Par Zahirah RADHA
Piti avant pays
« Le PMSD est redevenu le PMXD », dixit le député Kushal Lobine (voir en pages 6-7). Il a vu juste. Au fil des années, Xavier Duval avait pris l’allure d’un homme d’État. Mais il s’est finalement révélé n’être – même pas un homme de parti – mais un chef de clan familial. Un père obnubilé par l’ego et les désirs surdimensionnés de son fils qui ne maitrise pas encore la politique mais qui a déjà un appétit bien féroce. Le père, au lieu de raisonner son fils, s’est courbé devant ses exigences, concluant un deal papa-piti dans le dos de son parti d’une part et du PTr-MMM de l’autre. Le cinéma de mauvais goût que père et fils Duval nous font voir depuis avril s’est ainsi soldé, le jeudi 18 juillet 2024, soit trois mois plus tard, par la nomination d’Adrien Duval comme Speaker de l’Assemblée nationale, en remplacement de Sooroojdev Phokeer. Tandis que ce dernier se trouvait sur son lit d’hôpital, le PMSD en a profité pour faire son lit politique, avec la bénédiction du MSM.
Désormais, Xavier Duval sera contraint de tenir le rôle d’opposition loyale jusqu’à la dissolution du Parlement. Il devra aussi ravaler tout ce qu’il a dit durant ces huit dernières années, tiré un trait sur tous les scandales qu’il a dénoncés, et applaudir toutes les démarches gouvernementales, aussi pitoyables soient-elles. Au lieu de marquer l’histoire comme l’avait fait son père Sir Gaëtan Duval, il sera désormais connu au même titre que Sir Anerood Jugnauth. Car les deux ont cédé aux caprices de leur fils, plaçant les intérêts personnels et familiaux avant ceux du pays. L’un a offert le primeministership sur un plateau à son fils Pravind, sans passer par l’électorat, et l’autre en cautionnant l’offre du Speakership à son fils Adrien, en faisant une virevolte spectaculaire après huit ans passés dans l’opposition. SAJ pouvait néanmoins plaider une santé fragile. Mais qu’en est-il de Xavier Duval ? Quelle excuse plausible pourra-t-il possiblement donner à la population, sans que lui et son fils ne soient perçus comme des assoiffés de pouvoir ?
Outre le deal « piti avant pays », il y a deux points clés à retenir concernant les derniers développements survenus cette semaine. Primo, l’ex-Speaker Sooroojdev Phokeer aura appris à ses dépens qu’il ne faut jamais franchir la ligne rouge, même lorsqu’on se sent hyper fort et protégé. Après avoir dépassé toutes les limites pour protéger le gouvernement du jour, ce dernier l’a, en retour, laissé tomber comme une vieille chaussette alors qu’il souffrait et qu’il n’était visiblement pas au courant de sa propre démission. Secundo, le ML a encore une fois prouvé qu’il est un parti sans vertèbre et sans véritables convictions ou idéologies politiques. Il continue d’encaisser les affronts, Zahid Nazurally, Deputy Speaker, ayant cette fois-ci été écarté de la présidence de l’Assemblée nationale pour les quelques séances qui restent. Mais les arrangements politiques avec le PMSD étaient manifestement plus importants que l’alliance existante avec le parti d’Ivan Collendavelloo. Ce qui laisse présager que le ML n’est peut-être pas si loin d’être sacrifié par le MSM, surtout après le coup fatal infligé à son leader dans l’affaire Saint-Louis, dont on peine toujours à voir les tenants et aboutissants.
Désormais, les yeux seront aussi rivés sur Steven Obeegadoo qui devra possiblement céder sa place de DPM une fois l’alliance avec le PMSD concrétisée. Et sur Tania Diolle qui sera sans doute appelée à changer de circonscription pour laisser la voie libre à Xavier Duval. Alan Ganoo se taira-t-il si les ailes de sa protégée sont brutalement coupées, d’autant qu’il a déjà élevé la voix contre ceux qui réclament la tête de Tania Diolle ? La méfiance s’est installée entre les différents partenaires du gouvernement et elle se montre de plus en plus perceptible, à y voir de plus près. Mais chaque parti et chaque élu ne songe pour l’heure qu’à ses propres intérêts. Avec le PMSD onboard, tout ce beau monde fera partie d’un regroupement uni pour une seule cause : Le pouvoir à tout prix. Les intérêts du pays et de la population n’y ont pas leur place.
