[EDITO] Dans l’œil du cyclone

Belal est parti. Mais le gouvernement se retrouve toujours dans l’œil du cyclone. Une pluie – torrentielle – de critiques s’abat sur lui depuis lundi dernier. La situation chaotique dont a été témoin la population a fait voler en éclats toutes les promesses de drains et d’infrastructures s’élevant à des milliards de roupies votés dans les budgets successifs du gouvernement MSM. L’horreur que des milliers de Mauriciens ont vécue a mis en relief une déficience cruelle de la gestion des catastrophes au niveau des autorités. Une négligence criminelle qui a fait au moins deux morts, Anwar Noormohamed et Alberto Richard. Pour se dédouaner de tout, le Premier ministre a rapidement trouvé un bouc-émissaire : le directeur de la Météo, Ram Dhurmea. Ce dernier a ‘step down’, annonce-t-il à la télé lundi soir. Mais tous les éléments indiquent que c’était un grossier mensonge.

Malgré les derniers développements, Pravind Jugnauth se mue dans le silence. Il est sans doute dépassé par ces événements imprévus qui bousculent ses plans. Et ce, alors même qu’il voulait démarrer cette dernière année de son mandat en trombe avec la hausse du salaire minimum, les Rs 13 500 pour les pensionnaires de 75 ans et un calendrier socio-culturel visant à lui attirer des sympathies. Entretemps, une opération de « tire canette dans zoué » se dessine entre Ram Dhurmea et Anwar Husnoo. L’ex-directeur de la Météo prépare sa riposte légale, estimant qu’il a bien fait son travail, tandis que le vice-Premier ministre tente désespérément de s’agripper à son fauteuil ministériel, arguant que ce sont les prévisions météorologiques qui étaient inexactes. Ce dernier est déjà considéré comme une ‘liability’ pour le gouvernement après l’affaire Citadelle qui avait fait sauter le poste de son attaché-de-presse comme une bouchon de champagne. D’ailleurs, dans les deux cas, c’est Pravind Jugnauth qui a encaissé les coups.

Dans l’affaire Citadelle, faut-il le rappeler, l’inaction de la police, qui avait été alertée par le conseiller de Husnoo de possibles incidents, avait mis à mal le Premier ministre, responsable du ministère de l’Intérieur. Husnoo a de nouveau entraîné Pravind Jugnauth dans l’embarras en le contredisant sur le ‘stepping down’ de Dhurmea, annoncé par le Premier ministre lundi, mais suspendu avec effet immédiat par le vice-Premier ministre mercredi. Pour certains au gouvernement, Husnoo est devenue une bête noire qu’il faut éliminer à tout prix. Ce qui n’est pas une mince affaire, puisque le régime y laissera certainement des plumes, quoique certains pensent le contraire. D’ailleurs, c’est Lakwizinn, on le sait, qui aura le dernier mot, comme cela avait été le cas pour Jameer Yeadally. Le temps nous dira donc quel sort sera réservé à Husnoo.

Mais au-delà des prévisions météorologiques, il y a aussi le côté infrastructurel qui est défaillant. Si les inondations qu’on a connues le 15 janvier 2024, surtout à Port-Louis, ont été encore pires que celles de 30 mars 2013, c’est que rien n’a été fait durant ces derniers onze ans. L’immobilisme du gouvernement aurait pu coûter la vie de ces nombreux automobilistes pris au piège à la rue La Poudrière. Ce qui en dit long sur le sens de priorité du gouvernement qui investit pourtant massivement dans le Métro Express qui a carrément cessé ses opérations pendant que des milliers de travailleurs s’affairaient à rentrer chez eux pendant les pluies diluviennes, à l’issue d’un manque de planification criant des autorités.

A Quatre-Bornes également, des habitants ont payé cher le manque de réactivité des autorités suivant l’effondrement du mur du cimetière St. Jean depuis novembre 2023. Des ossements humains, des tombes et des vêtements portés par des cadavres ont flotté jusque dans la cour et la maison de certains. Mais le ‘Baahubali de la construction’ n’en a cure. Ilest resté invisible sur le terrain, pendant et après le passage du cyclone, probablement pour rester à l’abri de la révolte populaire. Ce n’est qu’hier samedi, qu’il nous a finalement gracié de nouveau de sa présence, et cela pour débiter des idioties, comme d’habitude. Mais pas avant que Renganaden Padayachy, n’ait venu, la veille, annoncer des allocations financières pour les victimes, comme s’il pouvait acheter le traumatisme qu’elles ont enduré. Ce qui a donné du sérum au ‘Baahubali’ pour affronter pas la population, mais les caméras de la presse, où il était bien plus ‘safe’, samedi. La PPS Tania Diolle n’a, elle, pas eu la même chance, vendredi, ayant dû faire face à des habitants hostiles au bureau du CAB vendredi, en présence policière.

Mais ce qui compte pour l’heure, c’est non seulement de situer les responsabilités, que seule une enquête judiciaire est capable de faire, afin d’agir en conséquence, mais aussi de changer d’urgence de fusil d’épaule en ce qui concerne le ‘preparedness plan’. D’autant que nous ne sommes pas à l’abri d’autres catastrophes naturelles. Le gouvernement seul n’a pas les compétences de le faire. Faute d’une démission, qu’il aurait dû pour avoir longtemps démissionné de ses responsabilités, on ne peut que souhaiter qu’il révoque d’abord le NEOC actuel, qui a lamentablement failli dans ses responsabilités, et qu’il institue un comité national, composé de membres de l’opposition, de syndicalistes, d’activistes et d’autres experts, afin de préparer un plan de gestion et d’évacuation solide et fiable, qui ne met pas la vie du peuple en danger, et surtout qui ne fait pas de distinction entre travailleurs du secteur public et privé.