Diversité et inclusion, une idéologie de souffrance

Il existe une extraordinaire diversité d’hommes et de femmes, dignes, instruits, méritants et professionnels, qui travaillent dans les professions légales, les services financiers et les sociétés cotées en bourse. Je peux aussi dire que ce qui rend ces secteurs et sociétés performants, ce sont les qualités de ces hommes et de ces femmes. Le succès de ces secteurs ne repose pas sur des quotas de sexe masculin ou féminin, de couleur de peau, de race ou d’orientations sexuelles, ou sur une variété de perspectives sociales, d’expériences et de modes de pensées. Ici, j’adopterai plutôt le modèle des rêves de Martin Luther King Jr.

Cela dit, compte tenu de certaines lois scélérates adoptées récemment, de l’attitude du gouvernement, des fonctionnaires, et d’une certaine « collaboration » du secteur privé, je dois poser certaine questions. Je me sens également obligé de revisiter l’une de mes philosophes préférées, Hannah Arendt. Précisément sa fameuse phrase « la banalité du mal », venant de son compte rendu du procès pour crimes de guerre d’Adolph Eichmann. Ce fonctionnaire a été chargé d’organiser le transport de millions de Juifs vers divers camps de concentration en soutien à la « Solution Finale » des nazis. Ils professaient l’idéologie du national-socialisme qui prétendait offrir une solution nationaliste et utopique pour défendre l’homme ordinaire, qu’ils décrivaient comme une victime dans un monde contrôlé par les Juifs. Il s’agissait bien sûr d’antisémitisme. Telles étaient les normes de la bonne gouvernance nationale et sociale de l’époque.

En réponse aux actes barbares de la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté la “Déclaration universelle des droits de l’homme”. L’article 2 de cette déclaration stipule que chaque individu a le droit à tous les droits et libertés énoncés, sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinions politiques ou autres, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. La déclaration énonce des droits fondamentaux, intrinsèques et imprescriptibles, tels que la liberté, la propriété, la sécurité, la résistance à l’oppression. Elle reconnaît également le principe de l’égalité devant la loi et la justice, tout en affirmant le concept de la séparation des pouvoirs.

Hannah Arendt avait observé qu’Eichmann était un bureaucrate ordinaire et banal, mais d’une normalité terrifiante. Il agissait sans autre motivation que celle de remplir consciencieusement son travail pour faire avancer sa carrière au sein de la bureaucratie. Il n’était pas un monstre et accomplissait des mauvaises actions sans avoir de mauvaises intentions, un aspect lié à son inconscience, à son désengagement de la réalité de ses actes pervers. Les circonstances psychologiques l’empêchaient de reconnaître ou de ressentir qu’il faisait quelque chose de mal. Ce sont les caractéristiques collectives de la “banalité du mal”.

Loin de l’idéologie nationale-socialiste, nous observons aujourd’hui l’émergence d’une forme de néo-socialisme tout aussi problématique et dangereuse, qui promeut la diversité et l’égalité dans tous les aspects de la vie. Cette nouvelle théorie sociale englobe également ce qu’elle prétend être la défense des femmes, les décrivant comme des victimes dans un monde encore largement dominé par un patriarcat masculin, en particulier par des hommes d’une certaine couleur de peau. Cette approche comporte des éléments de sexisme et de racisme, car elle impose l’égalité des chances pour les femmes tout en poussant l’inclusion et la diversité basées sur la couleur de peau, la race et les orientations sexuelles.

Récemment, le 20 juillet 2023, cette politique de diversité et d’inclusion s’est retrouvée dans l’amendement de l’article 133 du “The Companies Act” à travers l'”Acte n° 12 de 2023″ qui stipule qu’une société cotée en bourse doit avoir un minimum de 25 pour cent de femmes dans son conseil d’administration. Tout amendement des lois est présumé constitutionnel, mais ici le bouchon a été poussé vraiment trop loin, créant oppression et inégalité.

