Eric Ng Ping Cheun, économiste

Questions à…

« On ne combat pas l’inflation par des cadeaux monétaires  »

Q : Quelle analyse faites-vous du budget qui a été présenté par le ministre des Finances, vendredi ?

Il n’y a pas de doute que c’est un budget populiste. Cela ne m’étonne pas puisqu’on est officiellement à une année des prochaines élections générales. Cela apporterait évidemment un soulagement à la population et apaisera quelque peu sa colère, surtout en marge de la campagne électorale à venir. Mais comme toujours, bien que cela aura un effet positif à long terme pour les consommateurs, à moyen terme cependant, ces derniers seront rattrapés par l’inflation à moyen terme, probablement dans six mois. On peut distribuer de l’argent, mais s’il n’y a pas de production, l’inflation pointera sans nul doute le bout de son nez. On ne peut pas sortir de là.

Q : Est-ce à dire que l’économie a été une nouvelle fois reléguée au second plan ?

Le budget n’a pas changé dans le fond. Il ressemble aux trois premiers budgets du ministre Padayachy et comporte une prédominance du social au lieu de l’économie. Certes, il a adressé l’aspect économique au début de son discours budgétaire, probablement parce qu’il devait, je pense, envoyer un signal aux instances internationales, comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale (BM) et aux agences de notation, entre autres, pour montrer qu’il fait des réformes. Mais il y a toute une différence entre dire et faire.

Q : L’endettement public ne risque-t-il pas d’augmenter davantage avec le nombre de projets d’infrastructures annoncées ?

Officiellement, il dit que la dette publique a baissé, quoique le taux est toujours élevé. Je suppose que les fonds qui seront investis dans ces projets proviendront de l’argent qu’il avait pris de la Banque de Maurice (BoM) et dont la totalité n’a pas encore été utilisée. Il faut aussi se rappeler que cet argent n’est que de l’argent imprimé.

Q : Les nouveaux piliers économiques pour relancer l’économie semblent inexistants, avec une répétition des mêmes mesures. Qu’en pensez-vous ?

Il a de nouveau mis l’accent sur les énergies renouvelables, comme il l’avait fait l’année dernière. Tout reste cependant à faire. Il veut que Maurice devienne une « zero carbon economy ». C’est très ambitieux, mais je ne pense pas que ce soit réalisable. On peut le faire jusqu’à 50% à terme, mais certainement pas à 100%. J’estime personnellement que c’est impossible.

Q : Que retenez-vous surtout de cet exercice budgétaire ?

C’est surtout le côté populiste. Comme je vous l’ai dit, la distribution de l’argent calmera un peu la population face à l’effritement de son pouvoir d’achat. Il faudra cependant voir son effet dans la durée. Il est clair que nous serons rattrapés par l’inflation. La hausse du salaire provoquera une hausse des prix, et on entrera ainsi dans une spirale infernale. On ne peut pas combattre l’inflation par la hausse des salaires. À un moment donné, on va devoir faire face à la dure réalité. Pour combattre l’inflation, il faut d’abord réduire la quantité de monnaie en circulation, et ensuite, augmenter la production…

Q :  Ce que nous ne faisons pas ?

Oui, il ne donne pas l’impression qu’il met l’accent sur la production. Li pe guet zis consommation, pe donne dimoune cado à gauche, à droite. Ce sont des cadeaux monétaires qui incitent aux dépenses et à la consommation. Et ce n’est pas ainsi qu’on peut combattre l’inflation. Make no mistake on it. Il aurait dû plutôt se concentrer sur la diversification de l’économie et encourager l’exportation, entre autres.

Propos recueillis par Zahirah RADHA