[Journée internationale des droits des femmes] Ces femmes persécutées pour avoir élevé la voix contre des injustices

La Journée internationale de la Femme, célébrée le 8 mars de chaque année, offre une occasion de mettre en lumière la lutte incessante des femmes pour obtenir une place égale à celle des hommes dans la société. Cette bataille est ardue, et atteindre cet objectif n’est pas une tâche facile, comme en témoigne la persistance des inégalités à différents niveaux, que ce soit sur le plan politique, social ou professionnel.

Bien que des progrès aient été réalisés, les femmes continuent de faire face à des obstacles importants. Alors que nous mettons de plus en plus l’accent sur la valorisation des femmes dans la société, il est regrettable de constater que celles qui osent dénoncer les injustices sont souvent persécutées. Rencontre avec quelques femmes qui ont subi de telles injustices.

Yogita Baboo Rama : « Valoriser les efforts des femmes dans la société »

Yogita Baboo Rama, licenciée par la compagnie aérienne nationale Air Mauritius souligne que malgré les progrès réalisés depuis l’indépendance de Maurice en 1968, les femmes peinent toujours à être pleinement acceptées dans un monde où les hommes prédominent. Elle insiste sur la nécessité de valoriser les contributions des femmes à la société, afin qu’elles se sentent pleinement intégrées. « Lorsque l’on aborde l’égalité des genres, il est essentiel de valoriser les efforts des femmes dans la société, avec respect. C’est uniquement ainsi que les femmes pourront se sentir à l’aise dans un monde encore largement dominé par les hommes. Pour qu’elles soient pleinement valorisées dans la société, il est crucial d’accepter l’idée qu’elles peuvent travailler dans tous les domaines, tout comme les hommes, et qu’elles sont tout aussi capables de gérer les situations qui se présentent », dit-elle.

Elle se souvient de son licenciement brutal, où son statut de femme syndicaliste, de veuve et de mère célibataire n’a pas été pris en considération. Elle a simplement été mise à l’écart pour avoir dénoncé les dysfonctionnements de la compagnie aérienne, une situation que l’AMCCA était le seul syndicat à dénoncer, et s’est retrouvée financièrement dépendante de sa famille. En tant que présidente de l’AMCCA, son cheval de bataille est l’injustice. Yogita Baboo Rama soulève également des questions importantes : Avons-nous réellement réfléchi aux droits des femmes, à leur promotion à des postes décisionnels, à leur indépendance et à leur égalité avec les hommes avant de les licencier ?

Nathalie Gopee : « En politique, les hommes persistent à placer les femmes en position inférieure »

Nathalie Gopee, également sous les feux des projecteurs récemment pour avoir dénoncé des maltraitances et des menaces du PPS du gouvernement Kenny Dhunoo, exprime son inquiétude quant à son avenir. En tant que conseillère municipale à Curepipe, elle fait état de critiques sexistes après avoir réclamé ses droits et dénoncé des injustices. Elle déplore que les femmes soient encore confrontées à de telles situations de nos jours et souligne la nécessité pour les femmes d’être fortes et résilientes face à ces défis. Selon elle, dans la société actuelle, on n’encourage plus les femmes à dénoncer les injustices et à progresser. De plus, selon elle, lorsqu’une femme envisage de dénoncer l’État ou toute autre entité, elle doit s’attendre à des représailles. Elle souligne également le manque de soutien entre femmes, notamment lorsqu’une femme porte plainte contre un homme et n’est pas assistée par une policière. « Ce manque d’assistance entre femmes dans le pays pose problème : comment peut-on dénoncer des injustices lorsque le regard des autres est porteur de jugement ? », interroge-t-elle.

Selon Nathalie Gopee, il est clair que des changements sont nécessaires pour transformer les mentalités et les perceptions générales. Elle prend l’exemple d’une journaliste de la télévision nationale de la MBC, critiquée après avoir commis une erreur en direct. « Ces critiques massives ne font que décourager les femmes au lieu de les encourager », souligne-t-elle.

