[EDITO] Agalega : La convoitise

Une base militaire à Agalega ? Niet ! L’opposition n’en a pas vu. Ni la presse d’ailleurs. De quoi ajouter de l’eau au moulin du gouvernement. En donnant l’impression qu’il a joué la carte de la transparence, il a voulu renverser la vapeur et faire croire qu’il n’a rien à cacher sur le dossier Agalega. Mais devrions-nous être rassurés pour autant ? Certainement pas. La base militaire n’est peut-être pas visible. Pour l’instant. Mais pour combien de temps encore ? Les infrastructures sont bien trop immenses et imposantes pour croire qu’il n’y a pas anguille sous roche. La nouvelle piste d’atterrissage s’étend sur 3 km pour une île qui ne fait que 12.5 km au nord et 7 km au sud. Serait-ce uniquement pour faciliter les 300 Agaléens qui n’ont même pas un service de santé et d’éducation digne de ce nom ? Serait-ce uniquement pour accueillir l’ATR d’Air Mauritius ? Même les plus crédules auront du mal à y croire.

Bien plus que les paroles de Pravind Jugnauth, la population a tendance à accorder plus de crédibilité à la presse internationale. Le journal indien, The Economic Times, écrivait ceci le vendredi 1er mars : « India plans a military base in Agalega Islands to monitor and counterbalance China’s growing presence in the Indian Ocean region ». Et d’ajouter : « The jetty will facilitate operation of India’s fleet of Boeing P-8I maritime surveillance planes, which can conduct anti-submarine and anti-surface warfare, and intelligence, surveillance and reconnaissance missions ». La piste d’atterrissage d’Agalega se prépare-t-elle à accueillir un Boeing P-81 une fois que la délégation officielle aura tourné le dos pour rentrer à Maurice ? Ce ne serait pas surprenant. D’ailleurs, le Premier ministre a bien confirmé au Parlement que la surveillance maritime ne pourrait être faite que par des avions spécialisés et équipés. Quoi mieux que le Boeing P-8I dont l’Inde, qui a financé les infrastructures agaléennes, a fait plusieurs acquisitions. Mais s’agira-t-il de surveillance maritime uniquement ?

The Economics Times n’a pas été le seul à faire état d’une éventuelle visite du Boeing P-8I. Jeudi, BNN Bloomberg affirmait également que « the new facilities in Mauritius are advantageous for India. Warships deployed by the South Asian nation can refuel from Agalega. Big aircraft — including the P8i, India’s fleet of US-made long range maritime surveillance aircraft — can also land on a new three-kilometer-long airstrip ». Warships ? Ne serait-ce que l’idée d’accueillir des bateaux de guerre dans la région suffit pour hanter les esprits des Mauriciens qui sont généralement épris de paix. Ils redoutent, avec raison, de se voir au centre de stratégies militaires, ou même de voir leur pays servir les intérêts géopolitiques des Indiens alors que nous avons tout à gagner à maintenir nos relations privilégiées et avec l’Inde et avec la Chine.

La seule façon pour le gouvernement mauricien de rassurer nos compatriotes serait bien sûr de rendre public l’accord signé avec l’Inde. Mais Pravind Jugnauth refuse, arguant que l’Inde y a opposé un refus catégorique. Un jour ou l’autre toutefois, la vérité finira bien par éclater. Par un moyen ou un autre.