Surpoids et obésité : Un phénomène encore inquiétant à Maurice

Malgré le fait qu’on a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises à Maurice en ce qui concerne le surpoids et l’obésité, il est malheureux de constater que le pays n’a connu aucun progrès significatif sur ce plan. Sont pointés de doigt : la culture du ‘street food’ à Maurice ainsi que le mode de vie sédentaire de nombreux Mauriciens. Un aspect assez méconnu de ces fléaux des temps modernes, que nous soulevons ici : le surpoids et l’obésité ont aussi des séquelles psychologiques qui peuvent être graves.

Tout d’abord, qu’est-ce que l’obésité ? Selon le site de l’Inserm (Institut de la santé et de la recherche médicale), l’obésité correspond à un excès de masse grasse et à une modification du tissu adipeux, entraînant des inconvénients pour la santé et pouvant réduire l’espérance de vie.

Quel est la différence entre surpoids et obésité ? Le surpoids est défini par un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 29.9 L’obésité est définie par un IMC égal ou supérieur à 30. La masse corporelle est une mesure du poids par rapport à la taille.

D’autres facteurs, comme le tour de taille, peuvent aider à détecter un excès de graisse dans l’abdomen. Par exemple, il y a obésité abdominale si le tour de taille est supérieur à 88 cm pour une femme et à 102 cm pour un homme.

Causes complexes

Les causes de l’obésité sont complexes. Il y en a plusieurs facteurs qui peuvent entraîner l’obésité chez une personne, qu’ils soient alimentaires, génétiques ou environnementaux.

Selon la nutritionniste Ourvashi Sungkoora, le manque d’activités physiques, la consommation excessive de produits gras et caloriques, la sédentarité et la prédisposition génétique sont les causes de l’obésité.

Selon elle, manger sainement et pratiquer de l’exercice sont les seuls moyens de combattre l’obésité mais elle est d’avis qu’il faut aussi dormir suffisamment, qu’il faut savoir gérer le stress et qu’il faut savoir maintenir une bonne flore intestinale.

De nombreuses maladies, dont le cancer, peuvent résulter de l’obésité

Il y a plusieurs complications qui sont imputables au surpoids et à l’obésité : le diabète de type 2 (44 % des cas sont imputables au surpoids et à l’obésité), les maladies cardiaques (23 %) et les cancers (entre 7 % et 41 %, selon les localisations). Ces complications entraînent le décès d’au moins 2,8 millions personnes à travers le monde chaque année. Ainsi, le surpoids et l’obésité sont reconnus comme la cinquième cause de mortalité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Outre les maladies mentionnées plus haut, la nutritionniste Ourvashi Sungkoora souligne que les personnes obèses ont aussi plus à risques de développer les accidents vasculaires cérébraux et l’hypertension artérielle.

Qui plus est, les femmes ont aussi plus de risques de développer certains types de cancer comme le cancer de l’utérus, des ovaires et du sein (après la ménopause). Les hommes présentent pour leur part plus de risques de développer un cancer de la prostate. Les deux sexes présentent plus de risques a développer le cancer du côlon et de la vésicule biliaire.

Chez l’enfant et l’adolescent, le surpoids et l’obésité peuvent également augmenter le risque de souffrir de problèmes respiratoires et de l’arthrose, selon notre interlocutrice.

Un aspect qui n’est souvent pas pris en compte quand il s’agit du surpoids et de l’obésité, c’est son impact psychologique. « Un surplus de poids et l’obésité peut nuire à la santé mentale », nous confirmeOurvashi Sungkoora. Par exemple, la personne en surpoids ou obèse peut avoir une faible estime de soi. Elle peut vivre dans l’anxiété, elle peut être isolée socialement, ou encore, elle peut être victime de discrimination et de moqueries, surtout parmi les enfants et les adolescents.Dans les cas extrêmes, les personnes obèses peuvent sombrer dans une dépression ou même avoir des gestes suicidaires.

