La dette publique atteindra les Rs 359 milliards

Dossier

D’ici 2020/2021

La dette publique : un lourd fardeau pour les frêles épaules de notre petite île Maurice. Développer, c’est bien, mais quand on est obligés d’emprunter pour financer nos projets de développement, c’est moins bien. L’abondance des financements accordés par l’Inde, l’Arabie saoudite et d’autres pays… un jour, il faudra bien rembourser. Valeur du jour, selon les chiffres du ministère des Finances, la dette publique est à 62,9 % du Produit Intérieur Brut (PIB), contre 64,8 % en juin 2017. Ce qui est élevé pour un petit pays comme le nôtre, avec un impact majeur sur la société mauricienne et son économie, bien que le gouvernement s’active pour réduire la dette. Nous avons tout intérêt à ne pas suivre le chemin de la Grèce avec ses 180 % de dette publique par rapport au PIB, Or, des économistes nous mettent en garde contre le cercle vicieux de l’endettement. Nos élus sont-ils capables d’une gestion rigoureuse de la dette publique ?

Marwan Dawood

La dette publique pour les non-initiés

La dette publique est le cumul de tous les emprunts contractés par le gouvernement à Maurice, y compris à l’étranger, et les engagements financiers des compagnies publiques, comme stipulé par la Public Debt Management Act de 2008.

Ceci dit, il est important de faire le point sur la situation car selon les dernières indications publiées dans les Budgetary Estimates qui accompagnent le Budget Speech, les clignotants sont au rouge concernant la dette publique.

Dans la section « Medium Term Macoreconomic Framework », la dette publique par rapport au PIB est de 57.0 % pour la Budgetary Central Government Gross Debt pour l’année financière 2017/2018, et demeure la même pour 2018/2019. En ce qui concerne la Public Sector Gross Debt, elle se pointe à 63,4 % du PIB pour 2017/2018 et 63,1 % du PIB pour 2018/2019. Les autorités visent à descendre sous la barre des 60 % d’ici 2020.

Par ailleurs, il se trouve que la dette par tête d’habitant est estimée à quelque Rs 238 630, ce qui est l’équivalent de la moyenne nationale des salaires par an. C’est vers la fin de 2014 que la barre des Rs 200 000 avait été franchie pour la première fois.

Ces chiffres démontrent que Maurice a la grosse tête… non pardon, la grosse dette. La dette publique se chiffre à Rs 301,5 milliards selon les ‘estimates’ du Ministère des Finances et du développement économique (MOFED) de 2017/2018, et ce chiffre connaîtra des hausses jusqu’en 2020/2021 où il atteindra la barre des Rs 358,7 milliards, soit 60 % du PIB. De ce fait, on va dire que le pays vit à crédit, sans doute, et sans ironie.  Vivons-nous une situation économiquement dangereuse ? En soi, une dette n’est ni bonne ni mauvaise, or ce qui peut être inquiétant, c’est l’absence de maîtrise.

Une opération bourrée de risques

En parlant de maîtrise, il est important de faire le point sur les risques qui guettent le gouvernement concernant la dette publique.  Les principaux risques des emprunts sont :

  • Risques des taux de change
  • Risques de refinancement
  • Risque des taux d’intérêts.

Par ailleurs, il faut faire ressortir que l’argent utilisé dans le remboursement de ces dettes aurait pu être utilisé à d’autres fins pour ajouter de la valeur dans l’économie mauricienne. En augmentant la dette, le gouvernement, peu importe qui est au pouvoir, met les générations futures dans une spirale de dettes. Une hausse dans la dette publique peut également créer une situation où l’île Maurice perdra sa cote de solvabilité et de crédibilité vis-à-vis des agences internationales dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Et finalement, la montée de la dette mène à la détérioration du bien-être social à travers plusieurs régimes fiscaux pour rembourser des prêts, comme la taxe sur les carburants.

Comment en est-on arrivé là ?

Malheureusement, en l’absence d’une Freedom of Information Act, nous sommes privés de plusieurs éléments de réponse concernant les prêts étrangers. Cependant, nous savons que Maurice a bénéficié d’une ligne de crédit de l’Inde à hauteur de Rs 18 milliards en 2016, décaissée à travers l’EXIM Bank of India et la SBM.

Une partie du remboursement est garantie par l’État, mensuellement, à travers un Special Purpose Vehicle (SPV). Il y a également la ligne de crédit de Rs 1,7 milliard pour le projet Trident. Une fois n’est pas coutume, on remonte jusqu’en 2012, où Maurice avait bénéficié d’une ligne de crédits de Rs 4,5 milliards, toujours de l’Inde.  Encore et toujours, en mars dernier, le président de la Grande Péninsule, Shri Ram Nath Kovind, a annoncé une nouvelle ligne de crédits, à hauteur de $100 millions.

