Aurélie Catherine, 28 ans, artiste peintre : « L’art au service de la femme »

Elle fait de l’art son métier et son gagne-pain. Aurélie Catherine, une jeune artiste peintre de 28 ans, habitant Trou D’Eau Douce, nous révèle sa passion pour l’art, et nous explique comment il est difficile pour une femme artiste de jongler avec ses responsabilités professionnelles et familiales. Le projet qui lui tient à cœur : la mise sur pied d’un atelier pour aider à l’épanouissement des femmes artistes.

Aurélie Catherine est mariée et elle est la mère d’une fillette de 4 ans. À 28 ans, elle compte plusieurs tableaux parmi ses œuvres. Elle a mis sur pied une entreprise, Art Mo Lamain, pour pouvoir écouler ses tableaux et d’autres produits artistiques.

Après le collège, elle avait rejoint le Fashion and Design Institute (FDI), où elle avait décroché un diplôme en ‘Art & Design’. Douée pour l’art, elle a voulu que cela devienne son métier. Toutefois, les critiques ont plu sur son choix de carrière, ce qui était extrêmement démotivant pour elle. « Beaucoup de personnes me décourageaient en me disant que l’art n’était qu’un métier à temps partiel ou un passe-temps », se rappelle-t-elle.

Néanmoins, ses parents l’ont toujours soutenue dans ses décisions. Cet encadrement familial lui a permis d’aller de l’avant.

Être mère de famille et artiste en même temps n’est pas chose aisée, car elle doit s’occuper de sa petite fille, et en même temps elle doit trouver du temps pour réaliser ses œuvres. Dans ces conditions, il a été aussi difficile pour elle d’ouvrir sa propre entreprise. Pour elle, la société considère comme normal que les femmes trouvent du temps pour s’occuper de leur famille et pour assumer leurs responsabilités professionnelles. « C’est difficile pour la femme d’avancer dans ces conditions », affirme-t-elle.

Ainsi, dans un premier temps, cela n’a pas été facile de gérer son emploi du temps. Un travail qui devait se terminer en trois heures se faisait en six heures. « Je devais aller dormir très tard quand je recevais beaucoup de commandes », lance-t-elle.En dépit de cela, elle devait se réveiller très tôt le matin pour s’occuper de sa fille.

Le financement a aussi été un obstacle majeur pour elle, que ce soit pour élever son enfant ou pour développer son entreprise. « Avec ce genre de problème, une personne n’est pas vraiment libre de faire son travail comme elle entend le faire », nous dit-elle.

Un certain manque de confiance en soi demeure une de ses faiblesses mais elle essaye d’avoir un peu plus d’assurance. Elle a aussi peur des critiques. Des fois, elle n’a pas envie de montrer ses œuvres car elle a peur des critiques que les autres femmes pourraient lui lancer.

« Ma force, c’est surtout mon talent », avance-t-elle. « Je me sens dans ma peau quand je peins mes tableaux ou quand j’exécute les commandes de mes clients. Ce qui me donne plus de force, c’est l’œuvre réalisée, qui me donne le courage de faire mieux. Je suis une personne polyvalente et je ne me laisse pas abattre par une quelconque situation », nous dit-elle.

Mais tous ces sacrifices en valaient la peine. « En me lançant dans ce projet, j’ai vu que je me suis extirpée des problèmes auxquels je faisais face auparavant », nous dit-elle.

Un atelier d’art pour aider les femmes à s’émanciper

Lorsqu’elle a dévoilé ses œuvres sur les réseaux sociaux, elle a reçu plusieurs commandes de personnes qui étaient intéressées par ses œuvres, ou à partir d’autres femmes qui, comme elle, voulaient devenir artistes. « Plusieurs femmes voulaient apprendre de moi », soutient-elle.Pour Aurélie, si les femmes sont solidaires entre elles, elles vont certainement aller plus loin dans leurs vies.

Le projet qui lui tient à cœur : créer un atelier de peinture où les autres femmes artistes pourraient venir travailler, ce qui leur permettra de se tracer une voie dans le domaine de l’art. « Mon seul souhait : que les femmes artistes puissent s’épanouir, montrer leurs atouts et se valoriser. Pour moi, ce ne sera pas uniquement un monde de travail mais un monde où les femmes pourront évoluer », nous dépeint-elle.

«J’ai envie de travailler pour une cause à vocation humanitaire, qui aiderait à l’émancipation de la femme », nous résume Aurélie Catherine. « De nos jours, on peut voir clairement que les filles se marient à un très jeune âge, ce qui amène souvent au divorce. Elles se retrouvent ensuite seules et ne savent pas trop quoi faire. Je veux ainsi encadrer ces femmes afin de les aider et afin qu’elles ne tombent pas dans le piège des fléaux sociaux », poursuit-elle.

C’est sa façon de contribuer à l’émancipation et à l’épanouissement de la femme dans la société.

« J’ai déjà réalisé un tableau pour une femme qui est passée par des moments difficiles. J’ai ainsi fait un tableau pour démontrer ce que cette femme avait subi dans la vie. Ma façon d’élever ma voix, c’est à travers mes tableaux. J’avais fait ce tableau parce que je me suis demandé, ‘Et si c’était un homme ? Aurait-il eu les mêmes problèmes ?’»

Quel regard jette-t-elle sur la femme mauricienne en 2021 ? Pour elle, il est indéniable que les femmes ont évolué et ont acquis un degré d’indépendance mais en dépit de ça, plusieurs femmes doivent faire face à des problèmes tels que la violence domestique, les grossesses précoces et les abus sexuels, entre autres. « C’est inadmissible et triste que les jeunes femmes doivent passer par de telles situations de nos jours », dit-elle. « Je n’ai pas assez de mots pour m’exprimer. Parfois, je me demande ce que j’aurais pu faire pour éviter cela ? », souligne-t-elle. Elle dénonce le fait que les jeunes filles ne sont pas assez encadrées dans la société.

Éprouve-t-elle un sentiment de satisfaction d’avoir réussi à faire en sorte que sa passion devienne son métier ? « Je suis satisfaite de moi mais j’ai encore beaucoup d’appréhension car il y a un long chemin à parcourir. Je serai encore plus contente de moi si j’arrive à mettre sur pied mon atelier un jour, qui pourra être une plateforme pour aider les femmes. » 

ANOUSKHA BHUGALOO