Les aboyeurs du gouvernement qui critiquaient l’affaire des coffres-forts matin, midi et soir doivent revoir leur copie. Les Rs 220 millions retrouvées chez Navin Ramgoolam, représentant des dons du PTr, font pâle figure à côté de l’affaire Angus Road. Le leader du PTr avait fait l’objet d’une vendetta politique acharnée après les élections de 2014 et cela a été prouvée quand toutes les charges, incluant celles de blanchiment d’argent, logées contre lui ont été rayées en cour. Par contre, l’affaire Angus Road démontre clairement comment un leader politique semble avoir utilisé sa position, son influence et ses connexions à fond pour acquérir des propriétés en son nom et celui de ses enfants à Angus Road, Vacoas. Une affaire qui pue la corruption, selon les nouvelles révélations de notre confrère l’Express et le politicien Roshi Bhadain.
Ce qui est plus grave, c’est que ces allégations visent directement un Premier ministre qui est en fonction. Du jamais vu à Maurice ! Alors que les anguilles se multiplient sous les roches à Angus Road, Pravind Jugnauth se mure toujours dans un silence assourdissant. Pourquoi lui est-il si difficile de s’expliquer s’il n’a rien à se reprocher ? Sa démarche trahit cependant une certaine nervosité, surtout quand il a fait servir une mise en demeure à l’Express quelques heures avant la publication de sa vidéo vendredi. Pourquoi intimider et menacer au lieu d’éclairer et d’éclaircir ? Quel intérêt a-t-il de maintenir le flou autour de cette sombre affaire ? Ne réalise-t-il pas qu’en ce faisant, il risque non seulement d’ajouter de l’eau au moulin de l’opposition et de ses opposants, mais aussi de voir s’effriter les 28% de votants qui l’ont soutenu aux dernières élections ?
Mais disons que Pravind Jugnauth devrait maintenant être plus ou moins apprivoisé aux accusations, ayant déjà été inculpé pour conflit d’intérêts dans l’affaire Medpoint en 2011. Cette affaire avait d’ailleurs poussé le MSM à quitter le gouvernement dirigé par Navin Ramgoolam, après que celui-ci avait exigé que la ministre de la Santé d’alors, Maya Hanoomanjee, démissionne suivant son inculpation dans cette même affaire. Le fils Jugnauth avait été jugé coupable par la cour intermédiaire en juin 2015, le contraignant alors de démissionner comme ministre de la Technologie. Il devait toutefois effectuer son come-back à l’hôtel du gouvernement en tant que ministre des Finances un an plus tard, soit en 2016, après avoir été acquitté par la Cour suprême et éventuellement par le Privy Council en 2019 alors qu’il avait déjà accédé au poste de Premier ministre.
La carrière politique et ministérielle de Pravind Jugnauth, osons le dire, a été minée par des poursuites légales. Il y a aussi eu le ‘Serenity Gate’ révélé durant la dernière campagne électorale où le Premier ministre est accusé d’avoir pris des mesures budgétaires pour favoriser son beau-frère Sanjiv Ramdanee. Cette affaire fait aussi l’objet d’une enquête de l’ICAC et est toujours en cours, selon un communiqué émis par la commission anti-corruption le 19 juin 2020. Ce communiqué ne fait, par contre, aucune mention de l’affaire Angus Road, dont la première déposition y avait été consignée en 2011, après l’éclatement de l’affaire Medpoint. Pourtant, le Premier ministre a bel et bien affirmé, dans une lettre adressée au leader de l’Opposition Arvin Boolell récemment, que « as regards the alleged payment effected overseas in relation to the acquisition by me of property in Mauritius, as you have mentioned in your letter, I welcome the enquiry initiated by ICAC into the matter ».
L’ICAC a-t-elle donc ouvert une nouvelle enquête sur l’affaire Angus Road ? Si oui, quelle a été la conclusion de la dernière investigation ouverte en 2011 ? Ou si c’est toujours la même enquête qui est en cours, pourquoi ne figurait-elle pas parmi les « high profile cases » sur lesquels l’ICAC disait toujours enquêter ? Mais par-dessus tout, doit-on croire que l’ICAC, sous le règne du MSM, osera aller jusqu’au bout dans une enquête contre le Premier ministre ? Gageons qu’on ne verra pas la lumière au bout du tunnel d’Angus Road tant que ce gouvernement est au pouvoir. À moins qu’un miracle ne survienne…