Les travaux du Metro Express avancent à grandes enjambées, et une partie du marché de Vacoas sera démolie pour lui faire de la place. Les maraîchers du marché seront relocalisés temporairement, relocalisation qui coûtera la bagatelle de… Rs 50 millions. Une somme exorbitante, alors même que les autorités maintiennent un silence assourdissant auprès des marchands.

Les travaux du Metro Express ont repris, peu après la levée du confinement. Le réseau ferroviaire s’étendra ainsi jusqu’à Curepipe, en passant par Vacoas.

Or, ces travaux à Vacoas auront pour conséquence que les marchands du marché de Vacoas seront relogés, et cela provisoirement selon les autorités municipales et le gouvernement. Il faut savoir que le marché de Vacoas est le plus grand de l’île, avec 1 300 marchands.

Selon le maire de Vacoas/ Phoenix, Praveen Kumar Ramburn, les marchands seront relocalisés derrière l’actuel marché, non loin de la caserne de la Special Mobile Force (SMF). Le terrain choisi pour reloger les marchands est légèrement plus grand que le présent marché, avec une superficie de 2.5 arpents, contre 1.8 arpents.

Relogement qui n’est pas prévu pour tout de suite, essaie de rassurer le maire. Selon lui, le plan de relogement est toujours à l’état d’ébauche et plusieurs séances de travail sont prévues avec les ministères et d’autres autorités concernées avant qu’une décision finale ne soit prise.

Mais pas plus tard que la semaine dernière, Kushal Lobine, député du PMSD, avait posé une question au Parlement sur ce relogement. Il voulait connaître la date du début des travaux, et voulait savoir si les maraîchers ont été informés.

Le vice-Premier ministre Anwar Husnoo, dans sa réponse, devait esquiver l’essentiel de la question, mais on a pu retenir qu’il s’agissait là d’un relogement provisoire, et qui coûtera la bagatelle de… Rs 50 millions.

Kushal Lobine, PMSD

lobine-kushal« Les versions du ministre et du maire ne collent pas »

Kushal Lobine, député du PMSD de la circonscription no 15, nous explique d’emblée que la réponse fournie par le vice-Premier ministre, Anwar Husnoo, à l’Assemblée nationale, n’a pas fourni les éclaircissements qu’il souhaitait. En outre, il y a eu plusieurs contradictions entre la déclaration du VPM Husnoo et celle du maire de Vacoas/Phoenix, Praveen Ramburn.

Mais pour le député bleu, le vrai problème se situe ailleurs. Il nous indique que pas plus tard que ce vendredi 31 juillet, il a fait un constat auprès des forains du marché de Vacoas. Ces derniers devaient lui expliquer que personne, que ce soit de la municipalité ou du ministère concerné, n’est venu de l’avant pour leur expliquer le plan de relogement. Du coup, cela a provoqué une vive inquiétude chez ces derniers, car c’est leur gagne-pain qui est en jeu.

Selon les informations qu’il a reçues jusqu’à l’heure, ce n’est pas tout le marché qui va être démoli mais uniquement l’entrée principale de la foire. De ce fait, cela aura un impact sur les maraîchers, ainsi que les personnes qui fréquentent la foire, car tout cela va causer du bruit, de la poussière et d’autres inconvénients.

Selon Kushal Lobine, il est nécessaire d’avoir des précisions sur les facilités qui seront mises à la disposition des maraîchers et de leurs clients, lors du relogement, comme les aires de stationnement. Car le marché actuel offre plusieurs facilités. Ainsi, la gare d’autobus est à deux pas de la foire, ce qui constitue un avantage majeur pour tous ceux qui viennent pour faire des achats.

Hors-texte

« Pourquoi pas un relogement permanent, avec toutes les facilités ? »

Kushal Lobine propose, à la place d’un relogement temporaire, un relogement permanent, surtout qu’il s’agit d’un terrain de l’État, et qui est plus grand que celui utilisé actuellement,

« Il faudrait un projet intégral, où c’est la ville de Vacoas/Phoenix qui en sortira gagnante. Il faut refaire le marché de façon plus agréable, plus spacieux, avec plus d’hygiène, et avec une aire de stationnement plus pratique. Si un projet de ce genre coûte plus de Rs 50 million, cela en vaudra la peine, tandis qu’une telle somme pour un relogement temporaire pose problème. Il faut aussi prendre en considération l’aspect sécuritaire quand le Metro Express sera opérationnel à Vacoas », nous explique-t-il.

