Me Siddharta Hawoldar :« La corruption est devenue un mode de vie »

  • « L’île Maurice doit vivre un nouveau chapitre de nettoyage moral et émotionnel »
  • « We have a Prime Minister who is in office but not in power »

Me Siddharta Hawoldar est d’avis que l’île Maurice doit vivre un nouveau chapitre de nettoyage moral et émotionnel. Dans une interview, accordée au Sunday Times, notre invité de la semaine affirme ceci : « We have a Prime Minister who is in office but not in power . We need politicians that are going to contribute not only to the gross national product but also to the gross national happiness ». Tout en soutenant que Navin Ramgoolam a apporté sa contribution à un chapitre important de notre histoire, l’avocat soutient qu’il est essentiel que Navin Ramgoolam trouve un successeur pour continuer le travail du Parti travailliste.

Sanjay BIJLOLL

 

Q : Me Hawoldar, vous poursuivez votre carrière dans le judiciaire, mais n`avez-vous jamais été atteint par le virus de la politique active, d`autant que votre regretté père, Oumashunkar, était un die-hard du Parti travailliste 

R : La politique est une vocation. Si on le fait, c’est avec l’unique intention d’améliorer le sort du peuple et celui d’une grande majorité des gens démunis. Tant que la politique restera malsaine avec des protagonistes qui veulent uniquement s’enrichir, pratiquant une politique partisane des petits amis et de favoritisme, la politique restera une arène interdite aux gens bienveillants.

La corruption  est devenue un mode de vie. C’est un cancer qui retient le pays dans ses griffes. La noble démocratie qui avait pris naissance en 1968 est maintenant loin dans notre mémoire et on est en train de perdre tous nos repères et nos valeurs dans ce climat de passe-droits et de corruption.

Quand mon père avait fait de la politique, il côtoyait des gens de calibre, de caractère et de connaissance. C’était une élite politique avec des vrais ‘statesmen’.

Il y a une dégringolade depuis, et l’atmosphère politique est devenue un univers malsain. Aujourd’hui, avec une culture de ‘dress papiers’, et la corruption qui n’a pas été contrôlée pendant plusieurs années, les gens du pouvoir croient dur comme fer qu’avec la politique et le pouvoir d’argent, il y a toujours un moyen de sortir d’affaire. La corruption est devenue une maladie qui ronge les piliers d’intégrité de notre pays. L’île Maurice doit vivre un nouveau chapitre de nettoyage moral et émotionnel. On ne peut permettre aux valeurs morales de disparaître de notre société.

 

Q : Je n`ose pas vous demander comment vous percevez le conflit opposant l`ancien Chef juge Ariranga Pillay et l`actuel Senior Puisne Judge Eddy Balancy. Mais de mémoire du juriste, est-ce une première ?

R : Oui, cela me paraît une première. Il illustre l’ambition démesurée des gens de l’intelligentsia mauricien. Les gens veulent s’agripper à des positions au lieu d’épouser la voix gracieuse  qui permet une belle transition entre l’ancien et le nouveau qui est dans l’intérêt général du grand public.

L’ambition de Macbeth a toujours mené à la déchéance, mais pas au progrès. C’est pénible de voir une telle situation.

 

Q : Tout le monde le reconnaît – même au sein du gouvernement – que le pays va mal. Pour vous, quels sont les maux dont souffre le pays ?

R : Les nouveaux dirigeants n’ont pas de plan d’action, de redressement ou de relance. Il y a un manque chronique de vision. Les résultats sont escomptés. Le pays ne bouge plus. Les investisseurs se font rares. Le service civil a peur et n’est pas motivé à faire bouger les dossiers. Ainsi, le développement de l’île Maurice est freiné.

La population souffre. L’emploi n’est pas créé et on se retrouve avec un débalancement de l’économie. Ainsi, les paroles de Benigno Aquino employées en parlant des Philipines s’appliquent à l’île Maurice. “Here is a land in which a few spectacularly rich while the masses remain abjectly poor, when freedom and its blessings are reality for a minority and illusion for the many. A land consecrated to democracy but a land of privileged and rank a Republic dedicated to equality but mired in an archaic system of caste and race”.

 

  1. Q : Des ministres qui se lancent des peaux de banane, d`autres qui s`aquoquinent avec des journalistes pour jeter de la boue sur leurs collègues, des membres du gouvernement qui se tirent dans les pattes… Est-ce la Cour du Roi Pétaud ? 

