Réchauffement climatique : Maurice est-elle prêt à relever le défi ?

Le réchauffement climatique devient de plus en plus une menace pour Maurice, selon les experts. La sonnette d’alarme a déjà été tirée mais le pays ne semble pas s’engager dans une stratégie qui visera à atténuer les effets de ce phénomène à l’avenir. Cela alors que le concept de Maurice Ile Durable a été mis au rencart et que de nombreux rapports et autres plans dorment dans un tiroir.

Cet hiver a été glacial, avec la plus grande baisse de température jamais enregistrée, à 8 oC, ce qui doit nous préoccuper.

De nombreux Mauriciens se sont posé la question : qu’est-ce qui ne va pas avec le climat ? On peut d’ores et déjà affirmer que c’est là un signe du dérèglement climatique qui affecte toute la planète. Nombreux sont les experts internationaux qui continuent de tirer la sonnette d’alarme. 

Il faut savoir  qu’avec les effets du changement climatique à travers le monde, nous pouvons être frappés à tout moment par des catastrophes naturelles sans précédent. Mais là où le bât blesse,  nous ne prêtons pas suffisamment attention à la gestion des risques environnementaux et au changement climatique.

Les effets du changement climatique ne se font pas sentir instantanément mais demeurent un des principaux risques pour le pays. Maurice n’est pas à l’abri et la menace est plus proche de nous que nous ne le pensions. Il est grand temps de se réveiller et de prendre conscience de la gravité de ce problème.

Vassen Kauppaymuthoo

L’océanographe Vasssen Kauppaymuthoo  nous explique que le réchauffement climatique demeure très grand problème pour le pays.

Il revient sur le fait que la Terre même est menacée par les conditions climatiques qui ne cessent de se détériorer. Nous avons un climat qui change de plus en plus et cela pourrait avoir un effet néfaste sur notre environnement en général. « Le changement climatique et le réchauffement planétaire constituent un grand danger pour Maurice. Néanmoins, nous ne sommes pas conscients du pire », lance l’océanographe.

Selon lui, Maurice ne devrait pas être épargné par la canicule et les pluies torrentielles dans les jours à venir, avec le changement climatique et le réchauffement de la planète. Qui plus est, Vassen Kauppaymuthoo soutient que comme les océans sont plus chauds, les cyclones risquent d’être plus puissants dans l’avenir.

Dans cette optique, il faut se préparer pour lutter contre ce phénomène environnemental, tels que l’adoption d’une stratégie de développement durable, et aussi la nécessité de limiter le développement sauvage.

Émission des gaz à effet de serre : l’Humanité est déjà dans une zone rouge

Sunil Dowarkasing

L’ingénieur environnemental, Sunil Dowarkasing, nous explique que Maurice est loin de relever ce défi alors que la situation est déjà alarmante à travers le monde. Selon lui, il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme.

L’émission de carbone aura bel et bien des répercussions sur la vie humaine. Pour lui, l’émission de carbone est la cause réelle du changement climatique à travers le monde, que ce soit en Chine, au Canada, en Australie, en Russie.

Depuis la Révolution industrielle en 1760, les gens n’étaient pas conscients des désastres liés à l’environnement et au changement climatique. En outre, dans les années 1760, les émissions de carbone était de 280 ppm (‘particles per millions’) contre 417 ppm en 2021, ce qui démontre une augmentation drastique.

Faisant un constat, Sunil Dowarkasing avance que durant ces 30 dernières années, nous avons plus de 50 % de l’émission de carbone dans l’atmosphère, ce qui est énorme. Selon le dernier rapport de l’IPCC6, l’Humanité est déjà dans une zone rouge et si les choses continuent, d’ici 2030, la situation pourrait devenir irréversible.

L’espoir de régler ce problème est zéro, selon Sunil Dowarkasing. Selon les données officielles, la température moyenne à Maurice a connu une augmentation supérieure à la moyenne globale, par plus de 1,2 oC, un chiffre qui nous éloigne de notre objectif de limiter le réchauffement climatique. Revenant sur la montée des eaux, Sunil Dowarkasing nous indique que le niveau de la mer a déjà augmenté par 14.3 cm.

Maurice est-elle prête pour Y faire face ? Non, affirme l’ingénieur environnemental. Dans la même foulée, il avance que Maurice a signé le rapport de la NDC, qui aurait dû être soumis en 2015, dont lequel il avait été mentionné que nous allons réduire notre émission de carbone par 30 % d’ici 2030.

“Nous avons failli dans notre première tâche”, assène l’ingénieur de l’environnement.

Durant le Budget, le gouvernement avait mentionné qu’il réduira de 60 % l’émission de carbone en éradiquant les ‘fossil fuels’, notamment le charbon,  et aurait privilégié l’utilisation des énergies renouvelables d’ici 2030.

On se demande comment le gouvernement compte faire cela ? Nous sommes toujours en attente d’une décision à ce niveau. Alors que le mandat du gouvernement actuel est de 5 ans, qui finira probablement en 2024, comment se fait-il qu’il se fixe un objectif en 2030, quand le gouvernement ne sera même pas là pour voir ce qui a été annoncé. « C’est une décision très hypothétique car nous sommes loin d’atteindre notre objectif», lance-t-il.

