Rien n’est près de changer avec la reprise parlementaire ce mardi. Au contraire, les choses se corseront. L’opacité règnera en maître. Elle l’était déjà d’ailleurs. Mais avec l’ultime sprint menant aux prochaines élections, le gouvernement a tout à cacher. En témoigne le refus du Speaker d’admettre les questions des députés travaillistes Farhad Aumeer et Eshan Juman sur la révocation de Vikram Hurdoyal comme ministre de l’Agro-ministre le 11 février dernier. Les raisons qui ont poussé le Premier ministre à se débarrasser d’un de ses ministres nouvellement installé dans le fauteuil de l’Agro-industrie – en remplacement de Maneesh Gobin qui a lui échappé à une révocation malgré de graves allégations dans le sillage de l’affaire Franklin – un dimanche soir, et cela en l’absence du pays du principal concerné lui-même, ne seront donc pas révélées à la population. Sauf si Pravind Jugnauth en décide autrement, au gré de ses humeurs, et surtout selon ses calculs et desseins politiques.
La stratégie du Premier ministre n’est pas nouvelle. Il l’avait fait dans le cas d’Ivan Collendavelloo. Et elle s’est avérée payante pour lui jusqu’ici. Dans le présent cas également, il s’assure ainsi que les mains de Vikram Hurdoyal restent bien liées et que sa bouche soit résolument cousue, après l’étalage de ses émotions initiales. Pravind Jugnauth a fait de Hurdoyal un Collendavelloo bis. La seule différence, c’est que l’un, simple ministre, a préféré libérer son siège à l’Assemblée nationale, tandis que l’autre, Deputy Prime Minister, a choisi de rester en tant que backbencher durant un mandat presqu’entier. Pourtant, les deux cas concernent de très graves allégations de corruption. Et dans les deux cas, Pravind Jugnauth maintient cette politique d’opacité devenue, au fil des années, propre à son gouvernement et à son style de gestion. D’une part, il les révoque pour donner l’impression qu’il peut trancher dans le vif et qu’il ‘means business’, et de l’autre, il donne un coup pied magistral à la notion de redevabilité et tolère l’impunité.
Ceux qui souhaitent que Pravind Jugnauth ait un changement de cœur et se ressaisisse doivent rêver. Pourquoi le ferait-il à quelques mois, ou même quelques semaines, des prochaines échéances électorales ? Il continuera à cacher la poussière sous le tapis, en écartant les poids lourds et canards boiteux de son équipe actuelle et en alignant de nouveaux candidats le moment venu, comme il l’avait fait en 2019. On le voit mal, par exemple, avoir des remords à laisser tomber un Zahid Nazurally qui ne sait lui-même pas sur quel pied danser, d’autant que son leader a longtemps été mis à l’écart et que ce dernier a même été évincé par la nouvelle alliance du tandem Obeegadoo-Ganoo. Mais cette tactique marchera-t-elle cette fois-ci ? C’est la question que l’électorat doit se poser. Car le pouvoir est entre ses mains. Choisira-t-il de danser sur l’air de Pravind Jugnauth qui le convoitera de nouveau en lui brandissant quelques cadeaux empoisonnés et qui, une fois réinstallé au pouvoir, continuera d’asseoir son autocratie, sa politique d’opacité et d’impunité et de politisation outrancière des institutions qui a contraint aujourd’hui le DPP à saisir la cour pour préserver ses pouvoirs constitutionnels ? Le film que va jouer Pravind Jugnauth n’est qu’un remake de ce qu’on a déjà vu ces derniers neuf ans. Ce sera le même mauvais cinéma. L’électorat, nous le croyons, est trop intelligent pour mordre à cet hameçon une nouvelle fois.