Rashid Ahmine, DPP : « L’indépendance est un mandat, obligeant les institutions à agir dans un cadre légal »

Une  session de discussions a été organisée par le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) le jeudi 9 novembre, ayant pour thème ‘Maintaining Public Confidence in the Criminal Justice System’. Le panel d’intervenants était composé du DPP Rashid Ahmine, de Narghis Bundhun, Senior Counsel, et des anciens juges Vinod Boolell et Ah Foong Cheong.

Le DPP, Rashid Ahmine, a souligné l’importance de l’indépendance en tant que clé de la confiance du public. « L’indépendance est un mandat, obligeant les responsables de certains départements à agir dans le cadre légal, sans pressions externes ni influences », dit-il. Le DPP, en vertu de l’article 72, bénéficie de garanties constitutionnelles pour prendre des décisions en toute indépendance, en appliquant strictement les droits. Rashid Ahmine reconnaît que cela peut susciter l’approbation ou la désapprobation de certaines personnes. Selon lui, l’indépendance est essentielle, et la police et son propre bureau doivent maintenir une cohérence dans leur approche, indépendamment des individus, car cela contribue à instaurer la confiance.

Il propose également de s’engager activement avec le public, en fournissant des publications et des rapports, et prend l’exemple des Maldives, où la justice publie toutes les informations concernant les affaires. Il suggère également la tenue d’événements publics, tout en soulignant l’importance de la confidentialité. Rashid Ahmine estime enfin que la presse joue un rôle crucial dans l’éducation du public, et insiste sur la nécessité d’une relation continue et raisonnable entre les autorités et les médias. Il relève la pertinence de reconnaître que les journalistes n’ont pas toujours accès à toutes les informations dont ils ont besoin, soulignant l’importance d’une relation transparente pour rétablir la confiance du public.

Vinod Boolell : « Une transparence totale et une communication claire »

L’ancien juge Vinod Boolell a mis l’accent sur la justice pénale. Il a affirmé que bien que tout le monde pense en comprendre le fonctionnement, la réalité est souvent différente. « Lorsqu’il y a un manque de confiance du public dans ce système, alors qu’en raison des crimes et de l’évolution de la société il s’y intéresse de plus en plus, cela indique des dysfonctionnements », dit-il. Il précise que la justice pénale englobe trois institutions majeures : la police, le bureau du DPP, et la justice.

L’ancien juge a également mis l’accent sur le fonctionnement de la police. Selon lui, elle doit avoir des bases légales pour arrêter une personne, et doit l’informer de son droit à un avocat notamment. Il a également souligné que, fréquemment, la police entrave le droit des avocats à rencontrer leurs clients. Il reconnait que, dans certaines circonstances, elle peut agir de la sorte, mais que cela ne doit en aucun cas devenir une pratique courante. « Lorsqu’une personne est arrêtée, la police doit l’informer des raisons de son arrestation et de la privation de sa liberté, pour éviter la perte de confiance du public dans le système de justice », explique-t-il.

Concernant les enquêtes, l’ancien juge a souligné que celles-ci prennent souvent beaucoup de temps. Il a exprimé son inquiétude quant à l’opacité entourant les raisons de tels retards, et a souligné l’importance d’une transparence totale et d’une communication claire de la part de la police concernant la durée prolongée des enquêtes. D’ailleurs, à une question du public, il a ironisé que dans le cas concernant un vol de litchis, un suspect a été arrêté, traduit en cour et condamné le même jour. En conclusion, il a insisté sur la nécessité d’une réforme du système judiciaire afin de restaurer la confiance du public. La transparence et la responsabilité doivent être des principes fondamentaux, avec une communication ouverte sur les décisions prises.

Ah Foong Cheong : « Les institutions ont le devoir de faire respecter la justice »

L’ancienne juge Ah Foong Cheong a mis l’accent sur les normes et les valeurs au sein du système judiciaire. Elle souligne que non seulement les institutions établies par la loi ont le devoir de faire respecter la justice pénale, mais également d’autres composantes de la société. Elle affirme que la police ne doit pas seulement faire respecter la loi, mais aussi d’autres instances. Selon elle, la société civile a également un rôle à jouer dans l’administration de la justice pénale. « Pour que les normes et les valeurs perdurent dans la société, les lois doivent être respectées. Nous devons nous attaquer à ces problèmes pour gagner la confiance du public, sinon la situation ne fera qu’empirer », dit-elle. Elle ajoute qu’il est essentiel d’avoir un dialogue, une indépendance, et non pas une isolation.

Narghis Bundhun : « Chaque institution doit maintenir son rôle »

Nargis Bundhun, Senior Counsel, a déclaré qu’actuellement, avec la disponibilité de plusieurs plateformes pour diffuser des informations, il est devenu courant qu’à la fin de chaque procès, un avocat fournisse des explications aux médias. Selon elle, les avocats du privé doivent bien comprendre que la tentation de rendre compte des enquêtes en cours est considérable, mais insiste qu’ils ont la responsabilité de faire preuve de réserve dans l’intérêt du client. La Senior Counsel a également mis l’accent sur la course et la compétition entre les médias pour obtenir des informations, et est d’avis que les avocats ne doivent pas être complices de telles pratiques. Elle considère que cela relève de la police et de la presse, et non de la responsabilité de l’avocat. Selon elle, chaque institution doit maintenir son rôle, en respectant sa place et en agissant strictement dans le cadre de la loi et du code de conduite légal.