Une contestation doit être envisagée

Renvois des élections municipales

Les Mauriciens, en particulier les citadins, sont actuellement indignés. En effet, pour la troisième fois consécutive, les élections municipales ont été reportées. Le mandat des conseillers municipaux actuels, élus et en place depuis 2015, va donc être prolongé de deux ans. Le communiqué du Conseil des ministres de vendredi est clair à ce sujet : « Cabinet has agreed to the introduction of the Local Government (Amendment) Bill into the National Assembly. The object of the Bill is to amend the Local Government Act to empower the President, acting in accordance with the advice of the Prime Minister, to further extend the life of the entire Municipal City Council and Municipal Town Councils, or entire Village Councils for a period of two years. »

Parvez Dookhy : « Le socle de notre démocratie est menacé »

L’avocat constitutionnaliste Parvez Dookhy, basé en France, estime qu’il est nécessaire de contester la constitutionnalité de cette loi devant la Cour suprême. Selon lui, celle-ci constitue un vol et une violation de la démocratie. « Cette loi touche directement au principe démocratique de notre constitution, car les citadins ont le droit de choisir eux-mêmes leurs représentants. Dans ce cas, c’est le gouvernement, en l’occurrence Pravind Jugnauth et Pradeep Roopun, qui choisit les représentants des habitants des villes. Ils seront en poste depuis bientôt une décennie si cette loi passe. Il est obligatoire de la contester en cour suprême, et même d’aller au Conseil Privé du Roi. Le jugement, dans le cas de Trinidad & Tobago, doit être utilisé comme référence », dit l’avocat. « Cela dépendra aussi de la volonté de la Cour Suprême de faire avancer cette affaire, de façon à ce que cela ne prenne pas beaucoup de temps, car dans le cas similaire de Trinidad & Tobago, six mois ont suffi pour avoir un verdict du Privy Council, dans lequel l’ultime instance de la justice a reconnu que reporter les élections municipales était illégal », ajoute-t-il.

Parvez Dookhy remet également en question la justification avancée par le ministre des Arts et de la Culture, Avinash Teeluck, selon laquelle une réforme du gouvernement local est en cours. Selon l’avocat, il est peu probable qu’une telle réforme se concrétise rapidement. Il estime que le Premier ministre craint d’affronter l’électorat urbain, car il serait certainement battu, et avec un score sans précédent. « Comment est-ce que le Bureau de l’Attorney General a pu conseiller au gouvernement de prendre cette décision ? » s’interroge Parvez Dookhy. L’avocat ne digère pas le fait que presque la moitié de l’électorat mauricien soit privée de son droit de vote. « C’est le socle même de notre démocratie qui est menacé ! » martèle Parvez Dookhy.

L’avocat constitutionnaliste appelle les membres de la majorité gouvernementale à agir selon les principes du droit, plutôt que comme des membres du gouvernement. Il estime que si rien n’est fait, la démocratie mauricienne sera bafouée, et que l’histoire retiendra qu’il s’agit d’un abus de pouvoir de la part de la majorité. Il demande également la démission collective des membres de l’opposition qui continuent d’exercer leurs fonctions en tant que conseillers municipaux.

Kushal Lobine : « De quelles réformes parle le GM ? »

Au sein des partis d’opposition parlementaire (PTr-MMM-PMSD), des discussions sont en cours pour déterminer la marche à suivre, et une contestation devant la Cour suprême n’est pas exclue. C’est ce que soutient Kushal Lobine, député du PMSD. Il ne pense cependant pas, lui, qu’il sera possible de calquer le renvoi des élections municipales mauriciennes sur celui de Trinidad & Tobago, car, selon lui, le jugement est spécifique à ce pays. Poussant le bouchon plus loin, il affirme que « le gouvernement dit qu’il commence à penser à des reformes, mais quelles réformes ? Ils ne nous l’ont pas dit. Ils se sont servi de cela comme prétexte pour jouer avec le timing » dit-il.

Il est nécessaire qu’il y ait un “Locus Standi” – l’intérêt à agir qui permet à un individu de faire valoir un intérêt lésé et de se pourvoir en justice, pour qu’une affaire puisse être portée devant la Cour suprême. Dans cette optique, les membres de l’opposition parlementaire étudient la possibilité et la stratégie à adopter en tenant compte du timing. « À Maurice, lorsque nous engageons une affaire en justice, cela prend du temps. Je serais étonné si la Cour suprême émettait un “Freezing order” sur cette loi. Nous ne pouvons pas recourir directement au Conseil privé du Roi. Nous devrons d’abord passer par les instances mauriciennes », déclare Kushal Lobine.

En réponse à une question sur la nécessité d’inscrire les élections municipales et villageoises dans la Constitution, il affirme que c’est ce que réclame PMSD depuis 2018. « Nous avons besoin d’une harmonisation des élections régionales et générales pour encourager les électeurs à se rendre aux urnes. Cela coûte environ Rs 200 millions à l’État. C’est un problème qui doit être traité en profondeur », lance Kushal Lobine.

Transparency Mauritius dénonce la tendance autocratique du régime

Dans un communiqué émis le 25 mai, Transparency Mauritius a également exprimé sa préoccupation quant à la tendance autocratique du régime en place. L’organisation dénonce l’incapacité du peuple mauricien à s’exprimer par le biais des urnes, la marginalisation des membres de l’opposition parlementaire, ainsi que les menaces contre les journalistes. Transparency Mauritius souligne que la plupart des institutions sont verrouillées, et dirigées par des nominations politiques.