cette catégorie ne peuvent s’offrir que les aménités de base, comme la nourriture. Ils ne peuvent même pas se permettre les activités des ‘average earners’.
Le rapport soutient que des ménages lourdement endettés consacrent environ 14 % de leurs maigres revenus au remboursement de leurs dettes.
Une aggravation de la pauvreté
Mais cela, c’était en 2017, soit cinq ans de cela. Un autre rapport devrait en principe être rédigé cette année-ci, soit après ces cinq ans. Mais en attendant ce nouveau rapport, force est de constater qu’il y a eu durant cette période, l’arrivée de la pandémie de covid-19, et le ralentissement de l’activité économique que cela a entrainé, sur le plan mondial.
Maurice n’a ainsi pas été épargné sur le plan économique et des secteurs entiers, dont le tourisme, ont été mis à genoux. Plusieurs compagnies ont mis la clef sous le paillasson, et beaucoup de personnes ont perdu leur emploi.
Dans ce contexte, le taux d’inflation s’est accentué tandis que la roupie mauricienne s’est drastiquement dépréciée. Ces aléas économiques ont eu des répercussions considérables sur bon nombre de familles mauriciennes.
Avec la dépréciation de la roupie, notre monnaie a perdu beaucoup de sa valeur en deux ans, face aux devises étrangères, notamment le dollar américain. Et vu que nous importons beaucoup de nos produits, payables généralement en dollars US, les prix de ces produits ont pris l’ascenseur. D’autre part, le taux d’inflation a déjà dépassé la barre des 10 %, ce qui contribue grandement à la hausse des prix.
Ainsi, depuis la pandémie de covid-19, les gens ne cessent de subir des augmentations des prix. Et rien n’indique que cette baisse du pouvoir d’achat est près de s’arrêter. Avec le coût de la vie, qui devient de plus en plus exorbitant, de plus en plus de personnes n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
Les plus impactés sont les Mauriciens de la classe moyenne et ceux qui étaient déjà sous le seuil de la pauvreté, car leurs revenus restent stagnants et ne connaissent aucune hausse.
Le dernier rapport de Statistics Mauritius sur la pauvreté fait ainsi état que les consommateurs dépensent actuellement plus sur les factures, que ce soit l’électricité ou l’eau, ou encore sur le gaz ménager, tandis que les dépenses sur la nourriture ont baissé.
Bref, il y a eu encore plus de familles qui ont franchi le ‘Relative Poverty Line’ (RPL), tandis que les pauvres existants sont devenus encore plus pauvres.
Un gouvernement incompétent et indifférent
Dans son manifeste électoral, peu avant les législatives de 2019, le gouvernement avait promis tant de mesures phares pour lutter contre la pauvreté dans le pays. Mais elles sont restées au stade de promesses.
Le gouvernement n’a fait que quelques tentatives timides depuis l’arrivée de la pandémie pour venir en aide aux plus défavorisés. Certes, il y a bien eu une tentative de contrôler le prix de certaines denrées, mais l’effet auprès de la population n’a pas été vraiment appréciable. Le gouvernement a aussi refusé de considérer la mise sur pied d’un système de ‘vouchers’ pour venir en aide aux plus démunis, malgré que cette mesure ait été préconisée par certains observateurs économiques avertis. Qui plus est, le gouvernement refuse de faire baisser le prix des carburants bien que ceux-ci ont connu une baisse considérable au niveau international. En outre, le gouvernement continue de plus belle avec le développement infrastructurel, notamment avec l’extension du Metro Express de Réduit vers Côte D’Or, un projet qui engloutira sans doute bien plus que les Rs 13 milliards prévus.
Les difficultés de sortir du ‘poverty trap’
Sunday Times a sillonné quelques poches de pauvreté du pays, où des personnes vivent toujours dans des conditions défavorisées, pour un constat des lieux. Ce qui saute aux yeux, c’est que de nombreuses familles luttent pour leur survie. Ici, il n’est pas question de rêver de projets d’avenir, voire même envisager de sortir du ‘poverty trap’.
Marylène, âgée de 54 ans, nous confie sa souffrance. Elle vit toujours dans les mêmes conditions depuis son enfance. Rien n’a changé pour elle.
En ce moment, elle travaille comme femme de ménage chez une famille et doit se contenter d’un salaire de Rs 6 000 à la fin de chaque mois. En payant les factures d’électricité et de l’eau, et après avoir remboursé ses dettes, il ne lui reste pratiquement rien.
Marylène a deux enfants qui fréquentent l’école et ce n’est qu’avec grande difficulté qu’elle peut les fournir en termes de matériel scolaire. « Je ne peux joindre les deux bouts avec cette somme. Li bine diffjcile pou viv ek ene largent parey. Lakaz la oci pe kasser et pe couler. Nou nepli koner ki pou fer », se plaint-elle. « On demande à ce que le gouvernement nous prenne en considération pour améliorer notre qualité de vie. »
Idem pour Sophia, mère de 4 enfants. « Vu mon salaire, qui en dessous du salaire minimum, on peut difficilement faire face à la cherté de la vie. Vu aussi que les prix des matériaux de construction sont en hausse, je ne peux même pas me permettre d’avoir une maison convenable pour mes enfants. La vie continue pour nous. On doit faire un compromis avec ce que nous avons. C’est triste que nous vivons toujours dans des conditions pareilles alors que le pays a connu le développement. Nous somme restés au point de départ », lâche-t-elle tristement.