Par Zahirah RADHA
Révolu le temps où l’Assemblée nationale était le Temple de la démocratie. Aujourd’hui, elle ressemble davantage à une caisse de savon où, le seul objectif, est de régler ses comptes avec ses adversaires. Au banc des accusés : le Speaker, le Premier ministre et les élus de la majorité. Sooroojdev Phokeer est le seul Speaker à avoir outrancièrement abusé de son autorité et de ses prérogatives pour faire le sale jeu du gouvernement. Il prive systématiquement l’opposition de sa voix et de la présence physique de ses membres. Les questions de l’opposition sont modifiées ou censurées. Celles du gouvernement sont plantées en pole position pour la tranche réservée au Premier ministre. Et pour couronner le tout, le tirage au sort est truqué, dit-on. Sooroojdev Phokeer reste ainsi un pion central et incontournable dans la stratégie gouvernementale qui consiste à paralyser l’opposition. Quitte à bafouer honteusement la démocratie parlementaire.
Le premier coupable de cette dérive parlementaire reste cependant Pravind Jugnauth. En tant que Premier ministre et Leader of the House, il a, avec la complicité avilissante de Phokeer, privé l’Assemblée nationale de ses lettres de noblesse. Il confond l’hémicycle avec le Sun Trust. Il y multiplie les coups bas contre ses adversaires, manipule l’opinion publique, et évite de répondre aux questions d’intérêt national. Plus que désolant, le spectacle est honteux, indigne et condamnable. L’opposition, évidemment, n’y peut rien. Soit elle se tait, soit elle encaisse. Car protester est synonyme de se faire expulser et suspendre par le Speaker pour une durée indéterminée. Le recours juridique n’étant pas vraiment efficace, l’opposition, pourtant composée d’élus du peuple, n’a presque aucune marge de manœuvre, sauf celle de dénoncer, en comptant sur la compréhension du citoyen mauricien. D’autant qu’une démission collective, comme le souhaitent certains, ne ferait que consolider son emprise sur notre démocratie qui ne tient déjà plus qu’à un fil, selon le rapport V-Dem. Tant que le Parlement ne sera pas dissous, et en l’absence d’un sursaut populaire, il nous faudra donc continuer à subir le massacre de notre démocratie parlementaire. Attendons-nous à ce que les prochaines séances de questions-réponses soient les pires. Déjà ce mardi, un autre coup bas est attendu de la part de Pravind Jugnauth à travers l’interpellation plantée d’Ashley Ittoo sur les facilités accordées au VIP Lounge en 2005. On n’a aucun doute que le chef du gouvernement épuisera le temps qui lui est accordé pour attaquer un autre membre de l’opposition alors qu’une question plus pressante et récente sur l’affaire Bet 365, et impliquant un ex-ministre de son gouvernement, restera sans réponse. Il ne cesse de déterrer des dossiers antérieurs contre l’opposition, mais persiste à fermer les yeux sur les casseroles que son gouvernement traine toujours. Comme l’a si bien dit Jean Claude de l’Estrac dans un entretien à Mauritius Times le 17 mai 2024, « le gouvernement MSM a été une véritable usine de fabrication de casseroles ». La population le sait, même si Pravind Jugnauth, lui, le pousse résolument sous le tapis. Mais viendra un moment où il lui faudra rendre des comptes. Tôt ou tard…