Hier le dimanche 10 octobre, nous avons célébré la journée mondiale de la santé mentale. La santé mentale est un aspect fondamental de notre vie quotidienne, mais la plupart des personnes ne pensent même pas à cela. Il convient de faire encore une fois le tour de la question. À Maurice, deux problématiques de la santé mentale doivent être mis à l’avant-plan. Ainsi, premièrement, force est de constater que malgré les multiples campagnes de sensibilisation dans notre pays, ceux souffrant de troubles mentaux sont toujours sujets à une stigmatisation sociale. Deuxièmement, il est urgent de revoir tout le système de soutien psychologique accordé aux enfants.

La Journée mondiale de la santé mentale a été célébrée pour la première fois en 1992, à l’initiative de la Fédération mondiale pour la santé mentale, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette année, cette Journéesera observée sous le thème « Mental Health in an Unequal World », comme annoncé par la présidente de la Fédération mondiale pour la santé mentale, la Dr. Ingrid Daniels.

Selon la définition officielle de l’OMS « La santé mentale est un état de bien-être dans lequel un individu prend conscience de ses propres capacités, peut faire face au stress normal de la vie, peut travailler de manière productive et est capable d’apporter une contribution à sa communauté. »

Toutefois, une personne sur cinq éprouve ou a éprouvé un problème mental dans le monde.Toujours selon l’OMS, 300 millions de personnes dans le monde sont victimes de  dépression, dont 800 000 mettent fin à leur vie chaque année.

Selon les chiffres de Statistics Mauritius de 2019, le nombre de personnes dépressives à Maurice qui ont nécessité un traitement à l’hôpital Brown-Séquard est passé de 174 en 2010 à 413 en 2015, soit une augmentation de 237,3 %. Cela peut indiquer qu’il peut y avoir une aggravation du problème à Maurice.

Nous avons tendance à négliger notre santé mentale

La santé mentale peut affecter une personne dans sa vie quotidienne, ses relations et sa santé physique. Prendre soin de la santé mentale peut préserver la capacité d’une personne à profiter de la vie. Cependant, beaucoup de personnes négligent cet aspect de leur santé. Or, les problèmes mentaux peuvent souvent amener des personnes qui en sont atteintes à des tentatives de suicide.

Pour le psychologue Sarvesh Dussoye, la santé mentale est le côté complémentaire de la santé physique. « La santé mentale est comment nous nous sentons, aux côtés de nos émotions. C’est le côté invisible de notre santé. C’est que nous ressentons et qu’on ne voit pas. Les gens ont tendance à prendre en considération ce qu’ils voient. Ils négligent ainsi leur santé mentale,ne la voyant pas. Quand quelqu’un n’a pas vu quelque chose, il dira que c’est faux ou cela n’existe pas », explique-t-il.

L’interlocuteur affirme que la meilleure façon de combattre les troubles mentaux, c’est de mieux se comprendre. Si chaque personne comprenait ses émotions et ses pensées, elle pourrait améliorer son équilibre et son état mental.

Anwar Maderbocus, psychologue, nous explique pour sa part que sans la santé mentale, il n’y pas de santé physique. La santé mentale nous aide à avoir une stabilité dans la vie et nous indique comment la gérer.

Chez le psy

Le psychologue, qui compte 30 ans de carrière, aborde avec nous les personnes qu’il reçoit dans son cabinet. « Pendant ces 30 ans, j’ai vu toutes sortes de personnes, qu’elles soient anxieuses, bipolaires ou dépressives, entre autres. Mais l’anxiété et la dépression sont bien plus communes que d’autres troubles mentaux », nous dit-il.

Voit-il une différence entre les hommes et les femmes en ce qu’il s’agit de troubles mentaux ? Les femmes sont bien plus enclines à parler de leurs troubles mentaux. Elles sont plus courageuses que les hommes sur ce plan, nous dit-il.Toujours selon lui, ce sont les jeunes filles qui viennent le plus souvent de l’avant pour parler de leurs troubles mentaux. Elles ont plus de courage pour aborder ces problèmes.