Notre Constitution, qui reflète « la déclaration universelle des droits de l’Homme », stipule à la section 16 qu’aucune loi ne peut contenir de disposition discriminatoire en soi ou dans ses effets, et que discrimination signifie accorder un traitement différent à différentes personnes attribuables entièrement ou principalement à leurs descriptions respectives de race, de caste, de lieu d’origine, d’opinions politiques, de couleur, de croyance ou de sexe. Cela signifie aussi que lorsqu’une personne d’un genre particulier est soumise à des restrictions auxquelles les personnes d’un autre genre ne sont pas soumises, ou se voient accorder des privilèges ou des avantages qui ne sont pas accordés à cette première personne, il y a discrimination.

Le sexisme n’est pas l’antisémitisme, mais nous voilà encore à la porte du mal jadis fermé par la déclaration des droits de l’Homme. Je suis d’avis que les femmes doivent avoir les mêmes opportunités et libertés de choix que les hommes, y compris d’accéder aux conseils d’administrations, mais en se basant sur la méritocratie et pas sur des discriminations androphobes. « Si vous essayez de guérir le mal par le mal, vous ajouterez encore plus de souffrance à votre destin », a dit Sophocle.

Cette loi semble résulter d’une méconnaissance ou d’un décalage par rapport à la réalité, non seulement de la part des parlementaires et des fonctionnaires, mais je pense également qu’elle a été encouragée par un secteur privé qui a coopéré. À titre d’exemple, le MIOD, collaborateur du gouvernement et partenaire reconnu du secteur privé, a exprimé sa volonté de renforcer la bonne gouvernance au sein des entreprises et de créer un cadre opérationnel intègre et éthique. L’institution vise à favoriser une meilleure représentation des femmes au sein des conseils d’administration, prônant ainsi la diversité comme un élément essentiel de la bonne gouvernance. Il est à noter avec fierté que son conseil d’administration est composé à parts égales de femmes et d’hommes. Curieusement, elle ajoute que sa diversité ne se limite pas seulement au genre, mais englobe également une variété de perspectives, d’expériences et de modes de pensée, faisant probablement référence à la diversité en termes de couleur de peau, de race et d’orientations sexuelles.

Sans mentionner l’aspect discriminatoire de l’amendement du “Companies Act“, cette institution a participé à un atelier organisé par la Bourse de Maurice sur la bonne gouvernance. Elle semblait suggérer, sans preuves tangibles, que la diversité au sein d’un conseil d’administration conduit nécessairement à des décisions plus éclairées, une meilleure gestion des risques et de meilleurs résultats. En réalité, cet atelier visait à garantir que les femmes soient représentées à hauteur de 25 % dès aujourd’hui, mais l’objectif réel semblait être la parité, laissant entendre que la loi devra éventuellement augmenter le quota de manière sexiste à 50 %.

Dans la foulée,  le ministère de l’égalité des Genres a récemment accueilli le deuxième comité directeur national sur l’intégration du genre. L’objectif était de sensibiliser les responsables de la supervision des différents ministères, permettant ainsi aux ministères et autres institutions de réviser leurs politiques et de promouvoir l’égalité des sexes, sans pour autant mentionner les hommes. Le thème principal était la lutte pour l’émancipation des femmes et l’égalité des sexes, qui doit être appliquée dans tous les lieux de travail, afin que les femmes bénéficient d’une reconnaissance et de droits équivalents à ceux des hommes sur leur lieu de travail, atteignant ainsi un équilibre de 50%. Sauf que les même droits et reconnaissances sont déjà encrés dans notre Constitution et les lois.

Que ferons-nous des hommes compétents et méritants déjà assis dans ces conseils d’administration, travaillant dans une entreprise ou au sein d’un ministère ? La question se pose : seront-ils sacrifiés au nom de la diversité et de l’inclusion pour une meilleure gouvernance, voire même isolés d’une manière ou d’une autre ? Je m’oppose aux discriminations, mais en particulier à cette forme de discrimination imposée qui pourrait nous conduire inévitablement à des problèmes et à des souffrances.

Par Me. Penny HACK