Reconstitution des faits sous tension à Vallée-Pitot : Affrontement entre la police et les habitants

  • La présence invasive des forces de l’ordre dénoncée
  • Du gaz lacrymogène lancé, un bébé de cinq jours admis à l’hôpital

Une reconstitution des faits à la rue Alma à Vallée-Pitot hier matin (samedi 6 mars) qui a eu lieu sous une présence musclée des éléments de la police a dégénéré à l’affrontement entre les habitants de l’endroit et les forces de l’ordre. Du gaz lacrymogène a été utilisé et plusieurs personnes ont dû être hospitalisées.

Du gaz lacrymogène a été lancé sur la foule, qui exprimait son mécontentement. Selon les habitants de cette localité, il est maintenant courant pour eux de voir dans leurs rues les éléments de la police, dont le GIPM et la SSU, et cela à n’importe quel moment. C’est sous les cris de la foule « Pa fer dominer ek innocent » que la reconstitution des faits, qui a pris environ une dizaine de minutes, a débuté. La tension, qui était déjà palpable, est montée d’un cran. La police devait tenter, par tous les moyens, d’empêcher les habitants de prendre des photos ou des vidéos avec leurs portables. Même les journalistes devaient subir cette contrainte.

Avec le gaz lacrymogène qui a été lancé en direction de la foule, plusieurs personnes, dont des enfants et des vieilles personnes, devaient être fortement incommodées par cela. La plus petite victime est un nourrisson de cinq jours. Son père, Nurudiin Beekharry, 28 ans, que nous avons rencontré à l’hôpital Dr. Jeetoo, se dit révolter par cet incident. Son épouse, Nawsheen Beekharry, 23 ans, n’a pas été épargnée par le gaz lacrymogène, et n’était pas en état de parler. Son bébé a été admis à l’hôpital. Son état de santé était juge stable, à l’heure où nous mettions sous presse.

Nurudiin compte aller de l’avant avec une plainte formelle contre la police. « Presque tous les jours, depuis une semaine, la police vient dans plusieurs véhicules pour effecteur des reconstitutions. Pourquoi ? Ce n’est pas correct. Ici, nous sommes à Vallée-Pitot. Nous vivons tous tranquillement ensemble. Il y a beaucoup d’enfants ici », nous explique ce jeune père. Nurudiin revient sur les incidents. Il se tenait debout parmi la foule, les exhortant au calme, quand une grenade lacrymogène devait exploser à ses pieds. Il a heureusement pu s’en sortir indemne. Son bébé, qui était dans les bras de quelqu’un, a eu moins de chance, ainsi que sa femme. Ils ont dû être transportés à l’hôpital.

Durant l’affrontement, le pare-brise de la voiture d’un des habitants a volé en éclats, ainsi qu’une vitre de la maison de Nurudiin. Il a deux belles-sœurs, âgées de 11 et de 14 ans. L’une des belles-sœurs de Nurudiin, qui souffre d’asthme, devait tomber inconsciente sous l’effet du gaz lacrymogène. Alors qu’il tentait de transporter sa belle-sœur à l’hôpital dans sa fourgonnette, il devait être arrêté dans les parages du Champ-de-Mars. « Zot ine encercler mo van. Zot ine pran matrak, zot ine rode tape moi. Mo pe dir zot ena ene dimoune malade ar moi. Mone mette en marche le signal ‘hazard’, la oussi zot pa kompran. Zot ine ouvert van. Faudrait zot ine trouve mo belle-sœur sans connaissance dans van lerla ki zot ine laisse moi aller », s’insurge Nurudiin Beekhary.

Ce dernier accuse un membre du Groupement d’intervention de la Police (GIPM) d’avoir proféré des jurons à son encontre. « La police est là pour nous protéger et non pas pour nous parler de cette façon », s’insurge-t-il. « Avant, zot bizin verifier ene suspect so alibi, sinon zot pas gagn droit trape li. Alle aprann kuma travay », devait-il lancer à un moment donné aux policiers.

Un habitant de l’endroit, Sabir Jokoo, nous indique qu’il n’y a aucune preuve contre les prévenus qui ont été arrêtés dans le sillage du meurtre de Manan Fakhoo. « Zot zis ban suspect. Pena okenn preuve ki dimoune la ine fer crime. Ki lapolis pe envi fer ? Rode laguerre ? », nous lance-t-il.

Selon lui, beaucoup d’habitants de l’endroit souffrent de séquelles du gaz lacrymogène après cet incident. « Plusieurs enfants sont venus à l’hôpital. Ils ne peuvent pas ouvrir les yeux. Ils ne peuvent pas parler », dénonce notre interlocuteur. Ce dernier ne mâche pas ses mots à l’encontre des forces de l’ordre qui ont pris la décision de lancer du gaz lacrymogène dans la foule. « N’importe ki communauté pe trouver ki zot pe rode fer avec musulmans », assène-t-il.

En tant que responsable de l’organisation Al-Hudaibiyyah à Vallée-Pitot, Riyad trouve que la façon de faire de la police est vraiment inacceptable. Selon lui, les habitants ne peuvent accepter qu’un bébé de cinq jours ait reçu du gaz lacrymogène. « Tout le temps, lés habitants de Vallée-Pitot ont coopéré avec la police. Mais cette fois-ci, leur façon de procéder est inacceptable », dénonce-t-il.

Aucun haut gradé informé de l’opération

Cette opération à Vallée Pitot où il y a eu usage de gaz lacrymogène fait polémique aux Casernes centrales. L’on se demande comment des officiers de grande expérience ont choisi un samedi matin pour une telle opération.

La MCIT, connue pour ses déploiements lors des exercices de reconstitution des faits, choisissent d’habitude des heures où il y a moins d’habitants présents pour procéder à ce genre d’opérations.

Mais il nous revient qu’un Assistant Surintendant de Police n’aurait pas consulté ses supérieurs avant de faire cette opération. D’habitude pour un tel exercice,  l’ASP aurait dû alerter un Assistant Commissaire de Police (ACP) ainsi qu’un Deputy Commissioner of Police (DCP). Mais tel n’a pas été le cas.