À noter aussi que les troubles mentaux n’ont rien à voir avec l’âge, car ils sont plus basés sur l’environnement et les personnes que nous fréquentons.

Maurice devrait accorder une attention particulière aux enfants

Il y a de multiples causes qui peuvent amener une personne à développer des troubles mentaux, mais bon nombre parmi ces causes peut être présente dès l’enfance.

À la maison, s’il y a un manque de stabilité dans le cocon familial, entre les membres d’une famille, cela pourrait avoir des effets psychologiques néfastes sur l’enfant.

À l’école, les enfants sont souvent très sensibles au rejet et à l’échec. Les cas de ‘bullying’, voire même le comportement des professeurs envers les élèves, peuvent aussi mener à des effets psychologiques pervers.Les enfants peuvent facilement développer de l’angoisse, un manque d’intérêt envers les amis ou leurs activités habituelles, et vont éprouver du mal à nouer des relations avec les autres, nous indique le psychologue Anwar Maderbocus. Les adolescents envoient presque les mêmes signaux.

« Il y a plusieurs enfants qui ne sont pas traités de nos jours car beaucoup de nos professionnels n’ont pas la formation nécessaire », dénonce Anwar Maderbocus. Or, cela peut amener à plusieurs complications à l’âge adulte.

Il était allé à une école pour une causerie, et à sa surprise, une dizaine d’élèves sont venus vers lui pour lui dire qu’ils souffraient de certains problèmes au sein de leurs familles. « Combien d’enfants y a-t-il  dans cette situation dans les autres établissements? », s’interroge-t-il.

La stigmatisation des troubles mentaux est bien présente à Maurice

Il peut sembler inutile de dire qu’il ne faut pas stigmatiser les personnes souffrant de maladies mentales. Et pourtant… « Le tabou contre les troubles mentaux est bien présent dans la société mauricienne actuelle et beaucoup de travail de sensibilisation doit être entrepris », constate Anwar Maderbocus.

À Maurice, la stigmatisation commence dès que quelqu’un va se faire examiner à l’hôpital psychiatrique de Brown-Séquard. Maintenant, chaque hôpital régional comprend un département psychiatrique, dans le but de réduire la stigmatisation associée à l’hôpital Brown-Séquard. Toutefois, pour les cas nécessitant des soins prolongés, les patients sont toujours envoyés à l’hôpital Brown-Séquard.

Qu’est-ce qui explique cette stigmatisation ? Il y a premièrement la peur de l’inconnu. Les gens ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas. D’où l’importance de bien sensibiliser les gens sur tout ce qui a trait aux troubles mentaux. Il y aussi certaines croyances bien enracinées à l’effet que les personnes atteintes de troubles psychiatriques sont violentes alors qu’en réalité, ce sont elles qui  sont le plus souvent  victimes de violence. Il y a aussi des superstitions, à l’effet que la personne mentalement malade peut être possédée par une force inconnue et malveillante.

Cette stigmatisation ne date pas d’hier. Elle existe dans tous les pays du monde, quoique les pays développés aient fait d’immenses progrès dans le traitement, et l’acceptation, des maladies mentales. Hélas, de nombreux autres pays sont encore à la traine.

« Il faudrait que les gens cessent de porter de jugements ou coller des étiquettes sur les personnes atteintes de troubles mentaux.  Il faudrait des campagnes de sensibilisation plus poussées. Il est de notre devoir d’avoir une approche plus humaine envers ceux qui souffrent de problèmes mentaux », nous explique le psychologue. « Il est chagrinant que dans notre société aujourd’hui, il existe des personnes qui préfèrent souffrir seules au lieu de demander de l’aide, avec la frayeur d’être jugées. La stigmatisation est toujours là. »

À Maurice, dès l’enfance, nous avons l’habitude d’appeler des personnes ‘fou’ ‘folle’,‘pagla’, ‘pagli’, ou encore d’utiliser des expressions comme ‘to bisin al mental’. « La sensibilisation doit commencer dès l’école primaire  sinon ce tabou perdurera de génération en génération », avertitAnwar Maderbocus.

