Le calvaire des travailleurs étrangers qui tombent malades

Dossier

En l’espace de quelques semaines seulement, deux cas ont mis en exergue la souffrance que peuvent subir des travailleurs étrangers qui se retrouvent dans l’incapacité de travailler suite à un accident de travail ou d’une maladie.  Mohamed Babul et Monir Khan, deux travailleurs d’usine originaires du Bangladesh, se sont retrouvés plusieurs jours à l’hôpital pour des raisons différentes. Il est important de revoir les procédures dans des cas comme ceux-ci et de faire en sorte que les mêmes problèmes ne resurgissent pas à chaque fois.

Sharone Samy/Marwan Dawood

Mohamed Babul est tombé subitement malade sur son lieu de travail pendant que Monir Khan a lui été victime d’un hit and run après les heures de travail. Les deux ont dû faire face au même calvaire. Laissés pour compte, les deux hommes ont du se fier à la générosité des Mauriciens pour regagner le Bangladesh. Quant aux autorités, leur rôle a été qualifié de ‘minime’ par plusieurs personnes qui ont aidé ces deux travailleurs. Cependant, il est important aujourd’hui, plus que jamais, que les autorités considèrent ce problème, car ces deux cas ne seraient pas nécessairement des cas isolés, vu qu’il y aurait sans doute d’autres cas qui n’ont pas été médiatisés. En outre, un travailleur étranger peut à tout moment tomber malade ou être victime d’un accident de la route ou de travail.

Quand un travailleur étranger se blesse sur son lieu de travail, plusieurs démarches sont entamées afin de lui venir en aide. La plupart des travailleurs étrangers préfèrent rentrer chez eux auprès de leurs familles pour qu’il y ait un suivi médical. Le fardeau initial repose sur son employeur, qui doit s’adresser au ministère afin que les procédures soient enclenchées.

Toutes les procédures doivent être revues

Toutefois, à Maurice, force est de constater que les travailleurs étrangers subissent un véritable calvaire. À l’hôpital, le travailleur se sent isolé vu que les membres de sa famille ne peuvent être à son chevet. Communiquer avec eux alors qu’on est alité devient très difficile, surtout en l’absence de téléphone ou d’autres moyens de communication mis à la disposition des patients.

Le travailleur étranger malade ne peut compter que sur quelques syndicalistes ou collègues dévoués. L’assistance des officiers du ministère du Travail est plutôt moindre, selon ceux qui ont aidé les travailleurs étrangers malades. Quant  à l’employeur, bien souvent il ne veut que se laver les mains au plus vite d’un travailleur devenu encombrant.

Souvent alité, incapable de faire ses besoins, le travailleur étranger ne bénéficie pas du soutien d’un garde-malade et arrive difficilement à s’acheter les couches pour adultes dont il aura besoin.

Souvent sans le sou, le malade doit souvent faire appel à la générosité du public mauricien. En outre, en ce qui concerne la prise en charge, tout dépend du pays d’origine du travailleur et de l’efficacité de ses services consulaires. Le rapatriement doit souvent se faire par ambulance aérienne, ce qui peut coûter très cher.

Devrait-il y avoir un changement dans ce système afin d’alléger la souffrance des travailleurs malades ? Deux systèmes doivent être considérés par les autorités : premièrement, c’est d’exiger que chaque travailleur étranger souscrit à une police d’assurance médicale qui couvre toutes les éventualités, y compris le rapatriement par ambulance aérienne. Le gouvernement devrait aussi songer à la mise sur pied d’un Repatriation Fund, comme c’est le cas en France, qui couvrirait toutes les dépenses encourues dans ces cas-ci, mais où le travailleur étranger sera tenu de rembourser une fois qu’il a regagné son pays.

Il faut savoir que Babul a dû attendre 3 mois avant que ses démarches ne soient entamées, entre temps ce dernier a développé d’autres complications, des blessures se forment à l’endroit où il n’arrive plus à faire aucun mouvement. Vivement que les autorités concernées trouvent une solution.