L’obésité considérée comme une épidémie par l’OMS

À l’échelle mondiale, le nombre de personnes obèses a presque triplé depuis 1975. Selon l’OMS, 39 % des adultes âgés de 18 ans et plus étaient en surpoids en 2016 et 13 % étaient obèses.

La majeure partie de la population mondiale vit dans des pays où le surpoids et l’obésité sont parmi les causes principales de mortalité, mais ces fléaux des temps modernes augmentent désormais de façon rapide dans les pays à faible ou à moyen revenu, surtout en milieu urbain.

L’OMS considère ainsi que l’obésité constitue désormais une épidémie mondiale. Selon les prévisions, d’ici 2030, près de 40 % de la population mondiale sera en surpoids et une personne sur cinq, obèse. Notons que le 4 mars a été décrété Journée mondiale de l’obésité.

L’obésité étant un facteur à risque important pour diverses pathologies, sa prévalence croissante constitue un problème de santé majeur dans le monde entier, notamment dans la majorité des pays industrialisés.

Aucun progrès constaté à Maurice

Quand on mentionne Maurice, l’une des premières choses qui vient à l’esprit est la ‘street food’, disponible dans chaque coin de rue. Roti ou farata, ‘dholl puri’, boulettes, ‘gato pima’, mine bouillie, mine frite, riz frit, biryani… Les plats mauriciens entrainant les excès de poids allant jusqu’à l’obésité ne manquent pas.

Nous remarquons à travers différentes annonces publicitaires qu’il faut manger au moins cinq et fruits légumes par jour, et pratiquer au moins 30 minutes d’exercice physique par jour. Mais est-ce que c’est le cas à Maurice ? Selon le Global Nutrition Report, Maurice n’a montré aucun progrès en ce qui concerne la réduction de l’obésité, avec environ 15,7 % de femmes adultes (âgées de 18 ans et plus) et 5,6 % d’hommes adultes vivant avec l’obésité.

Le régime alimentaire à adopter

Il est recommandé, selon la nutritionniste Ourvashi Sungkoora, de réduire la consommation de produits à forte densité énergétique (qui contiennent beaucoup de calories dans un gramme d’aliment), au profit d’aliments à faible densité énergétique.

Sans surprise, elle confirme que la ‘street food’ et la ‘fast food’ contribuent à l’obésité et au surpoids. Pour commencer, ne consommez la ‘fast food’ qu’occasionnellement. En outre, il faut être sélectif quand vous avez consommez la du ‘fast food’. Par exemple, il faut privilégier les burgers grillés au lieu de ceux frits dans l’huile. Réduisez les sauces, et autres ‘add on cheese’. Évitez de combiner les boissons gazeuses et les frites avec votre ‘fast food’. Consommez les mini viennoiseries au lieu des pâtisseries régulières. Privilégiez le pain fourré avec du poulet, du poisson ou du ‘curry veg’ ou même le ‘dholl puri’, autant d’aliments qui sont moins calorifiques que les pizzas, les burgers et les frites.

Cette dernière conseille aussi d’éviter les aliments à grignoter trop riches en graisses, tels que les barres au chocolat ou les viennoiseries et de privilégier les petits gâteaux locaux, comme les ‘poudines’, ‘gramme’ bouilli,  pistache bouilli ou maïs bouilli,  manioc avec du chutney, les crêpes salées ou douces, les noix et les fruits secs. 

Entre les repas, préférez des denrées plus légères, tels que le yaourt, les fruits, les petits légumes à croquer ou les crackers sans matières grasses. Les tisanes et le thé vert sont aussi recommandés.

 « Avoir une alimentation diversifiée et équilibrée peut limiter la consommation de graisses saturées et limiter la consommation de sucre. Consommez le bon gras en forme de gras insaturé et polyinsaturé, comme l’oméga-3, présent dans l’huile d’olives, les avocats, les poissons gras, les noix et les grains », fait-elle ressortir.

Elle ajoute qu’il faut pratiquer une activité sportive régulière : 30 minutes de sport par jour permettent de réduire les risques de maladies cardiovasculaires et de diabète. Selon Ourvashi Sungkoora, une pratique sportive plus intense peut être nécessaire en cas d’obésité.

