[EDITO] Baba black sheep

Par Zahirah RADHA

Baba est synonyme de papa en arabe. Et c’est par ce qualificatif, prétend notre Sheikh local, qu’il est affectueusement appelé au royaume saoudien, par nul autre que le prince Salman lui-même. Et du coup, même à Maurice, Baba a pris le dessus sur Sheikh. Mais loin du respect qu’il exige, le terme Baba s’est forgé une connotation pas si honorable. Qu’à cela ne tienne, Baba est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Baba, Baba, où sont les six millions de dollaaaarrrss que l’Arabie saoudite a gracieusement prévu d’offrir aux mosquées mauriciennes ? Les a-t-on déjà reçus ou pas ?

Pourquoi tant d’opacité sur ce brûlant dossier qui traîne depuis le précédent mandat alors que le gouvernement a été plus expéditif et efficace en ce qu’il s’agit d’autres aides saoudiennes, dont la construction du complexe sportif de Côte d’Or, ou encore le nouvel hôpital SAJ, dont le Premier ministre Pravind Jugnauth a fait des récupérations politiques ? Que ces donations saoudiennes proviennent du Saudi Fund for Development (SDF) pour les projets infrastructurels d’envergure ou du King Salman Humanitarian Aid and Relief Centre (KSrelief) pour les pêcheurs et mosquées, il va de soi que la même rigueur et éthique doivent primer. Mais pourquoi ce don pour les mosquées a-t-il spécifiquement été relégué au second plan, si l’on s’en tient à la version officielle selon laquelle le montant n’a pas encore été déboursé ?

Pourquoi personne au gouvernement n’est-il jusqu’ici venu à la rescousse de Baba, hormis le ministre Soodesh Callychurn avec des explications insuffisantes ? Pourquoi les ministres Fazila Jeewa-Dawreeawoo et Anwar Husnoo, repêchés grâce au Best Loser System (BLS) et donc sur la base de leur religion, gardent-ils un lourd silence sur ce dossier qui intéresse tant la communauté musulmane que toutes les autres composantes de la société mauricienne qui ont soif de vérité et de justice ? Quid des députés du ML Ismaël Rawoo et Zahid Nazurally, ou encore du transfuge Salim Abbas Mamode, pourquoi sont-ils en mode motus et bouche cousue alors qu’ils seront sans doute au premier rang pour les célébrations du Yaum-Un-Nabi demain, lundi 16 septembre ?

Et finalement, qu’en est-il du Premier ministre qui est responsable et redevable non seulement envers la communauté musulmane qui est principalement concernée par ce dossier, mais aussi la population en générale au nom de la transparence et de la bonne gouvernance ? Les questions sont nombreuses tandis que les réponses, elles, se font toujours attendre. Devons-nous croire la version officielle, à savoir que l’argent n’a pas été reçu alors que certaines sources, y compris Cehl Meeah, maintiennent le contraire ? Si cet argent a effectivement été versé, il n’aurait pas pu se volatiliser sans laisser de traces. Il a dû être versé sur un compte bancaire officiel quelconque, si ce n’est pas le Consolidated Fund. Lequel ? Est-il toujours là, s’il a été touché, ou a-t-il quitté le territoire mauricien ? Un money ou un audit trail n’est-il pas possible ?

Cette inertie criante du gouvernement interpelle. Et accroît rapidement le malaise dans le pays. D’autant que Baba lui-même n’est pas un saint, en dépit de ce qu’il prétend être. L’affaire Kedar Chapekar, révélée par Sunday Times le 4 juin 2017 et dans laquelle un homme d’affaires indien alléguait que l’ex-ministre alias Baba avait empoché un emprunt d’un million de roupies de sa part pour faciliter son projet de low-cost housing, son voyage en jet privé avec présumément six valises en août 2016, ses dépenses royales et souvent injustifiées en tant qu’ambassadeur, ou encore des cas de détournement allégué de fonds en Arabie saoudite qui alimentent les conversations entre Mauriciens en Terre sainte… La liste des allégations contre Baba est malheureusement trop longue pour qu’on lui fasse confiance lorsqu’il s’agit de financement.

N’oublions d’ailleurs pas que cela fait un bail que Baba n’est plus affecté en Arabie saoudite où, dit-on, il est persona non-grata. Et cette nouvelle polémique concernant le don de 6 millions de dollars n’est, parait-il, pas au goût de la diplomatie saoudienne qui réclamerait même sa tête. Baba est en ce moment le black sheep, fut-il de la communauté musulmane, de la population, du gouvernement ou de l’Arabie saoudite.