Il faut aussi compter les prêts au National Property Fund suivant le démantèlement de la BAI/ Bramer Bank, qui avoisinent les Rs 10 milliards, et qui se retrouvent bien évidemment dans la dette publique.

Revenons alors sur les projets qui ont nécessité un emprunt récemment. On peut s’intéresser au projet Safe City, qui ne se fera pas sans un prêt bancaire de Rs 460 millions contracté par Mauritius Telecom auprès de l’EXIM Bank de Chine, dont l’État s’est porté garant. Le projet ne devrait rapporter pas moins de $ 456 millions à Mauritius Telecom sur les 20 prochaines années.

SPV : un moyen de détourner l’attention de la dette publique ?

Le gouvernement a mis sur pied des Special Purpose Vehicles (SPV) dans le but de gérer les emprunts et de redistribuer l’argent pour des projets. Mais est-ce un moyen pour l’État de continuer à investir dans des projets d’infrastructures publiques sans pour autant alourdir la dette publique ? Pravind Jugnauth pense plutôt que c’est une gestion efficace des fonds publics. C’est ce qu’il a répondu au Parlement il y a quelques semaines. Mais dans le domaine économique,  on avance que les SPV ne sont en réalité qu’une façon pour que le gouvernement essaie de détourner l’ampleur de la dette aux yeux de la population. Une thèse qui pourrait s’avérer puisque, lorsque le gouvernement a recours à un SPV, la Public Procurement Act ne s’applique pas. Auparavant, en 2015, il avait été annoncé que des SPV allaient voir le jour afin de financer des Zones Économiques Spéciales (ZES) en Afrique.

Attention au cercle vicieux d’endettement

Ils sont nombreux ceux qui expriment des craintes concernant la situation de la dette publique à Maurice. Parmi, on retrouve l’économiste en développement, Ganessen Chinnapen.  Ce dernier explique que la dette publique a toujours eu un impact désastreux sur les finances d’un pays, le développement économique et le bien-être social.  Il cite par ailleurs plusieurs exemples dont la Grèce, Chypre et l’Argentine, qui ont tous subi les conséquences d’un effondrement de l’État, lié directement à une crise concernant la dette souveraine. « Il ne faut pas arriver un moment où on n’est plus en mesure d’honorer la dette publique », prévient-il.

De ce fait, Ganessen Chinnapen explique qu’il est nécessaire que les autorités mauriciennes prônent la discipline budgétaire à travers une gestion prudente de la dette, et ce en raison de la nature de notre économie.  « Nous sommes un petit pays qui dépend entièrement sur nos ressources humaines car nous n’avons pas de ressources naturelles. Il faut créer une valeur ajoutée, tout en effectuant un développement durable pour ne pas épuiser notre résilience », dit-il.  Dans le cas contraire, l’économiste en développement explique que « nous pouvons facilement tomber dans un cercle vicieux d’endettement. »

Pour Ganessen Chinnapen, la dette publique peut être réduite directement en adoptant un système d’oppression fiscale. « C’est justement ce que les États-Unis ont fait récemment à travers le cadre de la falaise fiscale. Cependant je préfère une approche plus disciplinée et non oppressive. Il faut alors supprimer les dépenses ministérielles exagérées et encourager la production et la consommation nationale et éventuellement l’exportation », explique-t-il. Ce dernier est également d’avis qu’il faut promouvoir et encourager les Partenariats Public-Privé (PPP) dans les projets d’infrastructures nationales.

Selon le site Trading Economics, la dette publique au PIB sera de 66 % en 2020

 

Vue d’ensemble

 

 

Actuel

 

3e trimestre de 2018

 

4e trimestre de 2018

 

1er trimestre de 2019

 

 

2e trimestre de 2019

 

2020

 

La dette publique au PIB

 

 

64.90 %

 

67 %

 

67 %

 

68 %

 

68 %

 

66 %

 

Budgets du gouvernement

 

 

-3.20 %

 

-3.5 %

 

-3.37 %

 

-3.38 %

 

-3.38 %

 

-3.28 %

 

Valeurs des budgets du gouvernement

 

 

-1729.80 Mds

 

-408 Mds

 

-347 Mds

 

-449 Mds

 

-448 Mds

 

-473 Mds

 

Les dépenses du gouvernement

 

 

17606.00 Mds

 

17207 Mds

 

18191 Mds

 

18293 Mds

 

19071 Mds

 

19864 Mds

 

Revenus gouvernementaux

 

 

7683.10 Mds

 

8424 Mds

 

8705 Mds

 

8506 Mds

 

8504 Mds

 

8478 Mds

 

Dépenses fiscales

 

 

9412.90 Mds

 

 

8832 Mds

 

8921 Mds

 

8954 Mds

 

8952 Mds

 

8951 Mds