« Il est impératif que la société modifie sa mentalité. Actuellement, les critiques envers les femmes proviennent souvent du parti adverse, alors que dans de nombreux cas, les femmes sont aussi compétentes, voire plus, que les hommes. La question se pose : devons-nous démontrer que nous sommes plus aptes que nos homologues masculins ? En politique, les hommes persistent à placer les femmes en position inférieure et à les faire travailler sous leurs ordres, rendant difficile pour elles de s’épanouir dans ce domaine. Il est temps de valoriser le travail des femmes, notamment le 8 mars, journée dédiée à leur reconnaissance, mais où l’accent n’est pas suffisamment mis sur leur promotion. Il est nécessaire de rappeler quotidiennement aux Mauriciens que les femmes ont leur place dans la société et que leurs droits doivent être respectés non seulement par les partis politiques, mais aussi par l’ensemble de la société », ajoute-t-elle.

Elle insiste sur le fait que bien que la maison soit un lieu où les femmes occupent souvent un rôle traditionnel, elles peuvent également contribuer à la société. La conseillère municipale demande instamment à ce que les femmes soient respectées dans tous les domaines de la vie sociale.

Simla Kistnen : « Reconnaître la capacité des femmes et leur accorder la valeur qu’elles méritent »

Simla Kistnen, veuve de Soopramanien Kistnen, lutte depuis longtemps pour obtenir justice pour son défunt mari. Cela fait maintenant quatre ans qu’elle attend de pouvoir faire son deuil. Malgré les difficultés, elle n’a jamais abandonné et continue de se battre en tant que mère, épouse et femme. Elle affirme vivre une situation inédite, mais reste déterminée dans ses actions. Selon elle, les femmes doivent avoir du courage pour surmonter les obstacles. Récemment, elle a été arrêtée par la CCID, ce qui l’a profondément choquée alors qu’elle se préparait pour le pèlerinage à Grand Bassin avec son fils. Simla souligne l’importance de reconnaître la capacité des femmes et de leur accorder la valeur qu’elles méritent. Elle estime qu’il faut faire davantage pour promouvoir les femmes et que le pays doit redoubler d’efforts pour les valoriser.

Prisheela Mottee : « Intensifier leurs efforts de sensibilisation et d’éducation »

Prisheela Mottee estime que Maurice a progressé en matière d’égalité des genres, notamment en termes d’emploi, d’éducation, de droits de vote et de liberté d’expression. Cependant, malgré les progrès législatifs pour protéger les femmes, celles-ci se heurtent toujours au plafond de verre dans de nombreux domaines. Bien que le pays compte cinq ministres femmes, représentant plus de 50% de la population, les femmes restent sous-représentées dans les postes de direction. Elle souligne que la valorisation des femmes passe par leur autonomisation, et constate que malgré les lois, les femmes demeurent les principales victimes de la violence domestique et du harcèlement en ligne. Pour elle, l’éducation est la clé de la valorisation des femmes, et cela doit commencer dès le plus jeune âge, en intégrant des modèles féminins dans le système éducatif et en éliminant les préjugés sexistes. Elle appelle à des campagnes de sensibilisation et d’éducation à tous les niveaux de la société, ainsi qu’à l’élimination de la communication sexiste dans les médias.

« Il est vrai qu’un fossé générationnel persiste, mais tout en travaillant sur l’éducation pour promouvoir la valorisation des femmes, nous devons mener des campagnes de sensibilisation auprès de nos aînés. Avec une population vieillissante, il est crucial de collaborer avec les grands-parents, qui jouent un rôle essentiel dans le transfert culturel vers les jeunes générations, leurs petits-enfants. En créant des groupes de discussion ciblés dans les centres sociaux, nous pouvons partager et mettre en valeur les contributions des femmes au progrès du pays. Cette sensibilisation aura un effet d’entraînement lorsque les grands-parents transmettront ces connaissances dans le cadre familial », avance-t-elle.

« Je suis fermement convaincu que nous sommes encore profondément enracinés dans une société patriarcale où la perception de la domination masculine persiste. Il est impératif de reconsidérer cette mentalité et de promouvoir activement le concept d’égalité des genres. Toutes les parties prenantes, y compris les médias, les législateurs et les ONG, doivent intensifier leurs efforts de sensibilisation et d’éducation. Bien que nous puissions avoir les meilleures lois au monde, elles ne seront pas efficaces sans une formation juridique adéquate », conclut-elle.