FCC ou ICAC bis

Depuis mercredi dernier, le nom de l’actuel directeur général de l’‘Independent Commission Against Commission’ (ICAC), Navin Beekarry, a été communiqué officiellement au leader de l’Opposition, Xavier Luc Duval, conformément à la section 7(3) et 10(1) de la FCC Act, pour diriger la ‘Financial Crimes Commission’ (FCC). Ce qui confirme les rumeurs qui circulaient à ce propos depuis l’annonce de la création de cette instance. Les noms des quatre commissaires ont également été proposés. Il s’agit de Narainkrishna Peerun, ancien directeur général du ‘National Security Service’ (NSS), Abdool Carrim Namdarkhan, avocat, Marie Claudine Lillette Paya, ancien Ag. Registrar General et Jugdish Dev Phokeer, ancien secrétaire permanent et frère de l’actuel Speaker, Sooroojdev Phokeer. Les deux premiers nommés, soit Narainkrishna Peerun et Abdool Carrim Namdarkhan, font déjà partie du board de l’ICAC. Quant à Jugdish Dev Phokeer, il avait déjà fait parler de lui dans le sillage de l’enquête sur le recrutement de Youshreen Choomka à l’‘Independent Broadcasting Authority’ (IBA). Les noms proposés donnent déjà la perception que la FCC ne serait pas indépendante. Pire, elle ne serait qu’une ICAC bis.

Le leader de l’Opposition, bien qu’il ne soit pas au pays actuellement, ne reste pas insensible à cette proposition. D’autant que l’opposition avait déjà élevé la voix quant à cette éventuelle nomination. Xavier Luc Duval nous a confirmé qu’il s’y oppose catégoriquement et qu’il compte contester cette décision auprès du Premier ministre et du Président de la République. Dans le camp de l’opposition, que ce soit parlementaire ou extra-parlementaire d’ailleurs, le choix de Navin Beekarry pour diriger la FCC est très mal accueilli. Ce dernier ne sera pas tenu, selon la FCC Act, de consulter le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) avant de poursuivre quelqu’un. En d’autres mots, il aura les mains libres d’une part de ne pas poursuivre un proche du régime qui fait l’objet d’une enquête, et d’autre part, de loger des poursuites formelles contre un opposant du régime. D’où les craintes exprimées.

Mais la question qui se pose, la contestation du leader de l’Opposition sera-t-elle prise en considération ? La nomination du directeur général de la FCC doit se faire en consultation avec le leader de l’opposition. Qu’il soit d’accord ou pas, cela aura-t-il une incidence sur cette nomination ? Après les célébrations de l’Indépendance et le départ de l’invité d’honneur, le Président de la République devrait avaliser la nomination de Navin Beekarry. Et devraient alors débuter les choses sérieuses concernant la mise en place de cette nouvelle instance. 

Des anciens de l’ICAC, de la FIU et de l’IRSA à la FCC 

Aussitôt la nomination de Beekarry et des commissaires avalisée, une équipe spéciale se réunira pour la mise en place de cette nouvelle entité. Ce qui provoquera la mort naturelle de l’ICAC, de la ‘Financial Intelligence Unit’ (FIU) et de l’‘Integrity Reporting Services Agency’ (IRSA). Ce sont d’anciens officiers de ces différentes organisations qui feront partie de la FCC. Parmi eux, l’équipe du département d’enquête de l’ICAC. Ce département a actuellement plusieurs dossiers qui sont en cours. Ces dossiers seront automatiquement transférés à la FCC. Dans un premier temps, ce sont les locaux de l’ICAC, se situant au Réduit Triangle, qui seront utilisés pour abriter la FCC. D’ailleurs Navin Beekarry compte conserver son bureau, qui avait été rénové il y a quelques années et qui avait fait l’objet d’une enquête du CCID, suivant la levée de boucliers de l’opposition. Enquête dont on n’a plus entendu parler depuis un certain temps…

Me. Richard Rault, avocat

« Il n’y a rien de surprenant dans la désignation de Navin Beekarry en tant que son propre successeur, avec des pouvoirs élargis, de l’ICAC à la FCC. Ce qui est plus intéressant, c’est le choix des commissaires. Nous avons besoin de savoir quel rôle ils vont exercer puisque les pouvoirs du chairman sont considérables et que c’est lui qui va tout décider au sein du futur organisme. Personnellement, j’ai toujours dit que l’ICAC et maintenant la FCC ne doivent pas être présidée par un nominé politique, mais par un triumvirat composé du DPP, du directeur de l’Audit et du DG de la MRA. Il n’y a rien de mieux pour combattre la corruption et les activités mafieuses qu’une alliance de légistes, de l’Audit et du fisc, d’autant qu’ils sont nommés de façon indépendante et sans ingérence politique. Cela a été prouvé à travers le monde.

Je crois savoir qu’il y a déjà une action constitutionnelle de la part du DPP. Tant qu’il n’y a pas eu de décision de la Cour suprême pour sanctionner (??) les dispositions de la FCC, …. ( ???)

Évidemment, il y a peut-être des motivations qui peuvent être soulevées par le biais d’une ‘judicial review’ pour tester le ‘reasonableness’ de la désignation de M. Beekarry et de ses pouvoirs qui empiètent sur ceux du DPP ».

Vinod Boolell, ancien juge de la Cour suprême

« Les consultations ne sont qu’une farce ! »

« C’est une nomination sans surprise. Si l’intention était de mettre sur pied une nouvelle institution pour combattre la fraude, la corruption et le blanchiment d’argent, il y aurait dû avoir une nouvelle équipe qui aurait fait ses preuves. Mais vu la réputation de l’ICAC et des personnes qui y sont, rien ne changera si on nomme les mêmes personnes. C’est du moins l’impression qui se dégage. La consultation avec le leader de l’Opposition n’est qu’une farce. Avec ou sans consultation, ils feront ce qu’ils veulent. Sa zafer consultation dans la loi ou dans la Constitution, c’est ene maquillaz sa, c’est tout. Si le DPP a logé une plainte constitutionnelle en Cour, on aurait dû attendre une décision de la Cour avant de procéder. J’espère d’ailleurs que la Cour tranche le plus rapidement possible au lieu de traîner comme elle l’a fait concernant les pétitions électorales et plus récemment dans le cas du réenregistrement des cartes SIM ».