R : “Ethnicity and caste is the football in the political game that our men in public life play”. Aujourd’hui, il y a des gens au Parlement qui sont sous caution, des gens qui ne peuvent pas ce que pourraient dire les gens à leur sujet. Que font-ils de leur honneur ? Ils sont en train d’être appelés devant le tribunal de l’Etat pour répondre à des accusations mais continuent de croire que malgré cet état de choses, ils peuvent continuer de représenter le peuple et d’être leur porte-parole. C’est honteux que ces gens ne comprennent pas les conflits innés de représenter ceux qui les accusent.

Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau  est brisé. Si cette tendance se maintient, on sera peut-être représenté par une pléiade de dirigeants sous caution.

La nouvelle génération attend avec impatience de retrouver un nouveau leadership avec des valeurs morales qui lui inculqueraient un sens de responsabilité que chaque citoyen doit honorer.

La vérité fondamentale qui détruit une société est une poursuite acharnée de l’argent.

 

Q : L`histoire politique de notre pays s`est constamment vérifiée depuis notre Indépendance. A chaque fois qu`un gouvernement fort est issu des urnes, presque sans une forte opposition,  on voit une opposition à l`intérieur de la majorité. Est-ce une fatalité de notre système dit ‘First past the post’ ?

R : Ce n’est pas notre système qui doit être nécessairement blâmé. Aujourd’hui, ce sont les gens du pouvoir qui n’inspirent plus confiance et qui n’ont plus le soutien. Aujourd’hui, on a un nombre accru des politiciens, mais très peu des ‘statesmen’. « We have a Prime Minister who is in office but not in power ». Il y a l’homme et la machine. La qualité des hommes est souvent déterminée par la performance de la machine.

Mauritius is in a state of moral decay and suffers from a flabby degeneration of conscience. In Mauritius as in the rest of the world, consumer culture has consumed humanity and we have to relearn the values that are life blood of our natural heritage. We need politicians who are going to contribute not only to the gross national product but also to the gross national happiness.

 

Q : Comme l’a souligné Jean-Claude de l’Estrac dans une interview à ION-News, il semble qu`il y ait deux pôles de pouvoir au sein du MSM, l`un incarné pas le Premier ministre à la tête du gouvernement et l`autre par le leader du parti, Pravind Jugnauth. Et c’est cela le nœud du conflit ? Un conflit de générations… Qu’en dites-vous ?

R : Il y a le Père et le Fils et il semble manquer le St Esprit. Il faut y avoir une passation du pouvoir et une lutte d’idées, et un conflit générationnel mènera à une implosion. Cela est malsain.

 

Q : Pour certains observateurs politiques, à l’instar de Lindsay Rivière, le Dr Navin Ramgoolam s’il est de retour, il sera ‘back with a vengeance’. Qu’en pensez-vous ?

R : Je suis contre une politique de vengeance. « An eye for an eye leaves the whole world blind”. Tout politicien qui vient doit avoir à cœur l’intérêt du pays. Il n’y a pas de place pour les règlements de comptes personnels. Il faut avoir un seul objectif, celui d’accomplir la noble mission politique qui est d’améliorer le sort du peuple.

 

Q : Me Siddartha Hawoldar, malgré toutes les secousses que traverse le pays, les Mauriciens semblent indolents. Est-ce dans leur nature ou est-ce par fatalité ?

R : Le peuple, dans un contrat social, donne à ses représentants le pouvoir. Vox Populi, vox Dei – la voix du peuple c’est la voix de Dieu. Notre peuple n’a pas de tendance anarchique. Les Mauriciens sont des démocrates et ils sont paisibles. C’est pour cela qu’il est essentiel que la classe politique ne laisse pas tomber ce peuple admirable.

 

Q : Avez-vous compris le conflit qui oppose Roshi Bhadain à Vishnu Lutchmeenaraidoo ?

R : Lord Ackner said ‘‘Power corrupts and absolute power corrupts absolutely’’. When power is mixed with ambition an overvaulting ambition conflict will arise”.

 

Q : Partagez-vous l’opinion des ‘die hards’ travaillistes qui disent que « Parti travailliste oui, mais pas Navin Ramgoolam à la tête du parti ?

R : Je pense que Navin Ramgoolam a apporté sa contribution à un chapitre important de notre histoire. Il est essentiel qu’il trouve un successeur pour continuer le travail du Parti travailliste. Le leader change, le temps change, le pays change, le peuple change. La seule chose qui est perpétuelle c’est le changement.