Le calvaire de Mohammad Hossen Babul

Mohammad Hossen Babul vient s’ajouter à la liste de ses travailleurs étrangers qui doivent entamer une longue démarche afin d’être rapatrié dans son pays. Ce jeune machiniste de 35 ans travaillait dans l’ex-usine Texto à Vallée-des-Prêtres. Contraint de mettre la clé sous la porte, certains employés de cette usine se sont retrouvés à la rue. Ce n’est que bien plus tard, qu’ils ont été redéployés par le ministère du Travail dans d’autre compagnies. Mohammad Hossen Babul est tombé malade durant le mois de mai. Alors qui se rendait aux toilettes, ce dernier a fait une chute, suite à une forte tension artérielle. Il passera plus de 15 jours dans le coma et à son réveil, il va s’apercevoir qu’il a la moitié du corps paralysé.

Dépourvu de toute mobilité, ce dernier ne peut plus travailler et reste alité à l’hôpital Dr. Jeetoo. Lors de son séjour à l’hôpital, il a pu compter sur la présence de ses amis, sans parler de Shrimatee Ramdhony, une dame qui l’aidait à se laver et à se nourrir chaque jour. Le cas de Babul a été très vite communiqué au ministère du Travail et les démarches afin de le rapatrier ont déjà débuté, malgré certaines difficultés.

Babul ne veut qu’une chose, rentrer au Bangladesh afin que sa famille s’occupe de lui. Rencontré sur son lit d’hôpital, Babul nous dit que son patron ne lui a rien procuré depuis son séjour : aucun soutien moral, ou même un peu d’argent pour qu’il puisse s’acheter des couches. Après notre vidéo sur Facebook, l’employeur a décidé d’agir.

Babul n’avait pas de permis de travail, malgré le fait qu’il travaille depuis deux mois pour cette compagnie. Le ministère du Travail nous indique que le patron a bel et bien fait une demande pour un nouveau permis de travail, mais cette demande a été rejetée pour des raisons que nous ignorons. Le patron de Babul avait fait appel de cette décision, mais au même moment, ce dernier est frappé par la maladie.

La Haute commission du Bangladesh s’est déjà emparée du dossier et les démarches ont déjà été effectuées. Babul rentre chez lui ce dimanche 15 juillet sauf imprévu, selon Ohidul Islam, le secrétaire de la Haute commission : « We are aware of this case and we have taken the necessary action regarding Mr. Mohammad Babul Hossen. The High Commission is providing someone to accompany him during his travel. Hopefully by next week, he will be leaving for his country. »

Les travailleurs étrangers bénéficient des mêmes avantages qu’un travailleur mauricien, surtout dans le secteur du textile. Ils n’obtiennent pas de pension comme nous, en revanche une somme leur est offerte lorsqu’ils quittent le pays. Le ministère du Travail nous rassure sur ce point : « Les travailleurs étrangers obtiennent une cotisation pour tout ce qu’ils ont contribué. Il ne faut pas oublier qu’ils contribuent au National Pension Scheme, tout comme les travailleurs mauriciens. » 

Les procédures en cas d’accident ou de maladies

Lorsqu’un travailleur bangladais tombe malade ou se voit alité suite à un accident, en temps normal c’est une complainte qui enregistré afin de faire bouger les choses. Ensuite c’est le ministère du travail qui prend la relève. Avec plus de 40,000 Bangladais dans le pays, parfois ce n’est pas facile de faire le tri parmi les cas. Une source auprès de la cellule de presse du ministère, nous en parle, « kuma nu recevoir enn complaint, nu met en plas enn protocole, tou dabord complaint la fer par le patron parey kuma dans le cas de Mohammad Babul. Par la suite, ministere prepare enn dossier sur la personne, nu get rapport medicale ek par la suite le patron ou l’employer, entame procedure aupres l’embassade. Patron la kapav fer bane demars pou travayer la entre temps, » nous dit-il. Cette procédure se fait en temps normal, mais en cas d’urgence le ministère possède un fond destiné pour ceux et celles dans une situation précaire. « Dans le cas de Munir Khan, le ministère a dû utiliser l’argent placé dans un fond destiné aux cas d’extrêmes urgences. A savoir que ce dernier n’avait aucune mobilité et a dû partir dans les plus brefs délais, » nous dit la personne.