Stéphanie Anquetil, PTr

« Estomaquée par cette somme »

anquetilStéphanie Anquetil, députée travailliste de la circonscription no 16, Vacoas/Floréal, estime que pour une relocalisation temporaire, la somme de Rs 50 millions est vraiment effrayante. « Je suis estomaquée par la somme annoncée », nous dit-elle sans ambages. Elle prend note que si c’est un relogement temporaire, il y aura forcément des structures modulables, qui pourraient être facilement retirées après la construction des voies du Metro Express, et on ne voit pas bien comment cela a pu atteindre la somme faramineuse de Rs 50 millions.

Selon elle, dans la réponse déposée par Anwar Husnoo, il y a beaucoup de précisions qui manquent. Est-ce un terrain qui sera loué ? Quel sera le ‘layout’ du marché temporaire ? Autant de questions sans réponses, selon la députée. « Le marché de Vacoas englobe 1300 maraichers, est-ce que le relogement concerne les 1 300 ou pas ? », se demande-t-elle.

Sanjay Jhoboo, marchand

« Le silence des autorités provoque l’inquiétude »

Sanjay Jhoboo compte plus de 20 ans comme marchand forain, et il a passé une bonne partie de ces années au marché de Vacoas. Lui aussi voudrait avoir plus de détails sur ce relogement.

En effectuant le paiement pour son étal, il s’est renseigné auprès des officiers municipaux, mais ces derniers lui ont affirmé qu’il ne savaient rien pour l’heure, et personne des autorités concernées n’est venu de l’avant pour leur fournir plus d’informations. Sanjay Jhoboo explique que normalement les autorités affichent des avis pour les informer de quoi que ce soit, mais pas cette fois-ci.

Sur le plan du travail, il estime que ce changement aura un impact sur la vente. Déjà, avec la covid-19, il y a eu une baisse dans les ventes et dans le nombre de clients. Il y des « ti-bazar » dans plusieurs coins des rues de nos jours, et les supermarchés vendent eux-aussi des légumes.

« Maintenant, avec le relogement du marché de Vacoas, avec la pollution occasionnée par la construction, avec les problèmes de circulation et de parking, les consommateurs préféreront voir ailleurs », nous explique-t-il. « Que la vente se fasse ou pas, on doit continuer de payer notre étal. Qui plus est, ils sont coûteux », lâche-t-il.

En ce qui concerne le montant de Rs 50 millions, il dit que c’est une somme exagérée pour un projet temporaire, mais s’il s’agissait d’un projet permanent, le prix serait compréhensible.

Madan, vendeur et planteur de légumes

« Nous sommes dans le flou »

Madan, vendeur et planteur de légumes, dit qu’il est dans le flou depuis qu’il a appris que le marché de Vacoas serait relogé. Il explique que lui et les autres marchands n’ont reçu aucune information auprès de la municipalité de Vacoas-Phoenix concernant ce relogement.

Madan exprime ses vives craintes à l’effet qu’il sera au chômage forcé pendant quelque temps si le relogement ne se passe pas comme prévu.

Iqbal, habitant de Vacoas

« Nou kontan nou bazar Vacoas kuma li été »

Nous nous sommes tournés vers Iqbal, un pensionnaire habitant Vacoas depuis sa naissance, pour avoir une idée du point de vue des habitants de cette ville sur le relogement du marché de Vacoas.

Iqbal explique qu’il y aura définitivement un problème au niveau du trafic routier, et prévoit de grands embouteillages, car il n’y pas d’aire de stationnement pour les véhicules. Il dit craindre pour la sécurité des piétons, car les risques d’accidents augmenteront indubitablement. Il avance que le niveau de pollution augmentera grandement, ce qui affectera l’environnement.

Il s’interroge s’il y aura l’abattage des arbres devant le ‘Bazar Vacoas’. Il nous dit avec mélancolie, « Nou kontant nou bazar Vacoas kuma li été. »

Neevedita Nundowah
Asraf Aullymun