En outre, il avance que Maurice est considéré comme un pays vulnérable face à cette situation. Il y aura plus de ‘flash floods’ et d’inondations, nos mers deviendront plus acidiques et leur niveau sera encore une fois en hausse. En outre, cela peut provoquer la disparition des coraux dans l’avenir.

Dans un premier temps, nous serons les victimes du changement climatique dans les jours à venir même si l’émission de carbone devient à zéro. Nous ne serons pas épargnés par ce problème. Nous devrons nous préparer pour toute éventualité. Nous n’avons pas une vision de la situation, une bonne stratégie ou un bon fonctionnement des institutions, donc nous avons failli de ce point de vue.

Le graphique ci-dessous démontre les émissions des gaz à effet de serre par secteur pour l’année 2020 à Maurice.

(Source : Statistics Mauritius)

Plusieurs plans dorment au tiroir

L’ingénieur de l’environnement revient sur l’Adaptation Plan, qui avait été préparé en 2012. Ce plan pourrait être utilisé mais il n’a jamais été ni implémenté ni concrétisé. Par ailleurs, il y en a plusieurs autres projets qui ont été mis avant mais qui n’ont pas été concrétisés.

À titre d’exemple, le projet de Rivière-des-Galets, où on avait eu un financement de Rs 108 millions par l’African Fund et les Nations-Unies mais rien n’a été fait. En 2012, le projet avait débuté mais en 2019, aucune trace du projet.

À ce moment-là, on avait posé la question : où est donc passé le projet ? Qu’a-t-on fait de l’argent reçu ? Les questions sont quelque part restées sans réponse. « Il y a plusieurs choses que nous faisons semblant de faire mais au final, rien ne sera fait », dénonce Sunil Dowarkasing.

Il est aussi revenu sur le Risk Disaster Report, sorti en 2012 et dans lequel il avait été mentionné qu’environ 6 000 personnes seront affectées directement par les impacts du changement climatique. Plusieurs interrogations subsistent : est-ce que nous sommes partis à la rencontre de ces personnes ? Est-ce que nous avons formé ces personnes pour faire face à ce problème ? Quelle a été notre ‘response’ ? Selon lui, il faillait étudier en profondeur cette situation. « Les autorités et le gouvernement disent beaucoup de choses, qu’ils ne font pas par la suite », résume-t-il.

Le ‘show’ des Assises de l’environnement

Nous pouvons aussi noter que durant les Assises de l’environnement, plusieurs décisions avaient été prises et plusieurs mesures évoquées mais au final, il y a fort à parier que rien ne se fera comme il se doit.

Il n’y a pas eu de « strategic thinking » durant ces Assises, souligne Sunil Dowarkasing. Ainsi, il n’y en a pas eu de discussions se focalisant sur notre gestion de la situation. L’ingénieur de l’environnement qualifie les Assises de rien plus qu’un « show ou d’un bazaar » ou tout un chacun est intervenu pour faire ressortir sur ce qu’il a fait, mais que par la suite, rien n’a vraiment été fait.

D’ailleurs, le gouvernement actuel, dans son manifeste électoral, avait annoncé qu’il apportera le concept de Maurice Ile Durable pour la protection de l’environnement. Pour le gouvernement, les atouts environnementaux sont un leitmotiv dans sa stratégie de développement socioéconomique, tout comme l’aménagement du territoire, qu’on répètera ad nauseam. Mais dans la réalité, sur le plan de l’implémentation, il n’y aura rien de bien concret.

Une gestion qui laisse a désirer

Sunil Dowarkasing insiste sur le fait que si nous avions une bonne gestion, les statistiques auraient été bien meilleures. « On se pose la question, si la situation est en train d’être géree ? », se demande-t-il.

« Même en ce qui concerne le naufrage du Wakashio, nous n’avions pas pu gérer une telle situation », fait-il rappeler.

Il jette un regard critique sur la situation environnementale à Maurice. Il nous rappelle que le gouvernement avait annoncé un rapport sur les ‘vulnerable spots’, qui n’a jamais été rendu public à ce jour.

Pour lui, Maurice aurait dû être un modèle de développement durable. Mais il n’en est rien. Il est revenu sur la protection de la biodiversité. Selon lui, nous avons perdu 101 hectares de nos forêts durant ces dix dernières années, de 2008-2018. Or, 101 hectares, c’est énorme pour une petite île comme Maurice. En outre, en 2019, nous avons perdu 20 hectares de forêt.

.Selon lui, il faut avoir un plan d’action de la part du gouvernement, pour avoir une bonne gestion de la situation dans l’avenir. La mobilisation et la sensibilisation de tout un chacun doivent être effectuées pour que le pays puisse attenuer les dangers qui nous guettent à l’avenir.

Pourquoi une chute de température de moins de 10 oC ?

A noter que cette année, nous avons eu un hiver glacial, avec une baisse du mercure allant jusqu’à 8 oC, un record qui a été enregistré pour la première fois à l’ile Maurice.

Dans cette optique, nous avons sollicité l’avis du météorologue Yashveer Ramlakhan de la station météorologique de Vacoas à ce sujet. Ce dernier nous indique que la baisse du mercure était due à des radiations émis par la Terre. Cela démontre que le climat change de jour en jour et nous devrons faire face de plus en plus à de situations similaires.

On se demande ce qui a fait chuter la température à ce niveau, car nous n’avions jamais eu une telle situation dans le passé ? Qu’est ce qui va se passer dans les jours, les mois, les années à venir ? Ce sont des questions sans réponse.