Démocratie parlementaire version 4.0

« Pli nou tourne page, pli nou trouve zimaz ». Vous connaissez cette expression bien de chez nous ? Des « zimaz », on en a eu suffisamment cette semaine, surtout avec les prestations « de la Tania Diolle » et du presque clownique Ismael Rawoo après avoir d’abord fait leur show en Metro Express. Et puis il y aussi et surtout le Premier ministre lui-même. Celui qui se dit être un bosseur invétéré a trouvé la parfaite excuse pour justifier l’ajournement des travaux parlementaires pour le 14 février prochain. « Mo pas souhaité met Parlman kan mo pas là ». La raison de Pravind Jugnauth défie toute logique. Pourquoi les travaux de l’assemblée nationale devraient-ils être enfreints en raison de l’absence du chef du gouvernement du pays ? Dans quelle République vivons-nous ?

Selon la Constitution du pays, soit à la section 63(1), il est clairement stipulé « where the Prime Minister is absent from Mauritius or is by reason of illness or of section 60(5) unable to perform the functions conferred on him by this Constitution, the President may, by directions in writing, authorise the Deputy Prime Minister or, in his absence, some other Minister to perform those functions (other than the functions conferred by this section) and that Minister may perform those functions until his authority is revoked by the President ».

Le cabinet ministériel compte en son sein un Deputy Prime Minister en la personne de Ivan Collendavelloo. Outre d’être le leader du ML, partenaire de l’alliance gouvernementale, Ivan Collendavelloo est aussi un ‘seasoned politician’, parfaitement apte donc pour endosser le manteau du leader of the House pour quelques jours. D’autant qu’il n’y avait pas de ‘pressing matters’ outre des débats sur le discours programme. À moins que Pravind Jugnauth ne veuille être présent pour écouter les membres de sa majorité chantant ses louanges et le qualifier de Premier ministre 4.0 alors que ses actions, dont celle de retarder les travaux parlementaires, prouvent qu’il a toujours une mentalité archaïque.

Deux raisons pourraient expliquer la posture adoptée par Pravind Jugnauth. Primo, il ne veut pas céder la main à son no. 2 dans le seul but de garder un contrôle absolu sur sa majorité et secundo, il ne fait pas confiance à son adjoint. Selon des observateurs, c’est surtout le deuxième argumentaire qui reflèterait l’état d’âme du Premier ministre. Car, même si en apparence tout semble aller pour le mieux, le ver est déjà dans le fruit. Et dire qu’il n’est qu’au début de son second mandat. Le parcours promet d’ores et déjà d’être laborieux.

Mais la méfiance de Pravind Jugnauth aurait ainsi contribué à freiner la bonne marche de la démocratie parlementaire. Ou peut-être s’agit-il de la démocratie parlementaire version 4.0 ? Peu importe, il vient de prouver qu’il n’a rien à envier à ses prédécesseurs qu’il accuse d’avoir fermé le Parlement pendant neuf mois. Meanwhile, la victime demeure le Trésor public. En effet, depuis que le nouveau gouvernement a prêté serment le 21 novembre dernier, nos élus ont déjà empoché trois mois de salaires alors qu’ils ne se sont rendus au Parlement que pour trois séances, dont deux de courte durée, soit pour la prestation de serment du président de la République, la lecture du discours-programme et les débats du 3 février dernier. C’est à se demander s’il n’est pas temps pour que les parlementaires soient rémunérés par ‘sitting’ afin de ne plus déplumer les caisses de l’État. Histoire de donner plus de sens à la notion de bonne gouvernance, version 4.0.