Les enfants et l’obésité

En ce qui concerne les enfants, il faut maintenir dès le début un poids approprié à l’âge. Il ne faut pas penser que c’est bien si l’enfant est grassouillet et mignon et qu’il a le droit de manger des gâteaux.

Il faut ainsi contrôler les aliments caloriques à un âge jeune et privilégier les produits laitiers et les céréales complètes. Ce qu’il faut éviter : les fritures, les boissons gazeuses, les céréales à base de farine raffinée, les biscuits avec de la crème, les pâtisseries, trop de ‘fast foods’, les aliments hautement transformés, les produits gras, les viandes grasses, le beurre et le fromage en grande quantité et les plats industriels.

La nutritionniste Sungkoora indique qu’il faut identifier la prise de poids dès le début, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant. « Il ne faut pas attendre que l’on devienne obèse pour commencer à perdre du poids », dit-elle.

L’aspect psychologique

Pour Nabiilah Fakira, ‘Mental Health Coach’, partout sur les réseaux sociaux, nous voyons que les personnes minces sont considérées comme plus désirables et attrayantes socialement. Selon elle, cela fait croire aux personnes en surpoids ou potelées qu’elles ne sont pas socialement désirables. Or, cela influence sur leur estime de soi. À ce moment, elles commenceront à se considérer inadéquates.

Cela peut conduire à un sentiment d’infériorité, qui peut provoquer l’anxiété, la dépression ou un trouble de l’alimentation. Ces maux ont divers effets néfastes sur la santé globale de la personne en surpoids ou obèse et la prédisposent souvent à des problèmes de santé graves tels que les maladies cardiovasculaires, le diabète et la malnutrition, selon notre interlocutrice.

Cette dernière croit que nous avons tous notre rôle à jouer. Nous avons tendance à juger et à critiquer, trop facilement, sans vraiment penser à l’impact que cela a sur l’autre personne. Elle explique que nous devons comprendre que les gens sont différents les uns des autres, que leur système métabolique est différent et que donc, nous ne pouvons pas juger quelqu’un parce que nous ne connaissons pas la vraie raison de son obésité.

 « Beaucoup considèrent les personnes obèses comme moins attirantes, ou encore, diront que ces personnes sont inconscientes de leur santé, ou bien sont paresseuses, etc. Or, ce sont des croyances stéréotypées. Nous ne connaissons pas la vraie histoire de la personne ou ses antécédents médicaux, donc nous ne pouvons pas juger. Ces jugements ont un impact négatif énorme sur la santé mentale d’une personne obèse car elle remet en question son estime de soi, son existence même, ce qui conduit à une réflexion excessive et à des troubles tels que la dépression et l’anxiété », explique-t-elle.

Généralement, ces personnes ont des pensées négatives, une réflexion excessive, une mauvaise estime de soi et s’engagent dans une alimentation induite par le stress.

Nabiilah Fakira est d’opinion qu’elles ont besoin d’un soutien professionnel pour les aider à changer leurs croyances sur elles-mêmes, pour les aider à se déconnecter des jugements des autres et pour les aider à reconstruire leur estime de soi qui dans l’ensemble, contribuera à améliorer leur santé mentale.

Zot dir mwa “to gros”

Rukayya (prénom fictif), âgée d’une trentaine d’années, a toujours subi des critiques sur son apparence physique, surtout en ce qui concerne son poids. Elle est petite de taille mais grosse.

Elle a ainsi subi pas mal des remarques désobligeantes, surtout de la part de ses proches. « Zot dir mwa to gros, fer impe régime, sinon to pa pu gagn garçon pu marier », nous lance notre interlocutrice. Au début, ces remarques la perturbaient beaucoup, surtout que cela venait des personnes de sa propre famille.

Mais au fur et à mesure, elle a pu comprendre qu’elle doit s’aimer comme elle est. « Mo manger pour faire moi plaisir, pas pour les autres », nous dit-elle. Cette dernière est déjà mariée et est aussi la mère de deux enfants.