[Projet d’E-Health au coût de Rs 600 millions] Un contrat truffé d’irrégularités, de favoritisme et de conflits d’intérêts

Le projet de E-Health du gouvernement est au cœur d’un autre scandale. De graves irrégularités entourant l’allocation de ce contrat, au coût de Rs 600 millions ont été révélées par Liberation Moris vendredi. Ce projet, soulignons-le, avait déjà fait l’objet de dénonciations de la part de Neena Ramdenee, membre de Linion Moris, en février. Un consortium proposant Rs 300 millions pour l’informatisation de notre système de santé avait été éliminé au profit d’une compagnie qui a, elle, proposé Rs 600 millions, avait-elle dénoncé. L’enquête de Liberation Moris y apporte plus d’éclaircissements.

Preuves à l’appui, Liberation Moris a étalé des vices de procédure et des anomalies, en pointant du doigt le mécanisme mis en place. L’allocation de ce contrat serait truffée de maldonnes qui pourraient impliquer les ministères de la Santé, des TICs ainsi que des officiers de UNDP Mauritius, selon notre confrère. Réagissant aux révélations faites par notre confrère hier, le ministère de la Santé a émis un communiqué pour dénoncer des « inexactitudes parues dans certains médias » et de réitérer sa confiance dans ce projet dirigé par l’UNDP, mais qui est, soulignons-le, financé majoritairement par le gouvernement mauricien.

Le manque de transparence concernant le processus d’évaluation des offres pour l’octroi du contrat semble avoir éveillé des doutes chez un des neuf soumissionnaires, en l’occurrence le consortium ‘Amrita Technologies India’–‘Graphene Mauritius’ qui exige des explications de la part du bureau de l’UNDP Mauritius, en vain. Il a fallu qu’il se tourne vers l’UNDP New York pour que des officiers de l’UNDP Mauritius reçoivent enfin des représentants du consortium le 29 novembre 2023. Mais ces derniers resteront sur leur faim, puisqu’ils seront informés que les offres étaient toujours au stade d’évaluation et que les détails ne pouvaient ainsi être dévoilés. Ce qui se révèlerait faux, le contrat ayant déjà été alloué à ‘Trio Tree Technologies Pvt Ltd’ (India) et ses partenaires mauriciens, ‘Informatics International (Mtius) Ltd’ et ‘Netcom Partners Ltd’ depuis octobre 2023.

Selon l’enquête menée par notre confrère, les dessous de l’allocation du contrat à ce consortium seraient troublants et violeraient plusieurs critères techniques et financiers requis par UNDP. D’abord, la signature du contrat, faite le 9 janvier 2024, irait elle-même à l’encontre de l’une conditions imposées par UNDP, stipulant que le consortium qui obtient le contrat doit l’avoir signé et renvoyé à UNDP dans un délai de 15 jours. Ce qui n’a pas été fait lorsque le contrat a été alloué en octobre 2023. La finalisation du contrat a donc pris environ trois mois. Plusieurs autres éléments démontreraient, selon Liberation Moris, qu’il y aurait eu favoritisme dans l’octroi de contrat.

Liberation Moris dit ainsi être en présence d’un document accablant qui montre comment UNDP Mauritius aurait favorisé le consortium ‘Trio Tree Technologies Pvt Ltd (India)’–‘Informatics International Mtius Ltd’ et ‘Netcom Partners’ pour qu’il se conforme à tous les critères de l’appel d’offres. En effet, dans cette correspondance à Sooryanand Kurrumchand, CEO de ‘Informatics International’, qui était dans un premier temps le Lead Partner du consortium, l’‘International Operations Manager de UNDP Mauritius’ conseille à ce que ‘Trio Tree’ devienne le ‘Lead Partner’ du consortium. Ce qui aurait été exécuté alors que, selon les critères, il ne pouvait y avoir de changement par rapport au « lead partner » après la date limite pour la soumission des offres. C’est dans ce même document d’ailleurs qu’on apprendra que le contrat a été alloué en octobre 2023.

Autre point troublant, c’est que le consortium ‘Trio Tree Technologies Pvt Ltd (India)’–‘International Informatics Mtius Ltd’–‘Netcom Partners’, a été incorporé le 4 décembre 2023. Ce qui sous-entend qu’il avait déjà obtenu le contrat alors que les autres soumissionnaires n’avaient pas encore été informés de ce développement. Ce n’est pas tout. Lors de l’inauguration du projet le 28 janvier 2024, l’on apprendra que le coût s’élève à Rs 600 millions. Là où le bât blesse, c’est qu’‘Amrita Technologies India’ et son partenaire mauricien, ‘Graphene Mauritius’, avaient formulé une offre de 6,2 millions de dollars, soit environ Rs 280 millions !

D’ailleurs, ‘Amrita Technologies’ est une firme indienne connue pour ses projets de grande envergure en ce qu’il s’agit de l’informatisation de la santé publique en Inde. Par contre, Trio Tree n’a, lui, jamais réalisé de tels projets ni n’a la même expérience et les mêmes capacités qu’‘Amrita Technologies’. Ce qui soulève des interrogations troublantes, d’autant que celle-ci a proposé une offre bien plus intéressante que celle du bénéficiaire. Ce cas de favoritisme se trouverait, selon notre confrère, dans les liens entre le ministre Deepak Balgobin, dont le ministère est l’un des partenaires stratégiques pour ce projet d’E-Health et l’un des partenaires du soumissionnaire qui a eu le contrat, selon Liberation Moris.

Violation de critères, conflit d’intérêts, favoritisme… Ce sont là autant de facteurs qui ponctuent le contrat d’E-Health. Le grand perdant dans ce scandale : la population et les fonds publics avec un contrat à Rs 600 millions alloué à un soumissionnaire non-conforme et qui a clairement été favorisé.