On devrait commencer à éduquer les enfants âgés entre huit et dix ans sur l’emotional intelligence. Nous devrons leur montrer que dès cette âge, il n’y rien qui soit mauvais, et qu’on doit les  mettre à l’aise pour parler avec quelqu’un, explique-t-il.

Le calvier de ceux soffrant de troubles mentaux

  • Zaheena, une mère de famille de quatre enfants, a connu la dépression, l’anxiété et le stress, un calvaire auquel elle a dû faire face seule. Pour elle, c’est l’une des pires choses qu’elle a vécue. Elle nous raconte cet épisode de sa vie avec les yeux remplis de larmes. « J’ai dû travailler pour pouvoir nourrir ma famille après que mon mari avait été victime d’un accident et avait dû être hospitalisé pendant plus de quatre ans. Le stress pendant cette période était difficile à mettre en mots. Il m’a affecté physiquement et mentalement. Mes cheveux commençaient à tomber suite au stress. J’avais aussi perdu du poids ». Heureusement, elle a pu remonter la pente depuis.
  • Aftaab, un ancien étudiant, nous explique qu’il voyait ses parents se disputer presque tous les jours et que cela l’affectait psychologiquement. « Ils se disputaient presque tous les jours. Au début, je pensais que cela était normal dans la vie du couple, mais au fur et à mesure, cela commençait à devenir insupportable pour moi. J’avais même échoué à mes examens », nous dit-il.
  • Zaynab, femme au foyer, avait dû abandonner ses études, ce qui a provoqué chez elle une dépression. « Après avoir abandonné mes études, j’avais fait une dépression. Cela m’avait tellement troublée que j’avais perdu tout espoir, et je ne comprenais pas la signification de la vie. J’avais l’impression d’être une  perdante car j’ai perdu le seul but de ma vie. Plus que tout, je me sentais trahie. J’avais cessé de prendre soins de ma santé et même de mon corps. » Elle a pu surmonter cela en trouvant une activité qu’elle aime faire, notamment le maquillage, et elle est devenue une ‘make-up artist ‘.
  • Nazra, élève d’un établissement secondaire, nous explique qu’elle était intimidée par d’autres élèves. « J’appartiens à une famille modeste et pieuse, c’est normal que je m’habille très respectueusement et que je respecte mes enseignants. Je faisais tous mes devoirs », selon elle. Suite à  de multiples brimades qu’elle était forcée d’endurer, elle devait développer une profonde anxiété et devait tomber dans la dépression. Nazra avait même dû quitter cet établissement pour étudier à l’extérieur, et avait dû lutter contre la dépression pendant deux ans.

Comment combattre les troubles mentaux ?

Premièrement, il faut savoir reconnaitre les symptômes associés aux troubles mentaux. Une personne qui souffre de ces problèmes aura tendance à s’isoler et à garder une certaine distance. Les personnes qui souffrent des maladies mentales, doivent être entourées  des personnes positives et encourageantes.

Si vous souffrez d’un trouble mental tel que la dépression, vous devez commencer à vous valoriser vous-même. Il faudrait casser la monotonie, par exemple, en vous trouvant un passe-temps ou en effectuant des marches dans des parcs publics ou des sorties entre amis. Il faudrait aussi reposer votre esprit. Détachez-vous de vos problèmes. Faites des exercices relaxants comme le yoga. Cela aidera certainement à améliorer votre état d’esprit et peut même changer votre vision sur la vie. Consommez aussi sainement.

Par ailleurs, la chose la plus importante pour une personne qui souffre de troubles nerveux est de parler avec quelqu’un afin de trouver une solution. Cela peut être un psychologue ou même un proche. Il faudrait que les personnes souffrantes de ces troubles sachent que demander de l’aide est un signe de force. Il est grand temps de briser ou réduire la stigmatisation sur la santé mentale, par l’interaction.

En cette Journée mondiale de la santé mentale, soyez une personne à l’avant-garde pour aider ceux qui en soffrent à briser la stigmatisation et le tabou.

Wazifa Furrea