Le chalutier taiwanais Chien Tsai à Bain-des-Dames : Le manque de ‘strategic response’ dénoncé

Après que des pêcheurs habitant Bain-des-Dames nous ont fait parvenir des photos montrant des traces d’huile sur des rochers, et vu le silence assourdissant des autorités sur ce sujet, nous faisons le point sur la situation, après que le chalutier taïwanais Chien Tsai 112 a été remorqué à Bain-des-Dames. La crainte des riverains : une nouvelle catastrophe écologique.

Pour rappel, le chalutier taïwanais Chien Tsai 112  avait été la proie des flammes ce mardi 24 août. Cet incendie avait été éteint, mais le jeudi 26 août, l’incendie devait reprendre de plus belle. Il avait ensuite été remorqué à Bain-des-Dames. Ce qui provoque la peur : les 65 tonnes de fioul qu’il avait dans sa soute.

L’affaire soulevée prochainement au Parlement

Fabrice David, le député travailliste de la circonscription englobant Bain-des-Dames, nous fait parvenir son inquiétude face à cette situation. Pour lui, il est clair que le gouvernement n’a rien appris des erreurs du passé. Revenant sur la catastrophe du Wakashio, il souligne qu’il n’y a aucune organisation de la part du gouvernement, ce qui leur aurait permis de réagir face à une telle situation. 

Le député se demande ce qui a été fait pendant deux jours, entre mardi et jeudi, pour empêcher la reprise de l’incendie.

Il compte poser des questions aux ministres concernés dans les jours à venir concernant leur gestion de cette situation. « C’est inadmissible que les autorités attendent la dernière minute pour réagir ! C’est une situation que nous aurions pu avoir évité si tout le monde avait assumé ses responsabilités dès le départ », affirme le député.

« On n’arrive pas à gérer de telles situations »

Du côté des écologistes, on ne se montre guère rassurant : ils mettent en garde contre un désastre écologique. Pour l’océanographe Vassen kauppaymuthoo, tout écoulement de fioul aura un impact néfaste sur l’écologie de cette région, sans parler des pêcheurs, tout comme l’impact du Wakashio sur le littoral du sud-est.

Il demande une surveillance accrue pour déceler toute trace d’huile suintant du chalutier. Selon lui, il faut mettre le bateau en cale sèche pour en avoir le cœur net. Il demande l’application immédiate du ‘Oil Spill Contingency Plan’ immédiatement si des traces d’huile lourde ont été vues sur des rochers.

Pour lui, on ne doit pas baisser notre garde même si le chalutier ne s’est pas disloqué comme le Wakashio. Le risque de déversement d’hydrocarbures est toujours réel, selon Vassen Kauppaymuthoo.

« Il est malheureux de constater que lorsqu’il y a une telle situation, on n’arrive pas à la gérer », dénonce Sunil Dwarkasing, consultant environnemental pour l’ONG internationale Greenpeace. « Nous avons un problème de gestion », estime-t-il. Il fait ressortir qu’il y a un manque de direction à la tête des autorités. Nous n’avons pas de « strategic response » comme nous avons pour les cyclones, ce qui fait que nous ne pouvons gérer de telles situations.

Il est venu sur le fait que des personnes ont été formées dans le cadre du ‘Oil Spill Contingency Plan’ mais lorsqu’il y a une telle situation, on ne voit même pas l’ombre de ces personnes.

Bain-des-Dames : le « dépotoir » des bateaux

Ce qui est tragique dans cette situation : les pêcheurs sont en train de faire face à plusieurs problèmes suite au remorquage de ce bateau à Bain-des-Dames.

Judex Rampaul, le représentant syndical des pêcheurs, nous fait parvenir son mécontentent concernant cette situation. Il lance que l’environnement marin de cette région est en train de souffrir avec le remorquage constant des bateaux avec des avaries dans cet endroit. « Li pas korek ditou ! Bain-des-Dames kumadir ene dépotoir bato ! », fulmine Judex Rampaul. Selon lui, les récifs sont en train de s’éroder, menant vers l’extinction des coraux dans le lagon, et vers la disparition des poissons. Or, les pêcheurs aussi seront affectés. « Plusieurs fois, nous avons donné de la voix pour dénoncer cette pratique. Il est grand temps que les autorités nous prennent en considération », lance-t-il.

Il lance un appel au ministre de l’environnement, Kavi Ramano, et au ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo, d’assumer leurs responsabilités. Si cela persiste, les pêcheurs vont tenir une manifestation devant l’Hôtel du gouvernement pour dénoncer les injustices auxquelles ils font face.

Les pêcheurs angoissés

Nous avons recueilli les témoignages de quelques pêcheurs qui vivent dans la région. Une certaine angoisse est palpable.

« Viré tourné même zafer. Nou nepli kapav travay dan ban situation pareil », déplore Stéphano, un des pêcheurs à Bain-des-Dames. Il nous explique que ce n’est pas la première fois qu’ils font face à un tel problème car d’autres bateaux avaient été remorqués ici dans le passé, quand ils avaient subi des avaries. Selon lui, les pêcheurs et les habitants de Bain-des-Dames ont toujours été ignorés par les autorités. Lorsqu’il y une situation comme cela, ils ne peuvent pas travailler tant qu’ils n’ont pas reçu le feu vert des autorités.

Bashir, un autre pêcheur nous indique que si la fuite continue, cela aura un impact certain sur les pêcheurs car ils ne pourront plus travailler. ” Si sa empirer, lerla pou ena problem », lance-t-il.

Où sont passés les ministres concernés ?

Depuis chalutier avait pris feu le mardi 24 aout, incendie qui avait repris le jeudi 26 août, aucun communiqué n’a été émis de la part du gouvernement, que ce soit de la part du ministre de l’Environnement, Kavi Ramano, ou celui de la Pêche, Sudheer Maudhoo.

On se demande s’ils sont au courant de ce qui se passe, et des problèmes auxquels les habitants et les pêcheurs de Bain-des-Dames sont en train de faire face. On se pose la question : quand est-ce que ces ministres comptent réagir ?

La MPA annonce les mesures prises

Dans un communiqué émis hier, la Mauritius Ports Authority (MPA) a fait ressortir que les dispositions nécessaires ont déjà été prises pour s’assurer qu’il n’y a pas de déversement de fioul dans le lagon.

Le communiqué fait aussi mention que l’équipe du ‘Scene of Crime Office’ (SOCO) de la police a déjà entamé des investigations pour déterminer les causes de cet incendie.