Des jeunes « jetés sur le pavé », selon Xavier Duval

L’Extended Programme remis en question

Mauvaise note pour la ministre de l’Education et son ministère. 3,6%, c’est le pourcentage des élèves qui ont réussi à franchir l’Extended Programme aux examens du National Certificate of Education (NCE) l’année dernière. Lors de la Private Notice Question (PNQ) adressée à la ministre de l’Education, Leela Devi Dookun-Luchoomun, à l’Assemblée nationale, le mardi 9 mai, le leader de l’Opposition, Xavier Luc Duval, s’est indigné de cet échec sans précédent dans le système scolaire mauricien.

 « Jetés sur le pavé », c’est en ces termes que le leader de l’Opposition a qualifié le sort de ces élèves qui n’ont pas réussi à se trouver une place à la MITD (Mauritius Institute of Training and Development) pour apprendre un métier. Actuellement, 457 élèves sont admis au MITD et à l’ITET (Institute of Technical Education and Technology), a indiqué la ministre Leela Devi Dookhun-Luchoomun.

En 2022, sur les 3 291 élèves (âgés entre 12 et 14 ans) ayant passé les examens de fin d’études des quatre ans d’extended classes, seuls 71 ont réussi, soit un taux de réussite de seulement 2%, tandis que 3 210 élèves, soit 98%, ont échoué.  Il y a actuellement 11 172 de ces élèves enrôlés dans ces ‘extended classes’, qui couvrent les Grades 7 à 9, mais en quatre ans. La ministre a précisé que depuis 2018, 12 273 élèves ont été inscrits à ce programme, et qu’en 2018, 277 élèves ont abandonné, et 468 autres ont refusé de participer aux examens du NCE.

Selon Leela Devi Dookun-Luchoomun, les enfants doivent au moins apprendre à lire et à compter, pour « maîtriser les outils nécessaires ». Essayant d’esquiver les suggestions de Xavier Luc Duval concernant le recours à des méthodes novatrices et adaptées à ces élèves, qui ont besoin d’une approche plus dynamique, la ministre a tenté de faire comprendre que ces enfants éprouvant des difficultés d’apprentissage, des méthodes novatrices ne serviraient pas à grand-chose. En fait, elle faisait uniquement référence aux moyens digitaux et à l’utilisation d’ordinateurs, alors que tout le monde est d’accord sur le fait qu’une approche holistique est primordiale pour ces élèves.

Mahen Gungaparsad : « On verra l’émergence d’un « ghetto pédagogique » si rien n’est fait »

Mahen Gungaparsad, député du Parti Travailliste, se dit très concerné par l’avenir de ces 15 000 élèves qui présentent d’énormes difficultés à suivre le rythme du système actuel du ‘nine year schooling’, dont fait partie l’Extended Programme.

Des élèves âgés de 13 ans ne savent pas donner l’heure, ni compter, ni lire, ni écrire. Selon le député Mahen Gungaparsad, c’est dû à des problèmes cognitifs, au ‘background’ socio-économique des élèves, ainsi qu’à des troubles du langage écrit, comme la dyslexie par exemple.

« L’arrogance de madame la ministre ne lui permet pas d’aller à la source du problème. L’apprentissage n’est pas ‘linear’. Ces enfants ont des ‘memory level’ qui sont en dessous de la moyenne, aussi l’approche devrait être totalement différente. Ce sont des enfants qui font face à une stigmatisation sans précédent. Un ‘common curriculum’ ne donnera pas une chance équitable à ces enfants », confie Mahen Gungaparsad, qui cite le fameux scientifique du XX siècle Albert Einstein, « tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide ».

Le député de la circonscription no. 6 déplore l’absence de diagnostiques dès les classes de primaire, pour un meilleur encadrement et une meilleure orientation des étudiants. « Certains de ces élèves seront beaucoup plus à l’aise avec des outils, ou dans les matières artistiques. Nous avons un système qui fait que les élèves sont automatiquement promus à chaque fin d’année scolaire. De ce fait, nous sommes condamnés à avoir un taux d’échecs de 25% tous les ans, à tous les niveaux » martèle Mahen Gungaparsad.

« Le Parti Travailliste planche sur une étude pour l’implémentation d’un ‘Informal Curriculum’, afin d’enseigner à des élèves ayant des difficultés d’apprentissage avec des moyens novateurs calqués sur le modèle scandinave. Il faudra transformer la salle de classe en un espace d’éducation narrative. Les suédois ou les japonais sont les champions du monde en éducation, car ils ont su connecter l’apprentissage à la réalité de la vie. Il nous faudra cibler les élèves en adaptant et en changeant notre approche, pour une éducation de qualité et plus holistique », ajoute-t-il.

« Ghetto pédagogique »

L’ancien recteur prévoit, selon ses propres termes, l’émergence d’un « ghetto pédagogique » si rien ne change en ce qui concerne l’éducation à Maurice. « Je ne pense pas que Leela Devi Dookun-Luchoomun puisse apporter ce changement, de par son arrogance et son inaptitude par rapport à ce dossier. Ses comités opèrent avec des ‘hand picked’ conseillers et le speaker, il vaut mieux que je ne commente pas… »

« Il nous faut l’introduction de sujets pratiques pour les élèves qui ne peuvent être intégrés dans le système ‘mainstream’. Il y a un manque de main d’œuvre sur le marché local, pourquoi ne pas introduire les élèves dans des formations de la MITD à un jeune âge ? Nous subissons malheureusement les préjugés de la société mauricienne concernant les cours manuels. Il faut que ça s’arrête », conclut Mahen Gungaparsad.