Le work-permit, la cause du retard…

Les procédures pour le cas de Mohammad Babul ont connu un retard dû à son work-permit, chose qu’il avait mais sous le nom de l’ex-usine Texto à Vallée des Prêtres. Son employeur avait fait une nouvelle application pour un permis pour ce dernier. Mais pour des raisons que nous ne connaissons pas, celui-ci a été rejeté. L’absence du Work-permit a rendu les choses difficiles, car ce dernier, n’avait aucune visibilité. Jane Ragoo de la CTSP déplore la lenteur de ces procédures et nous explique que le ministère devrait revoir son protocole d’aide aux travailleurs étrangers. « Le département qui s’occupe de ces cas, ne fonctionne pas vraiment comme il le faut, il y a des lacunes. Dès que la CTSP se charge d’un dossier, l’affaire est immédiatement réglée. » nous dit-elle. ‘ Bizin pester zot pou ki zot azir’ voilà comment Jane Ragoo explique la situation. Ce genre de cas est semblable a celui d’une travailleuse chinoise qui ne pouvait pas se rendre dans son pays, dû à la mauvaise foi de son patron. « procedure bizin revoir sa, parski trop tarder, en 2002 ti ena enn travayer chinoise kot patron pas ti pe laisse li retourn dans so pays, li ti malade ek li ti empeche li aller. La personne bizin proteger, c’est sa le but, vu bann circonstance ki li finn traverser. Ministere bizin revoir so manière de faire, » martèle cette dernière.

La Haute commission du Bangladesh prend les choses en main

La Haute Commission du Bangladesh s’est déjà emparée du dossier et des démarches ont déjà été effectuées. Babul rentre chez lui ce dimanche 15 juilllet sauf imprévu, selon Ohidul Islam, le secrétaire de la Haute Commmission: « We are aware of this case and we have taken the necessary action regarding Mr. Mohammad Babul Hossen. The High Commission is proving someone to accompany him during his travel. Hopefully by next week, he will be leaving for his country. »

Une ‘pension’ pour subvenir à ses besoins

Un travailleur étranger bénéficie des mêmes avantages qu’un travailleur mauricien, surtout dans le secteur du textile. Il n’obtient pas de pension comme nous, en revanche une somme lui est offerte lorsqu’il quitte le pays. Le ministère de la sécurité Sociale nous rassure sur ce point, « Ils n’obtiennent pas une pension, mais plutôt une cotisation pour tout ce qu’ils ont contribué. Il ne faut pas oublier qu’ils contribuent au National Pension Scheme, tout comme les travailleurs mauriciens. » 

 

 

 

 

 

Nombre de travailleurs étrangers à Maurice

Pour l’année 2017, le nombre de travailleurs étrangers à Maurice s’élevait à 39 454, dont 10 000 femmes. Ils sont majoritairement originaires du Bangladesh (21 697), de l’Inde (8 401), de Madagascar (3 898), de la République populaire de Chine (2 421) et du Sri Lanka (1 497). Ils évoluent principalement dans le secteur manufacturier (31 330), la construction (5 001), les activités communautaires/sociales/personnelles (786) et l’hôtellerie et la restauration (656). En 2018, comme chaque année, il y a eu une hausse : ils sont maintenant plus de 41 000 à travailler chez nous.

Infographie pour la période de 2017

21697 Bangladais (15 272 hommes et 6695 femmes)

8401 Indiens (8179 hommes et 222 femmes)

317 Népalais (316 hommes et 1 femme)

2421 Chinois (1706 hommes et 715 femmes)

1497 Sri-Lankais (669 hommes et 828 femmes)

180 Réunionnais (199 hommes et 61 femmes)

163 Taïwanais (147 hommes et 16 femmes)

92 Sud-Africains (74 hommes et 18 femmes)