[EDITO] Situation explosive

Une autre semaine pénible. D’autres augmentations de prix, débouchant sur de nouvelles manifestations citoyennes, les unes plus tendues que les autres. Encore et toujours des arrestations arbitraires, couplées d’allégations de brutalités policières. Un début de week-end sous haute tension, avec de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. L’arme de la répression est utilisée à fond pour faire taire les voix de plus en plus discordantes. Les tensions s’accumulent. La frustration s’accentue. Le volcan sur lequel s’assoit Maurice depuis quelques temps est en pleine éruption et menace d’exploser à n’importe quelle minute. Comme l’attestent les diverses protestations tenues vendredi soir et la matinée de samedi suivant l’arrestation et la détention de l’activiste Darren jusqu’à sa libération sous caution à la mi-journée, hier. La nuit de vendredi a été horrible, explosive même. On était à deux doigts de revivre un autre février 1999.

Et pourtant, tout cela aurait pu être évité avec un peu plus de bon sens, de compassion, de tact et de diplomatie. Il ne fallait pas plus que la libération sur parole de l’activiste Darren vendredi soir pour apaiser la situation avant qu’il ne comparaisse en cour le lendemain. Mais la police, agissant sans doute sur les fameuses instructions venues d’en haut, a choisi la voie des représailles, en jetant de l’huile sur le feu. Le comble, c’est que Pravind Jugnauth, en mission officielle avec sa famille en Inde, a trouvé les moyens de jeter le blâme sur « bane dimounes » qu’il accuse d’être à la base des émeutes de 1999 au lieu de reconnaître que le pays dont il gère fait face à une grave crise sociale qui transcende toutes les classes sociales et toutes les communautés, surtout parce que son gouvernement n’a pas su gérer la situation. Une crise dont il avait été prévenu, mais qu’il a feint de n’en rien comprendre, en faisant montre de son incompétence habituelle.

À plus de 5 000 kilomètres de Maurice, le Premier ministre, responsable de la paix et de la sécurité du pays, s’est de nouveau montré menaçant plutôt que d’être conciliant et rassurant. Le chef de gouvernement, dont le voyage dans la Grande Péninsule a été entièrement financé par les fonds des contribuables, a même eu le culot de dire que « mo pa kapave dilapide fonds publics pou donne satisfaction à court terme » alors qu’on sait pertinemment bien comment ses ministres ont saigné à blanc les caisses de l’État. Comprenez par là qu’il peut tolérer que ses ministres s’en donnent à cœur joie de « fer bal » avec les fonds publics à travers des « emergency procurement » orchestrés, mais qu’il ne peut remplir le ventre vide des plus vulnérables de la société pour leur aider à surmonter cette dure épreuve. C’est tout dire sur sa mentalité ! Et il y a de quoi exaspérer davantage les citoyens !

Que reproche la population au gouvernement ? Les cascades d’augmentations de prix, la perte du pouvoir d’achat, l’indifférence des autorités face aux problèmes quotidiens auxquels se heurtent nos compatriotes, comme le manque d’eau, les inondations ravageuses provoquées par l’absence de drains et les constructions illégales, les scandales et les abus des fonds publics ayant mis notre économie à genoux… Que réclame le peuple au gouvernement ? La suspension des projets fantaisistes pour accorder plus de priorité aux infrastructures urgentes comme l’aménagement des canalisations, l’enlèvement de certaines taxes sur les carburants pour éviter une spirale infernale d’augmentations de prix, l’annonce immédiate de certaines mesures visant à soulager ses misères pour qu’il puisse manger à sa faim, bref que les autorités lui prêtent une oreille plus attentive et se montrent plus réceptives à ses demandes durant ces temps pénibles. Que fait le gouvernement face à la revendication populaire ? Tout le contraire de ce que la population lui réclame. Dans un tel contexte, comment le Premier ministre ne s’attend-il donc pas à ce qu’il y ait des soulèvements populaires ?

Pravind Jugnauth, s’il ne veut pas que le pays ne se termine à feu et à sang, doit convoquer en toute urgence son conseil des ministres dès son arrivée au pays pour venir de l’avant avec des mesures urgentes pour soulager les ménages. Il y va de l’intérêt du pays. Il y va aussi de sa survie politique, d’autant que l’Opposition annonce une « motion of no confidence » contre lui.