Dev Jokhoo, ancien DCP et patron du NSS : « Ce sont des bandits de l’ADSU qui font partie de la ‘Striking Team’ »

  • « À l’époque, personne d’autre que le Premier ministre ne pouvait s’entretenir avec le CP. Avant 2014 (ndlr : il était alors le patron du NSS), personne ne pouvait me parler, hormis le Premier ministre. Mais aujourd’hui, il y a des ingérences à tout bout de champ »

Q : Que retenez-vous de l’arrestation d’Akil Bissessur ?

D’abord, le fait même que le Premier ministre ait dit qu’Akil Bissessur était sur son radar indique que ce dernier était dans son viseur. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi les enquêteurs, qui disent l’avoir suivi tout le long de son trajet, ne l’ont pas arrêté à Cascavelle où il avait supposément pris la livraison de ce colis. Car cela leur aurait permis de le prendre la main dans le sac, avec en prime, le fournisseur qui aurait pu également être arrêté sur place.

Qui plus est, les vidéos que les enquêteurs ont faites ne révèlent pas l’actuelle découverte de la drogue. Ce qui me donne des doutes puisqu’il y a déjà deux enquêtes qui sont en cours, l’une à Flacq et l’autre à Saint-Pierre, où la police a planté de la drogue chez certaines personnes. Et quand l’ADN de l’avocat n’a pas été retrouvé sur les sachets de drogues, mes doutes se sont accentués.

Mais ce qui m’interpelle, c’est que la compagne d’Akil Bissessur n’a pas été relâchée le même jour que ce dernier. Pourtant, si la police n’avait pas d’objection contre la liberté provisoire de l’avocat, il ne devrait pas en avoir pour sa compagne non plus. Même si elle devait comparaître en cour le lendemain, elle aurait pu être traduite devant le magistrat dès qu’il n’y avait pas d’évidence contre elle au lieu de la maintenir en cellule pour 24h de plus. J’estime donc que la police a mal agi.

Q : Y a-t-il eu, selon vous, une mauvaise gestion du dossier ou y avait-il d’autres motivations obscures ?

Il y a eu bien plus qu’une mauvaise gestion du dossier.

Q : C’est-à-dire ?

He has been framed. J’en suis convaincu. Je pense que c’était en raison des positions qu’il (Akil Bissessur) avait prises contre la police dans certains cas et aussi parce qu’il était l’avocat de l’activiste Darren. Je vous renvoie aussi à la déclaration du Premier ministre par rapport à la présence de l’avocat sur son radar. L’ADN des policiers impliqués dans son arrestation aurait dû être examiné.

Q : Il s’agissait pourtant de la première opération de la ‘Special Striking Team’ de la police. Que pensez-vous de cette nouvelle équipe ?

L’actuel Commissaire de police, Anil Kumar Dip, et moi-même avions tous les deux travaillé au bureau du CP Bhimsen Kowlessur dans les années 80-90. À cette époque, il avait mis sur pied une unité connue comme la ‘Flying Squad’ et qui était chargée d’enquêter rapidement sur des informations que lui refilaient souvent des membres du public qu’il rencontrait quotidiennement. Je ne sais pas si ce que vise à faire le CP Dip à travers cette ‘Special Striking Team’. Mais c’est dommage que ce soit des bandits venant de l’ADSU qui en font partie. Je me demande s’il ne s’agit pas uniquement d’une équipe communément appelée au sein de la force policière comme « commis-receveur », comme il y en avait dans le passé.

Q : À quoi cette équipe « commis-receveur » sert-il ?

C’est un terme utilisé par des policiers. Certains l’appellent « commis-receveur », d’autres comme « revenue collector ». C’est une équipe qui sert à régler des comptes.

Q : De qui ?

Des opposants de la police, de l’État ou des politiciens.

Q : Pourquoi dites-vous que cette équipe est constituée de bandits venant de l’ADSU ?

Leur pedigree est connu de tous au sein de la force policière et de l’ADSU. Il ne faut pas oublier que l’ASP Jagai a lui-même travaillé pendant de nombreuses années à l’ADSU. Ses ‘assets’ sont sources d’intrigue. On allègue même qu’il aurait des biens à Dubaï. En tout cas, son train de vie semble être largement au-dessus de ses moyens.

Q : Mais il est aussi propriétaire d’une entreprise d’import-export !

Il doit être très chanceux en affaires alors. Il conduisait une BMW alors qu’il était encore chef inspecteur tandis que moi, je n’avais qu’un Alto quand j’étais ASP.

Q : Il est de nouveau passé à l’attaque contre Akil Bissessur en logeant une plainte d’incitation à la haine raciale contre lui. Est-ce justifié ou s’agit-il d’un acharnement contre l’avocat ?

Je me demande s’il y a quelqu’un qui l’a conseillé de loger cette plainte. Cette allégation d’incitation à la haine ne tient pas la route du moment que ce qu’a dit Akil Bissessur n’a pas été suivi de désordre.

Q : Quand vous vous demandez si l’ASP Jagai a été « conseillé » de loger cette plainte, vous laissez entendre que la police reçoit bel et bien des conseils ou des instructions venant d’ailleurs, n’est-ce pas ?

C’est un fait que la police agit actuellement comme un outil aux mains du pouvoir.

Q : Cela n’a-t-il pas toujours été le cas ?

Il y a toujours eu, mais jamais au point qu’il l’est actuellement. Aujourd’hui, il y a trop d’ingérence politique. Vous n’avez qu’à écouter les ministres dire, au moindre problème, qu’ils ont déjà parlé avec le Commissaire de police. Or, à l’époque, personne d’autre que le Premier ministre ne pouvait s’entretenir avec le CP. Avant 2014 (ndlr : il était alors le patron du NSS), personne ne pouvait me parler, hormis le Premier ministre. Mais aujourd’hui, il y a des ingérences à tout bout de champ.

Q : Comment y mettre un frein ?

Il faut une réforme de fond en comble. Il faut revoir les ‘DFSC Regulations’. Le fonctionnement de la police doit aussi être revu, à commencer par le recrutement, la formation et l’emploi des policiers. Il y a actuellement trop de policiers qui font des ‘non police duties’. Des ‘trained police officers’ ne peuvent pas être appelés à faire le travail d’un gardien sur le chantier du métro ou chez des ministres, entre autres. Ce n’est pas le travail d’un policier et doit être confié aux compagnies de gardiennage. Il y a toute une série de réformes qu’il faut faire.