Trompe-l’œil

La présentation du budget a été ponctuée par les habituels « tab latab » par les membres du gouvernement. Cela va de soi. En écoutant Renganaden Padayachy, l’impression qui se dégage, c’est que personne n’a été oublié. Tous les coins et recoins du pays ont été mentionnés. Outre les salariés et les aînés, les jeunes électeurs et les tous petits ont également été inclus dans ce que le ministre des Finances a qualifié de « penultimate » (avant-dernier) budget du présent gouvernement. Cela a sans aucun doute été fait expressément. Avec deux principaux objectifs en tête. D’abord, démolir l’image d’un gouvernement pouvoiriste, souvent accusé de favoriser ses clans à travers des nominations et d’autres largesses et privilèges.

Et ensuite, appâter l’électorat à l’approche des prochaines élections. Et puisque le gouvernement de Pravind Jugnauth ne jure que par le « money politics », quoi de mieux pour lui que de distribuer des miettes financières à une population durement éprouvée par la cherté du coût de la vie, surtout après lui avoir rendu économiquement « touni » à travers la dépréciation délibérée de la roupie, la TVA et les taxes excessives sur les carburants, entre autres. L’effet de cette distribution de richesse n’est cependant qu’illusoire, selon des économistes. Les Mauriciens, disent ces derniers, seront vite rattrapés par la spirale inflationniste. Le soulagement de la population ne sera donc que temporaire…

Outre le côté populiste du budget, les fondamentaux économiques ont, une nouvelle fois, été relégués au second plan. Hormis la révision fiscale, qui était « long overdue » selon des observateurs économiques, et l’ouverture à la main d’œuvre étrangère pour pallier au manque accru des travailleurs locaux dans divers secteurs, les défis économiques – production, diversification de l’économie, création de nouveaux piliers, révision de la politique monétaire – ne semblent pas avoir été pris en considération. D’ailleurs, des professionnels ne manquent pas de souligner la ruse utilisée par Padayachy pour nous jeter de la poudre aux yeux. Car en donnant les indicateurs économiques (exportation, PIB, etc.)  en termes de roupie alors qu’on exporte en dollars ou en euros, cela lui permet de gonfler les chiffres pour faire croire que l’économie prospère. Ce qui ne traduit pas forcément la réalité.

Jusqu’ici, le gouvernement a délibérément maintenu la dépréciation de la roupie afin d’engranger davantage de revenus à travers la TVA et ainsi renflouer les caisses publiques, saignées à blanc par l’octroi des contrats scandaleux sous l’‘Emergency Procurement’, et les dommages payés à coup de millions et de milliards de roupies pour ses mauvaises décisions, entre autres. Ce qui explique pourquoi le Dr Navin Ramgoolam a parlé de « prend deux bef pou donne ene dizef ». Cela ne peut être plus vrai. Le plus tôt la population le réalise, le mieux ce sera pour tout le monde.