Kuch to log kahenge…
Il souffle le chaud et le froid. Il ne sait pas s’il va soutenir le MSM ou le PTr aux prochaines élections. Pour l’heure, il reste candidat du parti soleil mais il ne demandera pas à ceux qui l’avaient plébiscité aux dernières élections de voter pour le candidat du MSM à l’élection partielle au no.10. Il n’a que Rs 92 sur son compte bancaire mais il est propriétaire de deux luxueuses voitures, avec des plaques d’immatriculation personnalisées. Des compagnies où il est actionnaire ont obtenu des permis, mais il n’en sait rien. Et même s’il était ministre à cette époque, il n’a tiré aucune ficelle. Grosso modo, il est complètement innocent et ne sait pas sur quel pied danser.
Si vous ne l’avez pas encore reconnu, il s’agit de Vikram Hurdoyal, qui est finalement sorti de son mutisme. Il a donné les raisons de sa révocation comme ministre de l’Agro-industrie en février dernier. Cinq raisons, au total : (1) Non-respect de discipline ; (2) Annonce d’une rencontre ‘farewell’ sur son WhatsApp dans le sillage des élections d’un nouveau président au conseil de district de Flacq ; (3) Sa décision de ne pas se porter candidat aux prochaines élections sans avoir informé son leader et Premier ministre ; (4) Message d’un ‘guru’ posté sur sa page Facebook et (5) spéculations sur un rapprochement avec le PTr.
Des raisons qui ne l’ont pas du tout convaincu. Mais Vikram Hurdoyal a néanmoins choisi de garder le silence, après avoir pleuré chaudement à sa descente d’avion. Pas que. Il a aussi remercié chaleureusement le Premier ministre et son épouse pour la confiance placée en lui alors qu’il venait d’être limogé sans en avoir été informé au préalable. Mais ce que l’on retient surtout de ce qu’il a dit, c’est l’absence de communication entre son leader et le chef du cabinet ministériel et lui-même. Hurdoyal n’a informé personnellement Pravind Jugnauth ni de son voyage privé ni de sa décision de ne pas se présenter aux prochaines élections. Ce soin, il l’a laissé à Sunil Bholah et Showkutally Soodhun.
Et même lorsque Vikram Hurdoyal n’était pas certain de l’indiscipline dont il avait fait preuve pour avoir été révoqué, il n’a pas cherché d’explication auprès de Pravind Jugnauth qu’il avait pourtant rencontré. Soit Hurdoyal a peur de Pravind Jugnauth soit il est trop naïf pour être vrai ! Autre révélation : il était isolé au sein du gouvernement. Il l’a dit lui-même : « Mes anciens collègues avaient décidé de soutenir Kishore Jeewooth, mais ils ont changé d’avis au dernier moment, à l’exception du ministre Balgobin ». Raison pour laquelle il avait songé à démissionner du cabinet ministériel. Sauf qu’il s’est fait devancer par le Premier ministre.
En fin de compte, Vikram Hurdoyal n’est peut-être pas si innocent qu’il le prétend. Mais il ne semble pas arriver à la hauteur de certains de ses anciens collègues non plus. Car pour des délits bien plus graves, d’autres sont toujours en poste. À l’instar du ministre et Attorney General Maneesh Gobin. S’il avait une once de dignité, il aurait claqué la porte de toutes les instances du MSM aussi vite qu’il avait démissionné du Parlement. Mais jusqu’à maintenant, il garde espoir envers un parti et un Premier ministre qui l’ont désavoué pour des raisons qui nous paraissent banales. À moins qu’il y ait autre chose qu’on nous cache. Entretemps, Vikran Hurdoyal peut continuer à pousser la chansonnette, surtout après cette histoire de « seva » qui l’a pris complètement au dépourvu. « Kuch to log kahenge, logon ka kaam hai kehna… »